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Un Rugy de perdu, 10 populistes de retrouvés ? Quand les opérations mains propres ne produisent pas la vertu escomptée
©ALAIN JOCARD / AFP

Plus blanc que blanc

La chute de François de Rugy est perçue comme une victoire pour les moralisateurs de la vie publique. Mais ce type d'affaires et la forme qu'elles prennent, en jetant l'opprobre sur l'entièreté de la classe politique, profite surtout aux partis populistes.

Olivier Gracia

Olivier Gracia

Essayiste, diplômé de Sciences Po, il a débuté sa carrière au cœur du pouvoir législatif et administratif avant de se tourner vers l'univers des start-up. Il a coécrit avec Dimitri Casali L’histoire se répète toujours deux fois (Larousse, 2017).

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Atlantico : Dans les faits, la façon dont adviennent ces affaires n’est-elle pas un cadeau pour les populistes que la moralisation de la vie politique veut pourtant désarmer ? N’intègre-t-on pas inconsciemment une forme de dégagisme ?

Olivier Gracia : Les partis populistes ne sont pas exempts d’affaires judiciaires. On se souvient de l’affaire des collaborateurs parlementaires du RN au Parlement européen. Ce n’est pas comme si les populistes avaient une forte vertu que les autres partis n’avaient pas. Néanmoins, ce qui est certain, c’est que dans le discours, cela fragilise le système dans sa globalité et surtout Emmanuel Macron qui s’était fait l’initiateur de cela avec sa loi sur la moralisation de la vie publique. C’était une de ses promesses, une des premières loi adoptées sous son mandat, qui s’opposait à la tendance qu’avait l’ « ancien monde » de s’enrichir et profiter de l’argent public. 

Mais il a convié l’Ancien monde dans la politique, et n’a pu s’en défaire complètement. L’affaire de Rugy rappelle l’affaire Fillon. François Fillon et François de Rugy avaient tous les deux faits de la transparence et de la morale en politique leur cheval de bataille, leur fer de lance. Fillon se faisait passer pour le chevalier blanc ou le moine soldat de la droite quand Rugy était le premier à donner son avis sur la vie des parlementaires et sur les questions de dépenses. Il est étonnant de voir que ce sont ceux qui en parle le plus qui en font le plus. Dans le sens où on est étonné de voir qu’aujourd’hui dans le contexte de fracture sociale et de perte de confiance des Français dans le fonctionnement de notre démocratie et pour la politique, ce genre de pratiques existe encore.

Les soirées organisées par François de Rugy n’étaient pas d’une discrétion folle. Il invitait à sa table des peoples, des journalistes… Forcément à un moment, cela serait sorti. Et l’affaire du « homard » est loin d’être la seule. Ce genre de comportement fragilise la politique et met en danger les bons hommes politiques, qui existent, il faut le rappeler. Il faut bien distinguer les bonnes et les mauvaises pratiques. Bien des politiciens n’ont jamais profité abusivement d’un euro d’argent des Français. Le tous pourri est nourrit par ce genre de double discours. 

Quelle vous semble être la bonne stratégie dès lors ? On voit que c’est Emmanuel Macron qui a poussé François de Rugy vers la sortie et cela semble le fragiliser. Quelles solutions s'offrent à lui ?

Oui cela le fragilise, et ce que je trouve étonnant, c’est que comme pour l’affaire Benalla, il a pris un petit temps pour réagir, en l’occurrence pour pousser son ministre à la démission. Néanmoins, la bataille morale est perdue. Il aurait fallu faire une annonce dans la semaine des premières révélations. D’autant plus qu’il ne faut pas douter que le Président devait avoir une visibilité sur ce qui s’apprêtait à sortir dans la presse. S’il avait été intransigeant, cela aurait été apprécié, mais on a plutôt l’impression qu’il a louvoyé dans cette histoire, et ménagé ses équipes pour éviter une humiliation de son ministre. Il a de fait attendu que la situation se dégrade pour réagir. Ce qui est regrettable, c’est que le résultat est aujourd’hui désastreux, dans le sens où certes Mediapart a obtenu sa démission, certes les Français sont contents de voir partir ce ministre, mais la bataille morale est perdue par Emmanuel Macron. On ne se souviendra pas de la démission de François de Rugy, mais du moment où Emmanuel Macron a tenté avec son Premier ministre de protéger le numéro 2 de son gouvernement. Il n’était pas question au début de le congédier. Les Français retiennent ça. Il a fallu plusieurs semaines de débat pour qu’enfin le gouvernement prenne une décision responsable concernant son cas. Sa mort politique était annoncée, elle était claire et prévisible. C’est le même problème que pour Benalla. C’est comme si les politiques envisageaient une issue positive. L’histoire montre tout autre chose, cela finit toujours mal, et la transparence et l’intransigeance seules peuvent faire basculer ces situations. 

Quand on regarde le succès des populistes en Italie ou le succès de politiques plus radicales notamment sur l’immigration dans les démocraties sociales scandinaves, ne peut-on pas voir aussi les excès d’une recherche de vertu dans nos sociétés ?

Sur ces questions, les Scandinaves sont bien en avance sur nous. Ils n’ont pas attendu l’émergence des populistes pour réagir. On sait que les ministres suédois peuvent être congédiés pour des affaires de bien moindre ampleur que celle que nous avons vécu avec François de Rugy. Ils démissionnent dans la minute pour la moindre faute. La France est sur chemin. Mais il faut en effet pas faire de la vertu le seul critère, elle peut être dangereuse. Elle est souhaitable car on veut un comportement digne, mais la vertu ne doit pas enlever aux politiques tout espace de liberté. 

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