Stupéfiants : devant nous, des drogues venues de l’"enfer"<!-- --> | Atlantico.fr
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Un agent de l'agence américaine de lutte contre la drogue (DEA) examine des médicaments confisqués contenant du fentanyl. 8 octobre 2019
Un agent de l'agence américaine de lutte contre la drogue (DEA) examine des médicaments confisqués contenant du fentanyl. 8 octobre 2019
©DON EMMERT / AFP

Fléau

En 2023, Londres a compté une cinquantaine de surdoses foudroyantes du fait des nitazènes, des opioïdes synthétiques. À Montpellier, un consommateur est décédé au printemps

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Des médias d'information uberisés, à la laisse courte et privés de vraies enquêtes : la bonne information coûte cher. Leurs maîtres (le gouvernement, quelques milliardaires) n'ont pas envie - ou les moyens - d'entretenir des danseuses. Alors, prendre en douce les infos de l'Intérieur, Bercy, etc., puis les publier, enjolivées avec Google, est un merveilleux palliatif : ça ne coûte rien, ça fait sérieux et évite de trop sortir de sa rédaction, où peuvent rôder de dangereux individus. Souci : cette pâtée ne vise pas à l'information rigoureuse, mais à valoriser ses donateurs. Exemple, les services anti-drogue, prolixes sur les stupéfiants ou gangs familiers - mais muets sur des drogues nouvelles, si dangereuses, mais d'eux à peu près inconnues.

Or ces stupéfiants aux effets proprement infernaux tuent déjà autour de la France, notamment à Londres et Dublin et face à eux, notre pays est plutôt fragile ; d'où, l'alerte qui suit. Une fois encore, nulle anticipation officielle n'est faite des dangers à venir : aux criminologues donc d'annoncer les périls, devant nous sur la route.

NITAZÈNES, MORTEL OPIOÏDE "GÉNÉRIQUE" - famille d'opioïdes synthétiques, génériques sans marque précise (comme crack en est une pour la cocaïne-base) mais voués, après mélange, à potentialiser d'autres opiacés ou stimulants chimiques, meth' ecstasy, etc. Or, en regard des autres opioïdes, les nitazènes sont LA bombe atomique : à dose égale, 50 fois plus puissants que le fentanyl (autre opioïde chimique, voir plus bas) et 1 500 (mille cinq cent) fois plus fort que la morphine. 

Anticipation : nous annoncions ici récemment qu'en 2024, l'héroïne d'Afghanistan disparaitrait, après éradication des champs de pavot par les Taliban. 90% environ de l'héroïne vendue en Europe venant du "Croissant d'Or" afghan, les trafiquants la remplaceront par des substituts chimiques, fentanyl, nitazènes, etc. Avec les dégâts qu'on imagine. Lointain et incertain péril ? Non : en 2023, Londres a compté une cinquantaine de surdoses foudroyantes du fait des nitazènes. Une quarantaine à Dublin, en quelques semaines. Or n'existent à présent AUCUNS tests de détection des nitazènes dans le sang, la salive ou l'urine, les rendant quasi-indétectables.

PIRE ENCORE : UN CALMANT VÉTÉRINAIRE - La xylazine est un analgésique vétérinaire pour grands mammifères (rage de dents d'un éléphant, etc.). Aux États-Unis, le mélange xylazine- fentanyl, ou autres opioïdes synthétiques, donne une drogue baptisée Tranq, faisant du toxicomane un sosie de Quasimodo, plié en deux et couvert de pustules noirâtres, l'intéressé mourant en quelques semaines. De mars 2022 à février 2023, environ 110 000 surdoses fatales de stupéfiants divers aux États-Unis ; la plupart désormais par mélange de drogues : 78% des surdoses fatales de cocaïne ont du fentanyl dans le sang ; et 66% des morts par stimulants chimiques, ecstasy, meth', etc.

FENTANYL - Avec des précurseurs importés d'Asie, les cartels mexicains fabriquent par tonnes cet opioïde de synthèse, vendu en cachets, par sacs de cent ou mille. Habitués aux profits faramineux de la cocaïne, les narcos mexicains sont abasourdis de ceux du fentanyl. Un kilo de cachets leur coûte un dollar à fabriquer, CHAQUE pilule se revendant 10 dollars à New York, 15 dollars en Europe - profit : de 2 000 à 2 500% ! Or ces cartels sont en Europe. Ils ont leurs demi-grossistes de la Calabre à Rotterdam, notamment autour des grands ports. La prochaine irruption du fentanyl en Europe est donc un risque grave.

FRANCE : quelles populations à risque pour ces nouveaux poisons ? Où sont-elles ? Les experts de terrain le savent bien : à l'Est d'abord, près de la Belgique ou du Luxembourg, Pas-de-Calais, Moselle, Meurthe et Moselle, Meuse, Haute-Marne, etc. Dans la "France des oubliés" où sévit déjà l'"héroïne rurale" vendue au prix terrifiant de 7 euros/gramme ; à portée de tout chômeur ou jeune paumé ; là où survit aussi nombre des quelques 180 000 héroïnomanes, soignés par produits de substitution (méthadone, etc.). Autre aire menacée, l'axe allant de Suisse vers l'Allier et le Puy-de-Dôme, où l'héroïne est vendue par la mafia albanaise - aujourd'hui, et demain, pire encore.

LE CRACK, TOUJOURS PLUS ET MIEUX DIFFUSÉ - Le crack inonde aujourd'hui toutes les métropoles et se répand dans les villes moyennes, voire en zone rurale. Là, les observateurs voient cette "cocaïne-base" fumée et sidéralement addictive, devenir la première utilisée, devant l'héroïne et la cocaïne. Ces observateurs voient aussi se constituer des gangs de trafic du crack, analogues à ceux vendant du cannabis. Leurs victimes : des toxicomanes, hommes surtout, mais aussi des prostituées, transformés en de quasi-incurables zombies agressifs, nul traitement n'existant à présent pour cette toxicomanie, ni aucun produit de substitution.

"Gouverner, c'est prévoir", dit jadis Émile de Girardin. Notre gouvernement anticipe-t-il l'irruption en Europe de ces si mortels stupéfiants ? Non : Il réagit à des stimuli médiatiques, il drague des journalistes en leur refilant des données périmées. Surtout, il est aveugle aux périls, devant lui, à l'horizon.

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