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Vers l’extinction des guépards
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Triste nouvelle

Une équipe de cinquante-quatre scientifiques, menés par Sarah Durant de la "Zoological Society of London", a produit une étude révélant la disparition de 50% des guépards d'ici quinze ans.

Jean-Yves Routier

Jean-Yves Routier

Jean-Yves Routier est docteur vétérinaire, fondateur et président de l'association CRESAM - Conservation et reproduction des espèces sauvages africaines menacées

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Atlantico : D'ici quinze ans, le monde comptera 50% de guépards en moins. Quels sont les facteurs expliquant cette tendance prévisionniste alarmiste ? Est-ce que l'activité humaine est entièrement responsable du phénomène ? 

Jean-Yves Routier Nous travaillons sur ce sujet depuis quinze ans dans différents pays. Nous avons une solution à proposer et les gens ne s'en rendent pas compte. Le principal problème, et qui explique en grande partie la disparition du guépard, est l'activité humaine qui a conduite à la diminution des territoire des félidés et a engendré des micro populations qui sont toutes touchées par un grave problème de consanguinité. Il n'y a plus de brassage génétique, de mixité des gènes, d'échanges.. Les animaux se reproduisant entre eux, de nombreuses maladies font leur apparition: on a pu noter de nombreux problèmes cardiaques, des insuffisances rénales, des troubles neurologiques et j'en passe.

En plus de la perte de qualité de semence, il y a une perte de la libido et de l'instinct maternel. Rajoutons à cela que peu de gens savent congeler de la semence de cette qualité, et la situation devient catastrophique.

On sait très bien que l'on ne va pas retirer des aéroports, des champs de culture, les fermes, les routes, etc., c'est impossible. Mais tout cela diminue la variété génétique et réduit les chances de brassage des populations. D'autant plus que les femelles, lorsqu'elles ont senti des phéromones d'animaux connus, sont inhibées sexuellement. C'est pour cela que dans les parcs zoologiques, ils ont du mal à avoir des bébés. Il faut que les femelles n'aient jamais été en contact avec un mâle pour déclencher ces chaleurs.

Existe-t-il des territoires où les guépards sont davantage menacés ? Pour quelles raisons ?

Plusieurs zones sont sensibles. Dans l'absolu, le risque le plus important reste ce problème de la consanguinité et des micro populations qui vivent entre elles et qui produisent beaucoup de consanguinité. Ensuite, il y a des différences entre les pays dans le rapport qu'entretiennent les populations locales avec l'animal. Le guépard du Sahara, par exemple, n'est pas sujet au braconnage. Les Touaregs, généralement, ne tuent pas l'animal si ce n'est pour sa viande afin de se nourrir. Par contre, les os, les griffes, les peaux restent sur place. Le vrai problème dans la relation entre les deux protagonistes c'est qu'ils ont les mêmes proies. Ils sont les prédateurs des mêmes petites antilopes. C'est d'ailleurs pour cela que le gouvernement local en Algérie veut d'abord réintroduire des antilopes. 

La plupart du temps en Afrique du Sud, la vente du guépard en tant qu'animal vise à récupérer les peaux et/ou les dents. Il y a des pays où il y a du braconnage, d'autres moins; mais si le guépard disparaît, c'est à cause de cette consanguinité omniprésente.

Quels enjeux revêt cette possibilité d'extinction ?

Cette extinction est une certitude, et ce à cause de l'homme. Votre question, c'est un peu comme si vous me demandiez quelles conséquences cela aurait de perdre les cathédrales. Dans le cas du guépard, c'est une perte du patrimoine génétique et du patrimoine animalier. Tout ce qui a été préservé naturellement pendant des siècles va être détruit par l'Homme. Après, on peut très bien vivre sans guépards, comme des égoistes, mais c'est une régression. Il n'y aura pas de conséquences vis-a-vis d'autres espèces. Le guépard est la proie des lions et des hyènes. Mais s'il n'y a plus de guépards, ils vont se reporter sur d'autres espèces et cela sera sans conséquences. Ce n'est pas comme en Inde avec le tigre qui agit comme un régulateur envers d'autres espèces. Cependant, la perte sera quand même énorme.

Quels moyens (économiques, politiques, etc.) seraient nécessaires pour empêcher la disparition des guépards de la surface du globe ?

Notre travail est important. Nous le perpétrons depuis quinze ans mais nous n'avons aucune subvention. L'idéal serait de créer une banque de semence de guépards.  Même cela, c'est très difficile car 98% de la semence du guépard est de mauvaise qualité. Quand elle est de qualité, c'est facile à conserver mais dans le cas contraire, à la décongélation, elle mourra. Dans la nature, pour lutter contre la semence de mauvaise qualité, le gnou, par exemple, va saillir trente fois dans la journée. Chez le guépard, c'est encore pire: plusieurs mâles vont saillir la même femelle et il va y avoir un effet de compétitivité au niveau du sperme. Ce que nous proposons et faisons dans des réserves, et que nous voulons faire de façon plus importante et internationalisée, c'est de faire une banque de semence avec toutes les sous-espèces de guépards pour ré-inséminer les femelles génétiquement éloignées.

Ce qui manque le plus, ce sont à la fois les moyens financiers et économiques. Ségolène Royal nous avait envoyés rencontrer le gouvernement chinois au sujet du tigre. Quand on rencontre les intéressés, ce que l'on propose leur paraît fabuleux, mais par la suite, il n'y a aucun suivi. Le problème des politiques, c'est qu'ils changent au bout de quelques années; par contre les problèmes restent. On est condamnés au bénévolat.

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