Violences autour du film Innocence of Muslims : révélateur d'une vague islamiste post printemps arabes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Innocence of Muslims, un film jugé offensant envers le prophète Mahomet, a déclenché de vives violences en Libye et en Egypte.
Innocence of Muslims, un film jugé offensant envers le prophète Mahomet, a déclenché de vives violences en Libye et en Egypte.
©Capture d'écran

Printemps maussade

Le film Innocence of Muslims a provoqué des violences contre des ambassades américaines en Libye et en Egypte. Portées par les salafistes, ces attaques ont entraîné la mort de quatre personnes dont l'ambassadeur américain au consulat de Benghazi. Une preuve en plus de la radicalisation du Proche Orient.

Alain Chouet

Alain Chouet

Alain Chouet est un ancien officier de renseignement français.

Il a été chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE de 2000 à 2002.

Alain Chouet est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l’islam et le terrorisme. Son dernier livre, "Au coeur des services spéciaux : La menace islamiste : Fausses pistes et vrais dangers", est paru chez La Decouverte en 2011.

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Atlantico : Un film jugé offensant envers le prophète Mahomet a déclenché de vives violences en Libye et en Egypte. Selon vous, le film Innocence of Muslims a-t-il provoqué une nouvelle vague d'antiaméricanisme dans le Proche-Orient ?

Alain Chouet : Je ne vois aucune nouvelle vague, l’antiaméricanisme a toujours été bien présent dans le Proche Orient. On assiste à un phénomène d’explosion dû à la caricature du prophète Mahomet instrumentalisé par les salafistes. L’objectif est de favoriser et développer une certaine forme de haine et de rejet envers l’Occident.

Les islamistes sont maintenant lâchés en Tunisie, en Égypte et en Libye, ils veulent manifester leur haine de l’autre et le plus symbolique reste les États-Unis. Cette réaction témoigne du malaise plus profond qui sépare monde islamiste et occident

L’islam ne reconnait pas les représentations du prophète Mahomet. Le réalisateur israélo-américain Sam Bacile, l'auteur de ce film, n'a-t-il pas bêtement provoqué les salafistes qui vont pouvoir profiter de cette situation ?

On avait déjà évoqué le problème lors de la publication d’une représentation d’une caricature de Mahomet par un journal suédois en 2007. Oui, il y a provocation  mais on a exactement les mêmes choses vis-à-vis des chrétiens. Dans d’autres pays, la réprobation ne se manifeste pas forcément  par la violence.

Sam Bacile tient quand même des propos fort, il parle de l'islam comme un cancer... Peut-on s'attendre à une condamnation de la part du gouvernement américain ?

Bien sûr, c’est de la pure provocation vis-à-vis de l’Islam. Là, on tombe dans des déclarations « de penseurs » de l’extrême droite américaine comme il y en a en France, ou en Hollande avec le réalisateur Theo Van Gogh, qui a finalement été assassiné. Ces penseurs font de l’outrance vis-à-vis de l’islam comme d’autres ont des propos démesurés envers le christianisme ou le judaïsme. Vous savez, le problème ne vient pas des gens mais de la réaction à la provocation.

Le gouvernement américain  ne fera rien. Le premier amendement des États-Unis autorise tout le monde de dire ce qu’il a envie de dire même si c’est outrancier. En France, cette situation serait sans doute différente, cela pourrait tomber sous le coup d'un certain nombre de lois (propos raciste, stigmatisation d’une communauté). 

Au Caire, 3000 manifestants se sont rassemblés devant l’ambassade des États-Unis. Le drapeau américain a été déchiré puis remplacé par le drapeau noir des salafistes.  Les printemps arabes n'ont-ils finalement pas permis l'émergence de pouvoirs extrême dans le Proche Orient ?

On le dit depuis le début. Depuis le commencement des printemps arabes, les gens lucides disent et tentent de dénoncer cette situation. Ce n’est pas parce qu’on a un mauvais dictateur que les opposants sont obligatoirement bons. A titre personnel, je n’ai aucune sympathie pour les dictateurs Moubarak, Ben Ali ou Khadhafi, mais les opposants qui se sont manifestés depuis le printemps arabe ne sont pas meilleurs. Nous avons soutenu, voire installé, ces oppositions, comme en Libye. 

C’est peut-être à nous maintenant de balayer devant notre porte. Vous savez, il y avait en Tunisie, en Égypte de vraies forces démocratiques, ce n’est pas celles que nous avons soutenues. Nous avons laissé le champ libre aux extrémistes soutenus par les monarchies wahhabites.

Le cas libyen est le plus explicite. On s’est fait beaucoup d’idées sur la Libye à la suite des élections. Le problème est que les nouveaux élus n’ont aucune autorité sur le territoire. Le pays est totalement contrôlé par des chefs de bandes islamistes.

Selon l'islamologue Mathieu Guidère, l’assassinat de l’ambassadeur Américain J. Christopher Stevens aurait été prémédité. Peut-on voir une nouvelle action de Al-qaïda 11 ans après les attentats du 11 septembre ?

Al-qaïda, moi je ne sais pas ce que c'est aujourd’hui, ni comment cela fonctionne. Par contre, ce qui m’interpelle, c’est de voir dans les pays musulmans des groupes salafistes qui agissent sur des problématiques locales

L’assassinat de l’ambassadeur américain un 11 septembre est une coïncidence, je ne vois pas de calcul numérologique. Je ne crois pas non plus que l’assassinat était prémédité de longue date. Mathieu Guidère a peut-être des informations dont je ne dispose pas.

Je remarque néanmoins que cet assassinat s’inscrit dans la droite ligne de la contestation du film américain, il s’en revendique d’ailleurs. Les terroristes ont frappé quand ils pouvaient, où ils pouvaient avec les moyens qu’ils avaient.

Propos recueillis par Charles Rassaert

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