The Economist juge Hollande "plutôt dangereux" moins par ses propositions que par les zones d'ombre de son programme<!-- --> | Atlantico.fr
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La couverture de The Economist cette semaine.
La couverture de The Economist cette semaine.
©DR

Dangerous or not dangerous ?

Cette semaine, l'hebdomadaire britannique qualifie Hollande de "plutôt dangereux" en couverture. Côté PS, on crie à "l'anti-socialisme". En vérité, The Economist n'est pas aussi dur qu'on pourrait le penser à l'encontre du candidat PS. Explications de la correspondante du journal à Paris.

Sophie Pedder

Sophie Pedder

Sophie Pedder est Chef du bureau de The Economist à Paris depuis 2003.

 

Elle est l'auteur de Le déni français aux éditions JC Lattès.
 

 

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Atlantico : Cette semaine, la Une de l'hebdomadaire britannique libéral "The Economist" est titrée "The rather dangerous Monsieur Hollande" (soit "le plutôt dangereux Monsieur Hollande"). Vous êtes la correspondante de ce journal en France. Craignez-vous vraiment l’arrivée des socialistes français au pouvoir ?

Sophie Pedder : Non, pas du tout. Le mot « dangereux »  paraît seulement dans le titre de la couverture. Il s’agit d’un jeu de mot avec le terme que François Hollande a lui même employé lors de sa visite à Londres au cours de sa campagne lorsqu’il a dit « I’m not dangerous » (« Je ne suis pas dangereux »). Il s’agit donc d’un clin d’œil.

De même, l’article comprend deux éléments principaux : un éditorial écrit par la rédaction de Londres suivit d’un reportage de trois pages. L’éditorial ne fait pas aucunement mention des communistes et ne qualifie pas François Hollande de « dangereux » en soi. L’éditorial précise même  qu’il a raison de soulever la question de la croissance en Europe. Sur ce sujet, nous considérons, à The Economist, que le pacte budgétaire et la position des Allemands sont trop rigides.

Nous avons cependant joué sur le mot « dangereux » car cet objectif de croissance nous le partageons tous. Le risque réside en ce que cet objectif serve de prétexte pour ne pas s’attarder sur les véritables problèmes fondamentaux de la France comme des niveaux de dépenses trop élevés ou encore une perte de compétitivité.Il n’est pas sûr que François Hollande ait préparé les esprits sur ces sujets alors que des choix s’imposent pourtant en temps de crise.

Le reportage pour sa part se focalise sur l’homme : Qui est-il ? D’où vient-il ? Quels sont ses projets ? Quel est son caractère ? Quel est son style ? Quels sont les enjeux ? Il s’agit donc d’un texte neutre.

Y a t-il dans le monde anglo-saxon une crainte de voir des communistes au sein du futur gouvernement suite au score de Jean-Luc Mélenchon qui a dépassé les 11 % à l’élection présidentielle ?

Non, ce n’est pas une crainte. Le monde a changé, nous ne sommes plus en 1981. Nous avons même constaté que François Hollande n’a fait aucune concession aux communistes pour un quelconque soutien de Mélenchon. Il n’y a pas de peur sur la question des communistes. Nous ne sommes pas simplistes et ne faisons pas de caricature. Le sujet n’est vraiment pas là.

Notre appréhension émane essentiellement d’une incertitude qui concerne surtout les zones d’ombres du programme du candidat. Par exemple, comment va t-il créer 60 000 postes d’enseignants sans augmenter le nombre de fonctionnaires global comme il le dit. Implicitement, il devra donc procéder à des coupes. Mais rien n’est dit sur où et comment... Aussi, François Hollande n’a jamais été testé par l’expérience du pouvoir dans le passé. Nous ne savons pas ce qu’il fera vraiment. Il sera pourtant confronté à une crise très difficile à gérer et, à notre avis, il n’a pas préparé les français sur ce point.

Comment réagissez-vous aux propos tenus par Michel Sapin ce vendredi qui a qualifié The Economist de journal « anti-français et anti-socialiste » ?

Nous ne sommes pas « anti-socialiste » car nous avons eu la même position sur Nicolas Sarkozy. Nous avons une tradition libérale qui date de 1843 et une capacité à critiquer la droite autant que la gauche. Par exemple, cette semaine nous avons publié un éditorial dans lequel nous disions que François Hollande a raison de soulever le problème de la croissance. Nous avons aussi beaucoup critiqué Nicolas Sarkozy.

Justement, pourquoi ne pas soutenir explicitement Sarkozy comme vous l’aviez fait en 2007 ?

Nous avons eu une déception par rapport aux attentes qui ont été les nôtres après sa campagne de 2007. En automne 2010, nous avions fait une couverture qui titrait « The incredible shrinking president » (« Le président qui rétrécit »). Cette déception concerne surtout sa politique économique.

En 2007, il avait fait campagne en partant de l’idée qu’il y avait un problème budgétaire structurel, de déséquilibre entre secteurs privés et publics et que le modèle social ne fonctionnait plus. En tant que journal libéral, ces sujets nous plaisaient. Mais il n’a pas été au bout de sa logique et a fait trop de compromis. Par exemple, il a beaucoup critiqué les 35 heures, mais aujourd’hui la durée légale de travail est toujours la même en France malgré quelques assouplissements. La crise n’explique pas tout.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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