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"Suisse - Europe : Je t'aime, moi non plus" : un plaidoyer pro-européen en opposition avec la pensée des citoyens helvétiques
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L’adhésion de la Suisse au sein de l’Union Européenne ? De : Gilbert Casasus Slatkine, Genève Parution en mai 2024 160 pages 25 €

Jean-Pierre Chamoux pour Culture-Tops

Jean-Pierre Chamoux pour Culture-Tops

Jean-Pierre Chamoux est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).  Culture-Tops a été créé en novembre 2013 par Jacques Paugam , journaliste et écrivain, et son fils, Gabriel Lecarpentier-Paugam, 23 ans, en Master d'école de commerce, et grand amateur de One Man Shows.
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THÈME

Après mille vicissitudes, la Confédération Suisse et l'Union Européenne se regardent en chiens de faïence (p. 133) depuis trente ans. Ces deux ensembles politiques, semblables superficiellement, sont profondément différents; ils cohabitent sans que l'un ni l'autre n'accepte un compromis institutionnel qui pourrait se pérenniser. 

Après d'autres essais qui abordaient ce sujet, ce petit livre tente de convaincre les Suisses qu'il est temps de sauter le pas, d'entrer dans le moule communautaire et de parier que l'adhésion des Suisses à l'Union prouverait, en marchant, que l'adhésion suisse déboucherait sur un jeu à somme positive entre l'Union et la Confédération. 

POINTS FORTS

Cet ouvrage se lit facilement -parfois trop, car il multiplie un peu les clichés ou des expressions toutes faites. En contrepartie, cette présentation très critique des choix politiques de la Suisse et des négociations pataudes -c'est le moins que l'on puisse dire!- entre émissaires de Berne et édiles de la Commission de Bruxelles, éclaire le dossier. Car l'auteur ne tourne pas autour du pot: il milite pour l'adhésion et pour l'européanisation de la Suisse; il regrette la langueur qui tétanise, dit-il, les deux parties depuis la votation de 1992 qui refusa d'adhérer à l'association européenne de libre-échange (AELE).

Le brève introduction de Richard Werly est tonique, d'un style direct et enjoué que ce chroniqueur manie avec bonheur. Outre ses chroniques du Blick, je renvoie à son ouvrage La France contre elle-même (Grasset).

QUELQUES RÉSERVES

La thèse de Casasus a plus de partisans parmi les Suisses francophones que parmi les alémaniques: elle a largement cours à Genève et à Lausanne; beaucoup moins « outre-Sarine », à Berne, à Bâle, à Zurich et dans la majorité de ces cantons qui sont à la fois les gardiens de l'esprit de milice, d'une modération à toute épreuve et tenaces comme le sont les montagnards ou de bons bourgeois!

L'auteur plaide pour une adhésion à l'Union, sans jamais douter de son effet bénéfique; il fait fi des réticences exprimées à ce propos par les citoyens helvétiques; il accuse vertement leurs gouvernements d'être tétanisés face à l'européisme de la Commission de Bruxelles; il émet, à ce propos, des jugements peu diplomatiques; enfermé dans sa vision un peu idyllique de l'Union européenne, il tance aussi l'Union dans une partie de son livre, regrettant par exemple que l'Europe soit « à la remorque des nombreuses législations (sociales) mise en place dans ses Etats-membres » (p.153)! 

Apprenant que « les syndicats (suisses) craignent que l'Europe devienne le fossoyeur des salaires suisses (sic) » le lecteur pourrait en déduire que« le réduit suisse », stigmatisé par Casasus, n'est peut-être pas aussi infernal que l'estime l'auteur qui formule (p. 120) un pronostic aussi peu tenable qu'une promesse électorale: « L'union européenne respectera le vote des Suisses, à condition que ces derniers respectent la législation communautaire ». Fut-ce le cas des votes français et hollandais contre le projet constitutionnel de 2005 ? 

ENCORE UN MOT...

Ce livre touche donc au pamphlet. Condamnant les gouvernants de la Confédération, sa thèse s'oppose aux positions confirmées depuis des lustres, tant par les cantons de ce pays fédéral, que par sa population. Cette dissonance entre la thèse de l'auteur et le choix doublement majoritaire des Suisses est dérangeante: à quel titre dénie-t-il le choix majoritaire d'une ancienne et respectable démocratie directe, unique au monde?

UNE PHRASE

[message d'espoir du préfacier Werly:] « Fané, abîmé, froissé et évanescent, l'amour perdure entre les Suisses et les Européens. » page 10

[sur un ton peu courtois: « La Suisse a ses brebis galeuses et ses élus de faible envergure auxquels on ne prête guère attention. » ! page 18

[à propos de la mentalité du réduit suisse:] « Au plus profond d'eux-mêmes, les Suisses n'ont jamais pardonné à la France et à l'Allemagne d'avoir inscrit tant de succès »! page 37

[par contre, une formule bien venue: ]« Le bilatéralisme helvétique est à la politique européenne ce que le clair-obscur est à la peinture du Caravage »! page 65

[un rare mot d'espoir:]« la Suisse a beaucoup plus à offrir à l'Europe qu'elle ne le suppose elle-même! » page 148

L'AUTEUR

Gilbert Casasus enseigna les sciences politiques à l'université suisse de Fribourg pendant une quinzaine d'années. Bilingue franco-allemand, spécialiste de l'Europe communautaire, ses travaux ont porté sur les échanges franco-allemands et sur les relations que la Confédération Helvétique entretient depuis une trentaine d'années avec les institutions européennes. 

Correspondant du Blick, journal du groupe multimédia Ringier, Ie préfacier de ce livre, Richard Werly, vit en grande partie à Paris et à Bruxelles. C'est un observateur attentif du milieu socio-politique français et de l'Union européenne.

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