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Tout ce que vous avez toujours voulu comprendre sur l’inflation mais que personne ne vous a jamais dit (enfin, récemment…)
©INA FASSBENDER / AFP

Hausse des prix

Si on parle beaucoup de la planche à billets, ce sont en réalité les chocs et les distorsions sur les circuits de production qui pèsent le plus lourd sur l’inflation

Alexandre Lohmann

Alexandre Lohmann

Alexandre Lohmann est chef économiste dans un fonds d'investissement brésilien.

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Atlantico : Quels sont les déterminants actuels de l’inflation ?

Alexandre Lohmann : Le principal facteur de l'inflation actuelle, c'est l'inflation. On ne peut plus invoquer le prix des matières premières depuis au moins juin dernier. Les banques centrales sont passées de l’état de négation à une position diamétralement opposée et probablement excessive. Le prix des matières premières s’est effondré progressivement. Le pétrole et le diesel ont beaucoup baisé, le prix du blé est au-dessous du niveau d’avant guerre. Les matières premières exercent plutôt, aujourd’hui, une pression déflationniste.

"Causes de l´inflation : 31% PIB - 11% la velocité de la monnaie et 57% ... inflation"

Le fait est que l’inflation est un phénomène qui a beaucoup d’inertie. S’il y a de l’inflation pendant un trimestre, les entreprises qui font face vont augmenter leurs prix, différentes valeurs indexées vont suivre, etc. Donc l’inflation s’auto-entretient, quand bien même ses déclencheurs initiaux ne sont plus là. Nous sommes dans les effets secondaires du choc inflationniste qu’on a connu et qui fait que l’inflation se perpétue. En France, l’inflation met plus de temps à arriver, pour plusieurs raisons, ce qui fait qu’une partie de la hausse que nous n’avons pas eu au début va se faire sentir dans un second temps. Par exemple, la France a mis en place un bouclier tarifaire, ce qui nous a permis d’étaler la courbe, fait que nous connaissons une hausse des prix à l’heure actuelle, là où d’autres pays voient une déflation des prix de l’énergie. Nous sommes, d’une certaine manière, dans la seconde mi-temps de la crise. Le processus de désinflation va avoir lieu, il sera plus lent en France au regard de la manière de lutter contre l’inflation choisie. Certains pays sont déjà à des niveaux beaucoup plus acceptables, comme l’Espagne à 3,3% en mars.

Vous estimez que l'erreur initiale de la BCE aura été de sous-estimer l'augmentation de la vélocité de la monnaie provoqué par une forte reprise économique. Pourquoi ? 

Il y a un consensus chez les économistes pour dire que la monnaie ne joue pas de rôle sur l’inflation. Et pendant longtemps, les quantitative easing pendant la crise de l’euro n’ont pas vraiment eu d’effet inflationniste. Le problème est que la situation était très différente car la vitesse de circulation de la monnaie a tendance à beaucoup augmenter en période de forte de reprise.

Dans cette optique, l'erreur de la BCE aura été de sous estimer l'augmentation de la vélocité de la monnaie provoqué par une forte reprise économique (aprés la forte chute initiale)

La grosse différence est que nous avons imprimé plus de monnaie mais aussi que chaque unité de monnaie, parce qu’on était en période de forte reprise, générait plus d’impact sur l’activité et l’inflation. Le lien monnaie – inflation a été un grand angle mort des économistes pendant toute la période que nous avons connue jusqu’à l’effondrement de la masse monétaire aux Etats-Unis.

Graphique mis à jour avec les données de février

Comment analyser l’action des banques centrales ?

Le gros problème est que, regarder les taux d’intérêt, ce n’est qu’une moitié de l’information. L’autre moitié, c’est l’offre de monnaie. Et cette dernière s’effondre. Si l’on regarde ces deux données, on voit que l’offre de monnaie est bien plus restrictive que le laisse suggérer la simple étude des taux d’intérêt. L’indicateur qu’on appelle le shadow rate prend en compte l’offre de monnaie et le taux d’intérêt pour montrer que est le taux « réel ».  et on voit que l’action de la BCE est en réalité deux fois plus forte que ce que laisse penser les taux d’intérêt.

Une image contenant graphique

Description générée automatiquement

Shadow rate européen

La baisse de l’offre de monnaie signifie moins de réserves bancaires, moins d’argent dans les mains des gens et moins de dépôts – qui concrètement signifie une baisse des crédits. Cela dénote un système bancaire fragilité. L’action des banques centrales est donc profondément récessionniste, mais à cause de l’inertie de l’inflation, on risque de tomber en récession avant de revenir à la cible d’inflation.

On parle beaucoup de planche à billets mais à quel point ce sont toujours les chocs de demande et distorsions sur les circuits de production qui pèsent encore lourd sur l’inflation ? 

Le stress sur les chaines de production n’a plus d’impact sur l’inflation. L’inflation sous-jacente des biens, en variation inter-annuelle, est de l’ordre de 1%. Nous sommes quasiment en déflation au niveau des biens. Dire que c’est une inflation emmenée par la demande n’a aujourd’hui plus de réalité. Mais comme les biens ont beaucoup augmenté une certaine demande s’est reportée sur les services. L’essentiel de l’inflation aux Etats-Unis vient de l’immobilier, puisqu’ils comptent le prix de l’immobilier dans le calcul de l’inflation, contrairement à la France. Actuellement, les prix de l’immobilier sont plutôt en train de retomber, mais ce n’est pas encore visible dans l’inflation. L’inflation aux Etats-Unis à s’améliorer substantiellement prochainement et leur préoccupation devrait plutôt être la baisse des crédits et non pas la crise inflationniste.

Dans quelle mesure le Covid et la guerre en Ukraine ont provoqué des chocs réels auxquels nous n’étions plus adaptés ?

Nous avons eu une conjonction de facteurs inédites. S’il n’y avait eu que de l’inflation monétaire, nous n’aurions pas vu jusqu’à 7 % d’inflation, pareil si ça n’avait été que la guerre en Urkaine. Tout s’est conjugué et a mené la crise à sortir du tube.

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