Vers un nouveau premier ministre LR ? Le dilemme explosif d’Emmanuel Macron <!-- --> | Atlantico.fr
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Gérard Larcher et Emmanuel Macron lors d'une cérémonie officielle. Le chef de l'Etat va-t-il constituer une coalition avec la droite en cas de remaniement ?
Gérard Larcher et Emmanuel Macron lors d'une cérémonie officielle. Le chef de l'Etat va-t-il constituer une coalition avec la droite en cas de remaniement ?
©Ludovic MARIN / AFP

En marche vers une coalition… ou pas

Il est vraisemblable que l’exécutif s’enlise dans l’impuissance politique sans véritable accord de gouvernement avec LR, probable qu’un tel accord fasse exploser la majorité relative actuelle. Le président de la République prendra-t-il son risque… et surtout lequel ?

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Carlyle Gbei

Carlyle Gbei

Carlyle Gbei est journaliste politique pour la radio fréquence protestante. Presentateur du podcast la Ve République, mode d'emploi et Nos présidents avec Maxime Tandonnet. Contributeur pour la revue politique et parlementaire .

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Atlantico: Selon les informations de France Info et de Politico, Renaissance a convoqué les cadres de la majorité pour discuter d'une éventuelle alliance avec LR. Se dirige-t-on vers un nouveau Premier ministre LR au sein d'une coalition ? Sans cela, à quel point est-il condamné à l'impuissance ?

Arnaud Benedetti : Après presque une année de XVIème législature, le constat de l'impossible équation parlementaire née du résultat des législatives s'impose, quand bien même l'exécutif peut exciper d'avoir réussi à caboter sans tomber sous le coup d'une motion de censure. Il n'en demeure pas moins que sur la distance l'entreprise apparaît de moins en moins tenable, sauf à essayer d'élargir la base majoritaire. A ce stade, le peu de profondeur tactique dont dispose Emmanuel Macron est du côté des Républicains, sans lesquels la très impopulaire réforme des retraites n'aurait jamais été adoptée. Le macronisme est manifestement en dette vis-à-vis de LR, et pour que cette dette soit quelque part solvable il pourrait apparaître opportun de mutualiser l'exercice du pouvoir. Cette hypothèse passe par la constitution d'une alliance avec ce qui reste de la droite dite de gouvernement qui ne s'est pas encore résolue à céder aux sirènes du chef de l'Etat. Les discussions au sein de "Renaissance" actent ainsi d'une impuissance parlementaire sur la durée, de la nécessité de trouver un compromis avec l'opposition la moins éloignée du logiciel dans le moment du parti présidentiel, à savoir LR, et du rétrécissement du "bloc élitaire" pour reprendre la formule de Jérôme Sainte-Marie qui nécessite dès lors de bricoler des alliances. En conséquence se dessine l'éventualité d'un potentiel Premier ministre issu des rangs républicains. Question : est-ce de nature à absorber la crise démocratique ? Vraisemblablement pas. Autre question : quel est l'intérêt des Républicains de participer à une telle aventure, mis à part l'attrait du pouvoir après des années de frustrations ?

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François Bayrou sera-t-il l’homme de la fin du macronisme ?

Carlyle Gbei : Il faut d’abord rappeler le contexte. On sort d’une première année législative assez compliquée pour la majorité relative. Certes, il faut reconnaître que de nombreux textes ont été adoptés avec souvent des majorités de circonstance, toutefois, les lois majeures comme le budget ou la très clivante réforme des retraites sont passées via le 49.3 , une procédure qui a suscité des colères dans l’opinion. L’heure est donc au bilan pour la macronie. De ce bilan découle l’impérieuse nécessité d’extension de cette majorité relative. Le seul parti du fameux “arc républicain” susceptible de compléter cette majorité reste pour l’heure “Les Républicains(LR).  Les députés renaissances sont donc conviés le 21 juin  à une «réunion politique» pour échanger sur «le contexte politique et la stratégie de la majorité», et plus précisément l’éventualité de travailler de manière plus officielle avec LR.

Sur la possibilité  qu’elle débouche sur la nomination d’un premier ministre LR, les chances sont très faibles. N’oublions que Renaissance comporte aussi des députés issus de la gauche. Un véto peut être imposé à  tout moment. En dehors du parti présidentiel, François Bayrou, cadre de la majorité, a également émis ses réserves sur cette possibilité dans les colonnes  du Figaro ce jeudi.

L’épisode Catherine Vautrin reste un exemple palpable. Et il faut déjà que l'état-major des républicains accepte  de signer une alliance avec le camp présidentiel.  Olivier Marleix a réaffirmé que son groupe ne comptait pas embarquer dans le titanique “macaroniste”. Gérard Larcher de son côté appelle à “un accord politique global” tout en vantant l’action de la première ministre. Les jeux restent donc ouverts.  

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Chez LR, quels seraient les profils susceptibles d'accepter cette alliance ?

Carlyle Gbei : Il y a pas mal de profils Macron-compatibles. Je pense notamment au député Alexandre Vincendet, Philippe Juvin, Jean  François Copé, Rachida Dati ou à Franck Louvrier, maire de La Baule et très proche de Nicolas Sarkozy . Cette position  reste tout de même minoritaire au sein du parti gaulliste qui tente de préserver son emblématique “ni-macron”, “ni-Le Pen”. 

Surtout, quels seraient les profils susceptibles de rassembler LR derrière Emmanuel Macron ?

Arnaud Benedetti : La réalité c'est que l'exercice relèverait bien plus du colmatage que de la figure d'une coalition historique. Il y aurait néanmoins un avantage à cette hypothèse : la clarification, car sur le fond, nonobstant quelques nuances, les lignes entre macronistes et républicains se recoupent idéologiquement sur bien des plans. Reste le sujet central de l'immigration où les LR par leurs propositions tendent à conserver une ligne de différenciation, principalement en préconisant une forme de reprise en main nationale de la régulation migratoire, par un affranchissement du carcan européen. Sur cette question, le poids de l'opinion, très majoritairement favorable à une option fortement souverainiste, constitue un facteur structurellement inhibant pour toute configuration d'alliances. C'est sans doute l'un des derniers liens qui retient encore pour une bonne part l'état-major républicain qui a abattu un jeu de cartes très élevé au moment où se profile l'agenda législatif du gouvernement sur l'enjeu de l'immigration. Force est de constater que sur ce sujet les marges de l'exécutif pour parvenir à un accord avec Les Républicains sont nettement moindres que lors du débat sur les retraites. La temporalité parlementaire ne joue pas facialement en faveur dans l'immédiat d'un accord de gouvernement avec Les Républicains, sauf à ce qu'Emmanuel Macron triangule totalement, se sépare de sa Première ministre et entrouvre la voie à une recomposition explicite sur sa droite, mais avec le risque de convulser dangereusement sur sa gauche. Gérard Larcher est une personnalité qui en soi de par sa surface institutionnelle pourrait en effet s'avérer comme susceptible d'incarner ce compromis avec LR. Y a-t-il néanmoins personnellement intérêt? A voir... D'autant plus que le meilleur moyen de rebattre les cartes est sans doute de retourner aux urnes en procédant à une dissolution, en tirant les enseignements d'un scrutin qui ne donnera pas de majorité absolue aux forces qui soutiennent Emmanuel Macron, et en procédant à une recomposition à partir de cette base.

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Mais quel imaginaire français veut vraiment capter Emmanuel Macron en se rendant au Mont-Saint-Michel ?

Carlyle Gbei : Je pense naturellement à Gérald Darmanin, qui s'entend très bien avec certains élus et cadres LR notamment Éric Ciotti , président du parti. Il est plus offensif sur les questions migratoires, même si la première ministre tente de tempérer ses ardeurs. Toutefois, par sa personnalité clivante, il lui sera difficile de fédérer la majorité. Il y a également Bruno Le Maire, sauf qu'il est très mal vu… son ancienne famille politique n'a pas oublié sa trahison. Sébastien Lecornu, ancien LR est aussi un profil intéressant qui a mené  avec beaucoup de finesse les  débats sur la loi de programmation millitaire (LPM).  C’est un ministre à l’écoute et peu bavard. 

Si Emmanuel Macron poursuit cette idée, pourrait-il vraiment la concrétiser compte tenu de la diversité de sa majorité ?

Arnaud Benedetti : C'est tout le problème. L'incapacité à dégager une majorité à l'Assemblée nationale sur le projet de loi immigration, si elle se confirmait, pourrait l'inciter à un grand exercice de clarification et de recomposition, via entre autres une dissolution ou pas. Tout dépendra, il va de soi, du calcul bénéfices/risques. L'enjeu migratoire est tellement existentiel pour notre avenir collectif qu'il est propice à ce type d'aggiornamento. Une de ses conséquences serait de réouvrir à coup sûr un espace pour la gauche sociale-démocrate qui pourrait pour l'occasion retrouver de l'oxygène du fait de cette droitisation supplémentaire du macronisme. Il n'en reste pas moins que la réalité profonde de toutes ces conjectures résulte des limites de la stratégie de godille opérée par le Président. Ce dernier est confronté à la plus grande crise politique que la société française ait connue depuis 1958. Il est bien plus le greffier de cette situation que son deus ex-machina ; il en subit de plein fouet les effets délétères tout en étant le produit de ce moment. Il n'a sur le fond que de mauvaises solutions devant lui car à idéologie constante, celle du choix d'une mondialisation non démocratique, il est enfermé dans la forteresse d'un système de convictions dont de larges courants, parfois opposés, de l'opinion ne veulent plus. Au demeurant, le caractère très exceptionnel de la situation paralyse les acteurs comme les observateurs mainstream qui confrontés à la mise en danger de leurs certitudes et visions du monde se révèlent incapables de penser ce que nous traversons, autrement que par l'usage de schèmes usés jusqu'à la corde. C'est à cela que l'on reconnaît encore une fois les grandes crises quand les détenteurs du pouvoir et leurs relais s'avèrent incapables de se projeter si ce n'est qu'en reproduisant mécaniquement leurs routines et conformismes pour... gagner du temps...

Carlyle Gbei : Le gouvernement ne pourra pas continuer à multiplier les 49.3. Le résultat en  termes d’image est  catastrophique. Dans son avis rendu le mercredi 14 juin, le Conseil de l’europe, vigie des droits de l’homme sur le  vieux continent considérait que ce procédé “soulèvait des interrogations au regard de la séparation  des pouvoirs”. La politique est avant  tout une question de symbole. Pour éviter les procès en “arbitraire”, il est donc nécessaire d’étendre cette majorité relative. C’est vrai que la mission s’annonce certes très difficile mais pas impossible pour le président. Cette nouvelle configuration l’oblige à clarifier son positionnement idéologique. La balle reste dans son camp.      

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