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Tunisie : s'inspirer de l'Europe de l'Est plutôt que de Robespierre?
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Rèv(e)olution

Un mois et demi après le départ de Ben Ali, il est crucial que le pays se concentre sur sa reconstruction économique. En regardant l'exemple des transitions démocratiques dans les pays ex-communistes d'Europe de l'Est après la chute du mur de Berlin.

Elodie Ritzenthaler

Elodie Ritzenthaler

Elodie Ritzenthaler est consultante et travaille essentiellement sur les sujets de politique commerciale.

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Déjà un mois et demi que Ben Ali a fui le pays. Cela a été aussi soudain et inattendu que la chute du mur de Berlin et du système soviétique et de ses satellites, il y a un peu plus de vingt ans. Les pays d’Europe Centrale et Orientale se sont libérés seuls sans que les pays de la vieille Europe n’aient perçu ou accompagné ces renversements de régimes. Il en est de même pour la Tunisie.

Souvenons-nous que la transition de ces pays a eu lieu aux niveaux politique, économique et social en une période extrêmement courte. Au niveau politique tout d’abord, les régimes autoritaires à l’Est ont tous sans exception, été remplacés par la mise en place de régime démocratiques, de Tallinn à Sofia, en passant par Varsovie, Prague, Bucarest et les autres. Au niveau économique et social, ils ont mis fin aux systèmes d’économies centralement planifiées grâce à l’ouverture de leurs marchés à la concurrence, passant entre autres, par une privatisation massive et l’attraction des investisseurs étrangers.

Tunisie : la révolution inachevée

Un mois et demi après la fin du régime Ben Ali, les inquiétudes grandissent chaque jour. Les Tunisiens continuent à communiquer grâce à Facebook où toutes les informations les plus contradictoires apparaissent. Les manifestations se poursuivent encore entre les anti et les pro de la nouvelle équipe gouvernementale, malgré le retrait de Ghannouchi.

Si la communication est essentielle pour le gouvernement sur ce que deviennent les Trabelsi and Co qui ont été arrêtés, sur ce qu’il adviendra de leurs intérêts, mais aussi sur le cap qu’est en train de prendre la nouvelle équipe en place, s’inspirer des expériences réalisées dans d’autres pays pourrait faciliter la transition qu’est en train de vivre la Tunisie. Sur les meilleures pratiques constitutionnelles certes - la question de la laïcité ou non du régime n’étant qu’une composante parmi d’autres - mais aussi sur les meilleures pratiques économiques et la mise en place d’un État de droit.

Une marge de manoeuvre économique limitée

La marge de manœuvre au niveau économique et social est limitée. L’économie tunisienne est essentiellement constituée de petites et moyennes entreprises ayant un capital et une trésorerie réduits. Depuis fin décembre, les pertes s’accumulent, pas seulement dans le tourisme, et celles qui vendent sur le marché libyen voisin, voient avec angoisse les évènements qui s’y déroulent.

Bon nombre de privatisations ont déjà eu lieu dès les années 1990. L’économie du régime Ben Ali était entre les mains d’une bande d’apparatchicks dont les parts au sein des entreprises sont en train d’être nationalisées. Quelle sera la prochaine étape ? De même, si la Tunisie est constituée d’une population relativement bien éduquée, les compétences disponibles ne répondent pas au marché de l’emploi actuel qui est constitué essentiellement d’industries de main d’œuvre tournées vers les marchés à l’exportation et en particulier vers le marché européen.

Ouvrir la Tunisie à la mondialisation

L’ouverture plus large de la Tunisie à la concurrence est nécessaire, de même que l’attraction des investisseurs étrangers – ce qui passe par une réforme du Code des investissements en permettant à des entreprises étrangères de pouvoir acquérir 100% du capital dans quelque secteur que ce soit - mais aussi diversifier l’économie, très concentrée sur quelques secteurs tels que l’habillement, les équipements automobiles ou le tourisme, comme diversifier les marchés à l’exportation et participer plus largement à des zones économiques régionales – avec la relance des négociations services avec l’UE, ou les Accords d’Agadir avec les pays du Maghreb/ Moyen Orient ou encore un Accord de libre échange avec les Etats Unis, etc.

Parmi les pays du monde arabe qui demandent essentiellement la fin de régimes autoritaires et une redistribution des richesses, la Tunisie semble clairement se tourner vers la démocratie. Alors que le Maroc et la Jordanie étaient les « chouchous » des bailleurs de fonds internationaux, la Tunisie, en choisissant la voix démocratique aura probablement la chance de devenir d’ici peu un des premiers bénéficiaires de l’aide internationale dans la sous région.

Aider financièrement le pays

Ne parlons pas de promesses irréalistes puisque cela avait été annoncé précédemment pour les pays d’Europe Centrale et Orientale puis pour les Balkans et qu’aucun Plan Marshall n’y a vu le jour, mais des sommes conséquentes devraient toutefois être dégagées pour accompagner la transition démocratique et économique tunisienne. Il reste à souhaiter que les projets seront bien identifiés, et rapidement, afin que l’assistance technique puisse être délivrée sans délai. Alors, peut-être, le pays pourra-t-il devenir un laboratoire du monde arabe.

Et si dans les cafés et restaurants de Tunis, les langues se délient, que l’on parle de Robespierre et que de vieux artistes fredonnent des chansons de Léo Ferré, la vie reprend doucement et s’intéresser au plan Balcerowicz ou à la transition hongroise pourrait rapidement devenir pertinent.

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