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Travailler plus pour payer moins d’impôt ? Pourquoi pas… Mais y a-t-il assez de travail pour le faire ?
©Reuters

L'Armée de réserve

Suite à l'annulation de l'allocution présidentielle initialement prévue pour le 15 avril, annulée en raison de l'incendie de la cathédrale Notre Dame, certaines informations concernant le contenu des propositions formulées par Emmanuel Macron ont fuité dans la presse.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico: Parmi ces proposition figurent l'allongement de la durée du travail, soit en supprimant des jours fériés, un report de l'âge de la retraite, ou un allongement pur et simple de la durée hebdomadaire du travail. Comment justifier une telle proposition dans le contexte actuel ?

Nicolas Goetzmann : Emmanuel Macron et le gouvernement peuvent justifier politiquement une telle mesure sur l’angle déjà utilisé par Nicolas Sarkozy il y a maintenant 10 ans : “travailler plus pour gagner plus”. Or, la subtilité ici est plutôt de proposer de travailler plus pour payer moins d’impôts, l’allongement de la durée du travail étant considérée comme la contrepartie demandée contre la baisse des impôts dont bénéficieront les classes moyennes. C’est un argument politique qui entre en résonance avec l’idée assez largement partagée dans l’opinion que les Français ne travaillent pas suffisamment.  

D’un point de vue théorique, ce qui est recherché par le gouvernement, c’est donc l’accroissement du nombre d’heures travaillées en France. Le problème ici, c’est que le pays dispose d’ores et déjà d’un potentiel d’heures non travaillées qui est très important, c’est ce que montrait l’INSEE dans une publication de ce mois d’avril 2019, qui expose le taux de sous utilisation de la main d’oeuvre dans l’Union européenne, dont la France (ce taux est proche de 17% de la population active en France).  

Il est donc difficile de considérer que la France doit travailler plus alors qu’il existe une forte proportion de la population qui n’est pas “utilisée”, soit au travers du chômage, du temps partiel, du sous-emploi etc. On pourrait très bien justifier une telle position sur le taux d’emploi était à un niveau de rupture, mais le fait est que cela n’est pas du tout le cas. La justification est donc à chercher ailleurs. Dans une économie ou la sous utilisation de la main d’oeuvre est aussi intense que celle-ci, un allongement de la durée du travail aura simplement pour effet d’abaisser son coût pour les employeurs qui, toujours dans un contexte de chômage de masse, conservent un pouvoir de négociation bien supérieur à celui dont disposent les salariés. C’est donc plutôt un écrasement du coût du travail qui est recherché par une telle mesure, plutôt qu’une volonté de mieux récompenser le travail des salariés Français. La “valeur travail” peut donc être invoquée, mais le résultat ne peut être à la hauteur des attentes.

Quelle serait le moyen de rendre une telle mesure la plus efficace possible, aussi bien pour les Français que pour le pays ?

Un accroissement du nombre d’heures travaillées dans un contexte de plein emploi peut avoir des effets très favorables. Dans un premier temps, et en considérant que le plein emploi permet d’équilibrer les rapports de force dans les négociations entre salariés et employeurs, nous pouvons déjà considérer que seuls les salariés qui le souhaitent travailleront plus. Le pouvoir de négociation offre une liberté supplémentaire aux salariés. Dans un second temps, une augmentation du nombre d’heures travaillées, pour ceux qui le souhaitent, dans un contexte de plein emploi, est une assurance pour une progression des revenus du salarié, en suivant la logique du “travailler plus pour gagner plus”.

Reste donc à savoir comment faire pour que le pays se retrouve dans une situation de plein emploi, pour qu’une telle mesure puisse profiter à tout le monde. Et là, on en revient plutôt à un raisonnement macroéconomique, dont le diagnostic peut se baser sur le graphique concernant la sous utilisation du travail en Europe cité précédemment. Ce graphique montre que la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, sont parmi les pays les plus touchés par cette sous utilisation du travail, mais que l’ensemble européen est également touché dans une large mesure, soit 15% de la population active sous-utilisée. Nous avons ici une image de ce qui est le potentiel d’offre de travail en Europe, que la demande ne parvient pas à absorber, parce que celle ci est trop faible. Une relance de la demande en Europe, par la voie monétaire (par le biais d’un mandat de plein emploi pour la BCE par exemple), et complétée par un aspect budgétaire (la zone euro affiche un déficit public de 0.5% alors que les Etats-Unis sont à 5%, ce qui peut donner une idée de la “place” dont disposent les européens pour agir de cette manière),  permettrait d'absorber une large part de cette sous utilisation du travail en Europe. Ce qui donne aussi une idée du potentiel inexploité en Europe, et en France. Nos capacités de générer de la croissance sont fortes, et il suffirait d’une refonte de l’approche macroéconomique européenne pour que ce potentiel se réalise.

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