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Victoire d’Hillary Clinton en Californie : pourquoi Bernie Sanders se jetterait dans une bataille suicidaire pour les Démocrates en restant dans la course
©Reuters

Choix décisif

Tout au long d’une campagne effrénée de plusieurs semaines à travers la Californie, Bernie Sanders a continué à soulever l’enthousiasme chez les électeurs démocrates et indépendants. En quelques semaines, il a remonté l’essentiel de son handicap -d’environ vingt points dans les sondages- sur Hillary, sans parvenir à l’emporter dans les urnes. La balle est désormais dans le camp de Bernie Sanders. A poursuivre les mirages, il risquerait, en restant dans la course, de diviser son parti et d'affaiblir son candidat.

Patrick Chamorel

Patrick Chamorel

Patrick Chamorel est professeur à l'université de Stanford.

Il y enseigne les sciences politiques, à l'aulne des relations transatlantiques et des différences de systèmes politiques européens et français. Il collabore réguliérement au Wall Street Journal, Die Welt et CNN. Dans les années 90, il était conseiller politique dans plusieurs cabinets ministériels, à l'Industrie et auprès du Premier ministre.

 

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Quels que soient les résultats définitifs de la primaire démocrate qui s’est déroulée ce mardi en Californie (à 23h30 mardi heure de Californie; 8h30 mercredi matin heure de Paris, seuls 45% de bulletins de vote ont été dépouillés, donnant une avance de 60% contre 40% a Clinton), Hillary Clinton a finalement décroché la nomination de son parti. Ce mardi, elle a remporté les primaires du New Jersey, du Nouveau Mexique et du Dakota du Sud, mais ni celle du Dakota du Nord ni celle du Montana qui reviennent a Sanders.Hillary Clinton a rempli le critère le plus indiscutable pour être considérée comme la candidate de son parti a l’élection présidentielle : l’obtention de la majorité absolue de délègués parmi ceux qui se sont engagés à voter pour elle à la convention démocrate (et auxquels s’ajouteront une très forte majorité de “super-délégués”).  Elle a aussi rassemblé sur son nom, depuis janvier dernier, la majorité des électeurs des primaires et caucus. Hier soir à New York, Hillary a clairement revendiqué la victoire en la présentant comme un évènement historique : c’est la première fois dans l’histoire américaine qu’une femme est la candidate de l’un des deux grands partis pour la présidence des Etats-Unis.  

En dépit des critiques de plus en plus féroces adressées à Donald Trump par son propre parti, la primaire républicaine en Californie s’est apparentée à une formalité pour le milliardaire. Il en est allé tout différemment chez les Démocrates. Tout au long d’une campagne effrénée de plusieurs semaines à travers la Californie, Bernie Sanders a continué à soulever l’enthousiasme chez les électeurs démocrates et indépendants (la primaire californienne est dite semi-ouverte, c’est-à-dire ouverte aux électeurs non-affilies en plus des électeurs démocrates). En quelques semaines, il a remonté l’essentiel de son handicap --d’environ vingt points dans les sondages—sur Hillary, sans probablement parvenir à l’emporter dans les urnes.    

La Californie est à la fois l’Etat le plus peuplé (18 millions d’inscrits sur les listes électorales), l’un des plus divers de par sa démographie, et l’un des plus solidement acquis au Parti Démocrate depuis plus de deux décennies. Chacun des candidats bénéficiait d’atouts importants à exploiter au sein de l’électorat. Hillary (et Bill) Clinton ont toujours été populaires dans l’Etat, remportant toutes les primaires auxquelles ils ont participé, sans mentionner les deux victoires présidentielles de Bill Clinton. Depuis janvier, Hillary a triomphé dans les Etats à fort degré de diversité démographique, à l’image de la Californie. Elle a obtenu ses meilleurs résultats dans l’électorat noir et dans les Etats du Sud (77% des voix noires contre 21% à Sanders). Les Clinton y ont toujours disposé d’une forte influence électorale, sauf dans les primaires de 2008, lorsque Barack Obama a pris l’avantage sur Hillary. Cependant, l’ascendant d'Hillary a été limité par la sous-représentation arithmétique de l’électorat noir en Californie. Hillary Clinton avait aussi distancié Sanders dans les Etats où la communauté hispanique est puissante. Or, la Californie est l’Etat où le pourcentage d’hispanique dans la population, à 39%, est le plus élevé. Dans la primaire californienne de 2008, Hillary obtint 68% du vote hispanique face à Barack Obama. Mais cette fois, notamment en Californie, les jeunes noirs et hispaniques ont voté différemment de leurs parents, c’est-à-dire pour Bernie Sanders plutôt que Hillary Clinton. Les jeunes hispaniques, et dans une moindre mesure, les jeunes noirs, ont voté comme les autres jeunes plutôt que comme les autres membres de leur communauté.  A la veille du scrutin, les sondages attribuaient le même pourcentage d’électeurs “latino” à Clinton et Sanders: 44%, mais la première obtenait 69% des plus de 50 ans, le second, 58% des moins de 50%. L’avenir dira si ce phénomène est appelé a durer, ou s’il est essentiellement dû au glissement actuel des Démocrates vers la gauche et à la candidature de Bernie Sanders. Ce qui est sûr, c’est que le bond des inscriptions sur les listes électorales (2,1 millions de nouveaux électeurs depuis le début de l’année, surtout chez les jeunes), ainsi que la difficulté à prédire le vote et la participation électorale de ces jeunes, des hispaniques et des asiatiques, ont conduit à des écarts très importants dans les sondages (entre 2% et 18% en faveur de Clinton). 

La balle est désormais dans le camp de Bernie Sanders. Dans son discours mardi soir, avant de connaitre les résultats définitifs de la primaire californienne, il a appelé à continuer le combat. Il doit rencontrer Barack Obama et le chef de la minorité démocrate au Senat, Harry Reid, jeudi. Depuis une semaine, la peur s’est emparée de l’establishment démocrate au vu de sondages donnant Clinton et Trump au coude à coude dans la course présidentielle. Sanders va devoir, dans les jours qui viennent, décider s’il abandonne la course en se ralliant a Hillary, ou s’il se jette dans une bataille suicidaire pour convertir les super-délégués d’ici à la convention démocrate de Philadelphie en juillet.  

Le plus probable (mais aucunement certain) est qu’il jette l’éponge après la dernière primaire, dans la capitale Washington DC la semaine prochaine. Depuis déjà longtemps, Sanders sait parfaitement qu'Hillary franchirait la première le seuil de la majorité des délégués sous mandat, même si elle perdait la primaire de Californie (chez les Démocrates en Californie, les délégués sont attribués à la représentation proportionnelle). Ce n’est donc pas pour cela que Bernie Sanders s’est battu comme un beau diable pour gagner en Californie. C’était plutôt, dans cette hypothèse, pour faire apparaitre Hillary Clinton comme une candidate démocrate particulièrement faible pour affronter Donald Trump et lui permettre de convaincre suffisamment de super-délégués (pour l’instant dans le camp Clinton) de se rallier à lui, le candidat dont la plupart des sondages indiquent qu’il aurait les meilleures chances de battre Donald Trump en Novembre. Néanmoins, après avoir tenté de délégitimer les “super-délégués” et de faire du décompte des délégués sous mandat le seul critère de la victoire, Sanders est mal placé pour livrer cette bataille. D’autant que ces dernières semaines, pendant que Clinton continuait à engranger des soutiens, Sanders n’a pas ajouté un seul super-délégué a sa besace !  A poursuivre les mirages, Sanders risquerait, en restant dans la course, de diviser son parti et d'affaiblir son candidat.  

Dans les prochains jours, la pression de Barack Obama, d'Hillary Clinton, de l’establishment démocrate et de son propre camp, va s’accentuer sur Sanders. Il est temps pour lui, désormais, de négocier au mieux pour faire prendre en compte ses idées, plébiscitées sur le terrain, par le Parti Démocrate, puis se rallier au porte-drapeau de son parti. En 2008, Hillary elle-même s’était retirée face à Obama, certes quatre jours après la fin des primaires, mais alors que l’écart en délégués était plus serré qu’aujourd’hui. Gary Hart avait fait de même face à Walter Mondale en 1984.  Mais se retirer sera extrêmement difficile pour Sanders, qui tient plus au puissant mouvement politique qu’il a créé de toutes pièces et qu’il souhaite continuer à développer, qu’au Parti Démocrate dont il n’a jamais été membre.       

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