Vers une nouvelle crise des missiles ? La Chine négocie l’installation d’une base militaire à Cuba <!-- --> | Atlantico.fr
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Crise des missiles.
Crise des missiles.
©STR / AFP

Affaire à suivre

Le Wall Street Journal a révélé que la Chine négocie l’installation d’une base militaire à Cuba, ce que Pékin dément.

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

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Atlantico : Le Wall Street Journal a révélé que la Chine négocie l’installation d’une base militaire à Cuba, ce que Pékin dément. Que savons-nous exactement de cette affaire jusqu'à présent? 

Michael Lambert : La Chine multiplie les bases militaires à l'étranger, la principale étant la base de soutien de l'Armée populaire de libération à Djibouti, mais on en dénombre plusieurs autres, notamment en Birmanie, au Cambodge, au Pakistan et au Tadjikistan (dans le but de surveiller le corridor de Wakhan, en Afghanistan, qui relie ce pays à la Chine). 

Il faut rappeler que la Chine est déjà présente militairement à Cuba depuis 1999, et le personnel chinois exploite deux stations de transmissions de renseignements.

Dans ce contexte, Bejucal abrite une station d'écoute de signaux de renseignement exploitée par le troisième département de l'armée populaire de libération du département de l'état-major interarmées.

Une nouvelle base militaire chinoise à Cuba prendrait cependant tout son sens, dans la mesure où ce pays est géographiquement proche des États-Unis, a accueilli plusieurs troupes soviétiques pendant la Guerre froide, et compte une importante diaspora chinoise.

On ignore encore quels équipements chinois seront présents sur place, ainsi que le nombre de soldats, mais la base sera probablement similaire à la station de collecte de renseignement d'origine électromagnétique (ROEM) russe proche de La Havane. Pendant la guerre froide, cette installation russe a accueilli plus de 1 500 techniciens, ingénieurs et officiers de renseignement du KGB, du GRU, du DI cubain et du bloc de l'Est. 

Selon des informations parues en 2000, la Chine aurait signé un accord avec le gouvernement cubain et la Russie pour partager l'utilisation de la base avec ses propres services de renseignement. Bien que fermée en 2002, la base a été rouverte en juillet 2014, lorsque la Russie et Cuba se sont mis d'accord pour utiliser l'installation au profit des services de renseignement russes. La présence chinoise est donc susceptible de se faire en accord et en coopération avec les services de renseignement russes établis sur ce site. 

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Quels liens entretiennent, d'ores et déjà, la Chine et Cuba ?

Les relations sont cordiales. Cuba est membre du projet de Nouvelle route de la soie (OBOR) qui vise à accroître les relations commerciales et à moderniser les infrastructures du pays. Dans ce contexte, la Chine s'occupe du réseau ferroviaire cubain, ses routes et ses installations portuaires. Pour Cuba, qui subit les embargos américains et peine à se développer économiquement, la Chine est une opportunité économique car en mesure de fournir ce dont l'île a besoin dans tous les secteurs et d’absorber une partie des exportations cubaines.

Quel pourrait être l'intérêt, pour la Chine, d'une présence dans les Caraïbes ? Quelle menace pourrait-elle faire peser sur les Etats-Unis ?

Il est peu probable que la Chine représente une menace militaire directe, pour la simple raison qu'il ne serait pas utile d'envoyer des troupes en grand nombre. De plus, et contrairement à l'ère soviétique, un projet de déploiement d'armes nucléaires semble peu probable, puisque Beijing dispose déjà de missiles hypersoniques intercontinentaux capables d'atteindre les États-Unis. 

La présence chinoise sera de ce fait principalement destinée à des opérations de renseignement, et en particulier à l'interception des communications militaires et civiles en provenance des États-Unis. Elle devrait également permettre de surveiller les activités de la Base navale américaine de la baie de Guantánamo.

Sur un plan diplomatique, cela permettra à la Chine de se rapprocher d'autres pays d'Amérique latine, dont le Venezuela, ou les services cubains opèrent depuis plusieurs décennies et assurent la sécurité du gouvernement. 

Certains s'inquiètent d'un scénario type crise des missiles pendant la guerre froide. Une escalade pourrait-elle être d'actualité ?

Cette perspective paraît peu probable, compte tenu du fait que la présence chinoise servira essentiellement à des opérations de renseignement et éventuellement à la formation des forces armées cubaines par la mise à disposition d'instructeurs. Néanmoins, la possibilité que la Chine envoie des armes légères à Cuba n'est pas à exclure. 

En outre, la Chine pourrait recruter et former des Cubains en vue d'infiltrer les États-Unis, un scénario similaire à ce que faisait l'URSS pendant la guerre froide.

Quelles seraient les conséquences géopolitiques d'une telle installation chinoise si proche des Etats-Unis ?

Les Etats-Unis devront être attentifs aux équipements chinois présents sur l'île, afin de s'assurer qu'ils ne permettent pas d'intercepter des communications sensibles. 

D'un point de vue psychologique, la présence de la Chine à l'est des États-Unis est assimilable à un encerclement, puisque la Chine sera désormais présente aux deux extrémités du pays.

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