Vincent Jeanbrun : "En banlieue, il y a deux camps distincts : ceux qui veulent vivre en paix et ceux qui voudraient détruire la République"<!-- --> | Atlantico.fr
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Vincent Jeanbrun quitte l'Elysée le 4 juillet 2023, après une rencontre entre Emmanuel Macron et les maires des villes touchées par les émeutes.
Vincent Jeanbrun quitte l'Elysée le 4 juillet 2023, après une rencontre entre Emmanuel Macron et les maires des villes touchées par les émeutes.
©Ludovic MARIN / AFP

Séparatisme

Le maire de L’Haÿ-les-Roses estime que les mesures présentées par Elisabeth Borne en réponse aux émeutes de juin ne sont pas toujours connectées aux réalités de terrain. Pour lui, "ce qui menace notre République aujourd’hui c’est la disparition totale de l’autorité de l’État au profit de la loi du plus fort".

Vincent Jeanbrun

Vincent Jeanbrun

Vincent Jeanbrun est maire (Les Républicains) de L'Haÿ-les-Roses depuis 2014.

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Atlantico : Elisabeth Borne a présenté son plan banlieue en réponse aux émeutes de juin. Possibilité d’encadrer des jeunes délinquants par des militaires, stage de responsabilité parentale, possibilité aux polices municipales d’accomplir certains actes de police judiciaire… Est-ce que ce plan n’arrive pas un peu tard alors qu’aujourd’hui c’est un conflit identitaire voire civilisationnel qui plane au-dessus de la République ?

Vincent Jeanbrun : C’est un point de départ. Pas une ligne d’arrivée.

Je pense que dans l’ensemble les intentions sont bonnes. Je salue d’ailleurs l’esprit de concertation qui a prévalu pour aboutir à ces propositions. Néanmoins, je regrette simplement que certaines propositions ne soient pas assez connectées aux réalités de terrain. D’ailleurs, s’il est important de muscler notre arsenal, il est surtout urgent de faire appliquer les lois qui existent déjà !

Quand au conflit qui menacerait notre pays, je pense qu’il ne faut pas se tromper ni de constat ni d’analyse. Ce qui menace notre République aujourd’hui c’est la disparition totale de l’autorité de l’État au profit de la loi du plus fort.

Quel est l’enseignement principal de ces émeutes ? L’incapacité totale de l’État à faire respecter l’ordre et son autorité. Les émeutiers ont testé l’autorité de l’État et malgré quelques condamnations, l’Etat n’a pas répondu. Chez moi, à L’Haÿ-les-Roses, ils ont franchi des lignes rouges sans qu’aucun émeutier ne soit même interpellé.

Le péril qui menace notre République, c’est la violence qui devient la règle, le péril de la loi du plus fort qui remplace la loi de la République, le péril des mafias qui prennent le pas sur les forces de l’ordre, le péril de l’impuissance.

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Nos concitoyens sont en permanence confrontés aux petites agressions du quotidien : nuisances sonores, rodéos urbains, trafics, violences de rue, insultes, incivilités. La destruction progressive et méthodique de notre communauté nationale et de notre vivre-ensemble vient de notre faiblesse à lutter efficacement contre ces nouveaux geôliers que sont les mafias et les séparatistes.

Aucun acte ne doit rester impuni a dit Elisabeth Borne. Le gouvernement fait preuve de fermeté ? 

Le sentiment d’impunité n’a jamais été aussi fort. Et il est d’autant plus insupportable que la Justice paraît faible avec les criminels et implacable avec les honnêtes gens.

Faut-il plus de fermeté ? Oui.

Faut-il durcir les peines pour les auteurs de violences urbaines ? Oui.

Faut-il sévir aussi vis-à-vis des parents de mineurs auteurs de dégradations, d’agressions, de violences alors qu’ils auraient dû rester sous leur surveillance ? Oui.

Mais pour qu’”aucun acte ne reste impuni” comme l’affirme la Première Ministre, la dureté de la peine n’est que la deuxième étape. Encore faut-il qu’il y ait une peine ! Et donc une interpellation, une procédure, un jugement et, enfin, une condamnation.

Quand le gouvernement propose de multiplier par 5 les amendes pour violation du couvre-feu, ce qui est une bonne mesure, il ne précise pas combien de peines d’amendes - même à 150€ - ont été effectivement prononcées durant les émeutes du mois de juin. Car encourir une peine de 150€ ou de 750€ d’amende, ça ne change pas grand chose lorsqu’on n’est jamais arrêté !

L’essentiel de l’enjeu de fermeté réside donc dans la Police. Et à ce niveau, je me félicite que le gouvernement ait pris en main une situation devenue absurde : des policiers municipaux peuvent porter une arme mais pas procéder à des interpellations, à des contrôles d’identité, à des fouilles, ni accéder au fichier des plaques d’immatriculation ou faire ouvrir un coffre de voiture !

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Confier ces missions à des policiers municipaux, c’est instantanément déployer 25 000 nouveaux agents sur le territoire ! Bien évidemment, il faut le faire dans un cadre précis et strict, avec une formation adéquate qui ne permette aucune dérive. Le Ministre de l’Intérieur a repris à juste titre la proposition de Valérie Pécresse de créer une école nationale des polices municipales.

Nous pourrions aller encore plus loin, notamment en ayant recours à la contraventionalisation (permettant des condamnations plus rapides et systématiques) pour un certain nombre de délits incontestablement observés par des agents de Police, ou encore à l’usage de drones pour déployer rapidement une présence policière sur des zones d’intervention particulièrement sensibles.

Quant à la proposition de “bannissement numérique”, qui a le mérite de poser la question essentielle de la fermeté dans l’usage illicite des réseaux sociaux, elle en dit malheureusement long sur l’impuissance publique en matière de régulation de la cyber-criminalité. Même caché derrière un ordinateur ou un téléphone, chacun devrait répondre de ses actes : il faut mettre fin à l’anonymat sur les réseaux sociaux.

Est-on dans une période de dé-civilisation comme Emmanuel Macron le signifiait en mai dernier ou bascule-t-on dans une atmosphère de guerre civile ? A force de vivre côte à côte, on va finir par être face à face ?

Nous sommes déjà face à face !

Le face à face est là devant nous : ceux qui respectent les lois de la République face à ceux qui ne jurent que par l’anarchie. Ceux qui les défendent au péril de leur vie face à ceux qui tentent d’imposer la loi des mafias. Ceux qui veulent incarner le sursaut face aux adeptes du chaos. En somme pour le dire simplement, il y a deux camps distincts : ceux qui veulent vivre en paix et ceux qui voudraient détruire la République.

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Quand on s’attaque de façon aussi brutale et violente à nos institutions, c’est que la rupture est proche. Rien ne nous dit d’ailleurs quelle société cette conjonction des haines et des fureurs viendrait installer à la place de notre République. Car ses ennemis sont nombreux et divers. Le séparatisme prospère dans des territoires enclavés devenus inaccessibles pour la Police. Car ses trafiquants ont fait du travail un outil de relégation plutôt que d'émancipation de nos concitoyens. Car il a endoctriné des jeunes français contre leur propre pays. Car il a insidieusement installé le “pas de vague” à l'École qui aujourd'hui encore tue nos professeurs. Car la pauvreté, le chômage, le désoeuvrement, le mal-logement, l’immigration incontrôlée et la désassimilation lui offrent par centaines des serviteurs prêts à sacrifier leur place dans cette France qui, vu de leur fenêtre, les a oubliés. Car il a doucement mais surement investi tous les champs de notre République jusqu’à s’y camoufler derrière des écharpes tricolores pour mieux la renverser !

Alors oui, la République vacille, c’est vrai. Mais sur chacune des causes de son recul, nous pouvons agir ! Regagner le terrain en cassant ces tours et les ghettos urbains, déclarer une guerre sans merci aux trafiquants, avoir le courage de défendre la laïcité et ne plus accepter ces “accommodements raisonnables” inassumés…

Face à ces séparatistes, nous sommes des millions ! Et nous allons gagner. Chacun doit prendre conscience qu’il porte en lui une part de notre République. Éduquer ses enfants, c’est protéger la République. Enseigner la laïcité, c’est protéger la République. Soigner c’est protéger la République. Chacun d’entre nous détient une part de cette République. Nous avons pris l’habitude de la défendre en silence. Il est temps de le dire fièrement, haut et fort.

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Ce plan banlieue répond-il à la problématique alors qu’une partie de la population ne comprend que le rapport de force ?

Mais ça n’est pas un plan banlieue ! Personne, pas-même le Gouvernement, ne peut prétendre le contraire. La situation de nos banlieues découle de 40 ans d’angélisme, de fuite en avant sur la ghettoïsation, d’urbanisme débridé, de recul de l'État : sur l’autorité, l'emploi, les services publics et la sécurité… Nous pourrions dérouler les causes pendant des heures sans nous approcher d’une liste exhaustive. Sans doute faudra-t-il le même temps pour corriger les erreurs. Mais il faut bien commencer quelque part. Inverser la courbe de la ghettoïsation. Cette crise est peut-être notre dernière occasion de prendre conscience de la gravité de la situation. Ces émeutes doivent tout changer. Au prochain embrasement, il sera peut-être trop tard.

Pour revenir sur la crise, on ne la résoudra pas sans parler de sécurité, de justice et de logement, bien sûr. Mais on ne sortira pas nos banlieues de l’ornière sans parler d’éducation, de culture, de famille, d’enseignement des valeurs de la République, de protection de l’enfance et d’émancipation.

Avec la disparition progressive de l’État et de tout ce qu’il implique (services publics, valeurs d’ordre, de mérite et de solidarité) dans les quartiers populaires, c’est l'assignation à la violence qui s’est développée. Et avec elle son lot de criminalité organisée, de caïds qui profitent de la faiblesse de certains jeunes pour s’enrichir à leur détriment. Police et Justice doivent être absolument intransigeants avec les premiers. Et l’État doit proposer un autre avenir aux seconds. Il y avait 10 000 émeutiers en juin dernier. Et 5,4 millions de français vivent dans ces quartiers, “prisonniers” de ces nouveaux matons.

Être Implacable avec les forts et charitable avec les plus fragiles, c’est ça la France.

N’être que l’un ou que l’autre mènera immanquablement au même résultat.

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