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Total autorisé à reprendre ses recherches de gaz de schiste ? Ce que cette victoire en vue pour le géant énergétique révèle des incohérences du gouvernement
©Reuters

Contradiction

Quelques semaines après l'accord de la COP21, le rapporteur public du tribunal administratif de Cergy-Pontoise préconise que Total puisse reprendre ses recherches de gaz de schiste dans la région de Montélimar. Des recherches qui avaient pourtant interrompues par l'abrogation en 2011 d'un permis, en raison de la loi qui interdit le recours à la fracturation hydraulique.

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Atlantico - Le rapporteur public du tribunal administratif de Cergy-Pontoise préconise que Total puisse reprendre ses recherches de gaz de schiste dans la région de Montélimar. Comment comprendre cette recommandation?

Thomas Porcher : Cela montre le décalage entre les discours des dirigeants et les actes. A la COP 21, nous avons vu tous les chefs d’Etats affirmer que le réchauffement climatique était un problème majeur pour l’humanité, beaucoup d’observateurs ont qualifié l’accord de la COP 21 de réussite historique, pourtant à peine la conférence terminée, tout est revenu dans l’ordre et la question du dérèglement climatique semble ne tenir qu’une place secondaire. Nous assistons clairement à ce que j’ai appelé dans mon dernier livre (Le déni climatique, 2015) une forme d’hypocrisie climatique alors même que l’année 2014 a été l’une des plus chaudes.

Une politique viable serait de mettre la contrainte climatique au cœur du système énergétique. Cela supposerait de développer plus rapidement les énergies renouvelables. Rappelons que la France ne tiendra probablement pas son engagement européen sur la part de renouvelables d’ici à 2020. Pourtant au niveau industriel, ce serait très intéressant car il n’y a pas de majors des renouvelables en Europe et il y a des parts de marché énormes à prendre notamment avec les objectifs européens. Pourquoi le gouvernement qui est actionnaire de grands groupes de l’énergie ne les poussent pas dans le renouvelable ? Il y a clairement dans ce gouvernement, comme dans les précédents, un manque de vision stratégique.

Total prétend recourir à des techniques d'extractions alternatives à la fracturation hydraulique, interdite car jugée néfaste pour l'environnement. Est-ce réalisable ? Quelles sont ses alternatives possibles ? Existent-elles déjà ?

Actuellement, la technique la plus utilisée pour extraire du gaz de schiste est la fracturation hydraulique. Certes, un rapport commandé par A. Montebourg nous avait vanté la fracturation au fluoropropane mais c’est une technique très rarement utilisée et plus coûteuse que la fracturation hydraulique. Nous ne bénéficions pas de suffisamment d’expérience à l’échelle mondiale sur cette technique et il serait idiot de commencer par la tester chez nous, elle pourrait s’avérer beaucoup plus polluante que la fracturation hydraulique. Et puis rappelons qu’un forage entraine des désagréments pour les populations avoisinantes et qu’elles ont souvent manifesté leur opposition.

Au final, dans cette histoire, nous sommes au cœur d’une bataille juridique entre l’Etat et TOTAL. Le problème est qu’il y a une très forte asymétrie d’informations entre TOTAL, qui peut prétendre disposer de techniques d’extractions alternatives, et l’Etat, qui n’y connait pas grand-chose sur cette question.

Ce nouveau rebondissement dans le dossier du gaz de schiste laisse-t-il envisager la possibilité que cette question revienne au coeur des débats dans les prochains mois ?

Ce débat sur le gaz de schiste ne devrait même pas exister compte tenu des efforts que nous devons faire pour tenir la trajectoire des 2°C d’ici 2100. Rappelons que nos choix énergétiques ont une influence sur le reste du monde et qu’il est plus dur de négocier avec les pays émergents dans les différentes COP tant que nous ne sommes pas exemplaires. D’un point de vue économique, aujourd’hui tout le monde s’accorde pour dire que l’exploitation des gaz de schiste ne serait pas un « game changer » pour l’Europe. Je l’ai dit dans un précédent livre (Le mirage du gaz de schiste, 2013) mais même les plus fervents défenseurs du gaz de schiste reconnaissent que la révolution des gaz de schiste aux Etats-Unis n’est pas transposable en Europe. Enfin, TOTAL a quitté la Pologne, qui était soi-disant la première réserve devant la France, et le Danemark. Dans ces conditions, pourquoi continuer à débattre ?

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