Une valve cardiaque, une semelle et demain un morceau d'organe : quand l'impression 3D devient un indispensable auxiliaire de santé<!-- --> | Atlantico.fr
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Une opération du coeur en 3 D.
Une opération du coeur en 3 D.
©REUTERS/Fabian Bimmer

Imprimer un rein ?

L'impression 3D, qu'on voit déjà en mesure de construire une station spatiale, se découvre également des talents indéniables et indispensables pour la médecine.

Roland Moreau

Roland Moreau

Roland Moreau est biophysicien et inspecteur général des Affaires sociales.

Il a notamment écrit L'immortalité est pour demain (Bourin Editeur, 2010). 

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Atlantico : En 2013, des médecins américains ont réussi a créer une prothèse biorésorbable via impression 3D. Il y a quelques jours, un autre bébé a été sauvé, après qu'un chirurgien a eu l'idée de modéliser son cœur en 3D pour que les praticiens puissent l'analyser avant l'opération. Une imprimante 3D peut-elle vraiment soigner efficacement ?

Roland Moreau : En ce qui concerne la prothèse de trachée du premier cas que vous citez, il est important de replacer les choses dans leur contexte. Le nourrisson souffrait d'une infection, responsable d'un affaissement des parois de la trachée, potentiellement mortel puisqu'il obstrue les voies respiratoires. Cette infection, la trachéo-bronchomalacie, aurait donc pu tuer cet enfant.

Pour autant, il ne s'agit pas d'un miracle : il existait déjà des traitements pour remplacer une trachée défectueuse, auparavant. Ces traitements n'étaient néanmoins pas ce que l'on pourrait qualifier de sur-mesure, et en cela ils pouvaient être douloureux voire traumatisants.

La première innovation qu'apporte l'impression 3D dans cette affaire, c'est avant tout le gain de temps énorme réalisé lors de production de la prothèse qui fera office de trachée synthétique. Et ; bien évidemment, il est impossible de parler des bienfaits de l'impression 3D sans évoquer sa capacité à réaliser une prothèse sur mesure, ici de la trachée et en fonction de l'appareil broncho-pulmonaire de l'enfant. Ca n'est plus une trachée standard qu'on introduit sans avoir les dimensions exactes et qui risquerait de traumatiser le nourrisson.

Une start-up américaine a inventé une application permettant grâce à un smartphone et à une imprimante 3D de réaliser des semelles orthopédiques. Aujourd'hui, quelles sont les applications médicales effectives de l'impression 3D ?

Actuellement, l'imprimante 3D est déjà opérationnelle, et utilisée, dans le domaine de la dentisterie. Dans les choses qui se font d'ores et déjà, donc, il faut compter l'impression de dents. Concernant ce qui est en projet, et qui ne tardera pas à apparaitre, on peut parler de l'élaboration de prothèses synthétiques. Ces prothèses, notamment de hanches, sont réalisées sur la base d'un matériau dont les propriétés sont très proches de l'os. Il y a également l'échafaudage, comme on le nomme dans le jargon orthopédique, qui fait office de trame autour de laquelle a lieu la reconstruction osseuse.

Il existe une troisième application, moins connue et développées, qui relève de la bionique, qu'on appelle l'exosquelette. Cette technologie, essentiellement travaillée en vue d'un traitement dédié aux handicapés moteurs (particulièrement les paraplégiques), devraient leur permettre de réaliser des mouvements avant impossible, comme marcher par exemple. Grâce à l'imprimante 3D, on va développer des exosquelettes parfaitement sur mesure, adaptés tant à leur physiologie qu'à leur anatomie.

Pour l'instant, on reste essentiellement sur des prothèses dentaires. Les tissus osseux et articulaires sont suffisamment avancés pour qu'on en soit à la phase d'expérimentation humaine. Ce n'est donc pas encore dans le domaine du courant, mais c'est on ne peut plus proche.

Quelles sont les futures applications les plus probables ? Une imprimante 3D peut-elle recréer des tissus humains, des cellules ? Si oui, comment ? Est-il probable qu'on parvienne un jour à recréer de véritables organes ?

C'est la dernière application, en médecine, de l'impression 3D. Tout ce qui relève des organes artificiel. La trachée, comme on l'a constaté, c'est déjà fait. Le cœur également.

Jusqu'à présent, et ce autant pour les constructeurs d'avions que pour les médecins, on faisait des modélisations 3D par ordinateur. Aujourd'hui on fait un véritable bond en avant : il ne s'agit plus de simulations informatique, mais bel et bien de modèles expérimentaux, qui permettent de faire des gains de temps considérable dans l'expérimentation.

Revenons sur les organes. Tout à l'heure, le mot-clef c'était "bionique". Maintenant c'est "cellule souche". Il s'agit purement et simplement d'une possibilité prometteuse, extraordinaire, voire révolutionnaire. Imprimer des cellules souches. Le principe est déjà très engagé par des chercheurs Australiens et du MIT et nous ouvrira la possibilité de réparer des traumatismes osseux et des cartilages. A l'aide d'un "BioPen" (une espèce de stylo dont l'encre serait en fait des cellules souches), on imprime les cellules souches sur le tissu osseux. Une fois déposées sur le tissu, les cellules souches se multiplient et deviennent des cellules souches. Ce principe-là est en bonne voie et  verra bientôt le jour pour le grand public. Tant pour réparer des tissus osseux ou cartilagineux que pour la peau ou la corné.

Une autre perspective, autrement plus éloignée de nous néanmoins, est développée par le professeur Atala, du MIT. Il s'agit donc de l'impression de tissus vivants et d'organes, obtenus avec des cellules souches embryonnaires. Dans le cadre de la médecine régénérative, c'est une révolution comme on en a sans doute jamais connue. D'ici à quelques décennies, il sera possible de recréer des organes, et sur-mesure encore une fois. La vascularisation (l'irrigation sanguine de ces organes) continue toutefois de poser problème quant à ce projet. S'il s'agit de quelque chose de possible en théorie, nous n'en sommes pas encore capables pour autant.

Cela reste néanmoins un pas de plus vers l'immortalité ! D'autant plus que nous sommes d'ores et déjà en mesure de reconstruire petit à petit, toujours à base de cellules souches, un cerveau. Il s'agit d'un organe particulièrement plastique, et s'il n'est pas possible de le remplacer brutalement, différentes expériences sur des singes déjà blessés ont démontré qu'il était possible de revenir à un comportement relativement similaire à celui qu'ils possédaient avant.

Ces organes sont-ils mieux adaptés à une greffe que les prothèses que nous savons déjà fabriquer, actuellement ? Quels sont les risques qu'ils peuvent présenter pour l'Homme. Sont-ils fondamentalement différents de ceux qu'on connait actuellement ? L'imprimante 3D peut-elle faire chuter le danger que représentent certaines opérations ?

Nous n'avons que peu de recul. Mais pour l'instant, quand on se penche sur des organes comme le cœur artificiel, on constate que tout se passe bien. A priori, et de façon purement théorique, il ne devrait pas y avoir de problèmes de rejet, ce qui serait un avantage considérable. Non seulement parce que les patients n'auraient pas à prendre des traitements à vie pour se prémunir de ces rejets, mais aussi parce que c'est d'office plus rentable économiquement. D'autant plus que ces organes artificiels sont bien plus durables que ne le sont les prothèses "classiques".

Propos recueillis par Vincent Nahan


Pour lire le Hors-Série Atlantico c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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