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Syrie : les bénéfices géopolitiques d'un changement de régime
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Moyen-Orient

Conseil ministériel de la Ligue arabe ce jeudi. Au cœur des discussions la situation en Syrie. Quels seraient les impacts géopolitiques dans la région d'un renversement de Bachar el Assad ?

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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Il est trop tôt pour prédire la chute de la maison Assad. Cependant, le régime syrien, depuis la prise de pouvoir par Hafez el Assad au début des années 1970, est confronté à une violente tempête et à un isolement croissant. Au fil des mois, on a beaucoup glosé sur les inconvénients de la chute d’une dictature, certes détestable, mais au fond bien utile : guerre civile, massacre des minorités soutenant le régime (chrétiens, alaouites…), déstabilisation de la région, voire nouvelle dictature sunnite… Mais, pour être objectif, il faut aussi prendre en compte les avantages géopolitiques d’une chute de Bachar el Assad.

La Syrie peut devenir une démocratie. Elle a connu, au lendemain de la seconde guerre mondiale, une première et fragile démocratisation que l’instabilité, les coups d’Etat militaires et, pour finir, la confiscation du pouvoir par le parti Baas, la minorité alaouite et le clan Assad ont interrompu. L’opposition n’a jusqu’ici envoyé que des signaux positifs, refusant la confrontation ethnique ou religieuse. Il est évident qu’elle dit ce que l’Occident a envie d’entendre. Mais il est peu probable que la majorité des sunnites veuille autre chose qu’une amélioration de son niveau de vie et, partant, un système plus démocratique. L’exemple de l’Irak, où sous Saddam Hussein les haines ethniques étaient encore plus vives (après tout, Hafez el Assad n’a pas gazé une partie de sa population), est encourageant. Après un début de guerre civile en 2004-2005, le pays s’est pacifié. Les élections de 2010, les secondes à se tenir, ont connu une large participation et les partis non confessionnels ont progressé.

Les voisins de la Syrie ont tout à gagner au renversement de la dynastie Assad. La souveraineté et l’indépendance du Liban sont aujourd’hui obérées par le soutien politique et militaire de Damas au Hezbollah. Les services syriens, malgré le retrait de l’armée en 2005, suite aux manifestations qui ont suivi l’assassinant de Rafic Hariri, continuent d’opérer au Liban, assassinant régulièrement des personnalités de l’opposition. Plus généralement, tant que la Syrie interférera, parfois par la violence, dans les affaires libanaises, il sera difficile de combler le fossé qui oppose, au pays du Cèdre, partisans et opposants du grand voisin. Depuis 2003, l’Irak a aussi souffert de l’incapacité, plus ou moins voulue, des Syriens à contrôler leurs frontières et à empêcher le transit de groupes terroristes venant frapper troupes américaines et forces de sécurité irakiennes. Cette peur de la Syrie explique le refus de l’Irak et du Liban de voter récemment la suspension de Damas de la Ligue arabe. Enfin, et surtout, l’Iran, le grand partenaire de Damas, perdrait son seul allié arabe, l’accès au Hezbollah et, par là même, son arme contre Israël.

Même le conflit israélo-arabe pourrait bénéficier d’un nouveau pouvoir à Damas. Certes, Israël peut redouter l’arrivée d’un pouvoir islamiste à Damas. Mais l’Etat hébreux a plus à craindre encore d’un Etat démocratique et stable. Abandonnant les ambitions nucléaires du régime précédent (la Syrie, qui a fait depuis l’objet d’un rapport de l’AIEA, a subi une attaque israélienne sur un site proliférant en 2007), une Syrie nouvelle et pacifique pourrait à nouveau, et avec un autre poids, demander le retour du plateau du Golan, occupé par Israël depuis 1967. Des négociations, en 2008, avaient fait long feu, Damas ne voulant au fond pas abandonner sa posture « nationaliste arabe » anti-israélienne. De même, une Syrie revenant sur son soutien au Hamas (la direction du Hamas a prudemment quitté Damas pour le Qatar au printemps 2011) et soutenant l’Autorité palestinienne renforcerait le camp des Etats arabes modérés mais aussi celui des  partisans de la paix en Israël.

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