Stressé par les élections américaines ou par la durée du reconfinement ? Voilà ce qui passe dans notre cerveau lorsque nous faisons face à des issues incertaines<!-- --> | Atlantico.fr
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©Flickr/IsaacMao

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Selon de nombreuses études, l'attente d'un résultat (médical, scolaire ou électoral) génère une montée réelle de l'anxiété. Des scientifiques ont découvert que l'anxiété entourant l'incertitude utilise le même circuit cérébral que la peur d’une menace clairement définie.

André  Nieoullon

André Nieoullon

André Nieoullon est Professeur de Neurosciences à l'Université d'Aix-Marseille, membre de la Society for Neurosciences US et membre de la Société française des Neurosciences dont il a été le Président.

 

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Atlantico.fr : Diverses études montrent un rapport entre attente d’un résultat qu’il soit médical, électoral ou scolaire et montée de l'anxiété, comment s’explique cette corrélation ? 

André Nieoullon : Les psychologues et les psychiatres en attestent : notre cerveau n’aime pas du tout les états d’incertitudes ! Notamment lorsque nous n’avons aucune prise sur ce qu’il va arriver et que nous subissons ces situations, ce qui diffère totalement d’une autre situation où nous devons prendre une décision face à un évènement dont nous pouvons évaluer quelque peu les conséquences en agissant de façon appropriée. Et donc, vous avez raison de le dire, une telle incertitude sur l’avenir -proche, en général- est génératrice d’une anxiété irrépressible, à partir du moment où il est impossible de gérer la situation rationnellement et émotionnellement. Notre cerveau a besoin de savoir de ce que l’avenir sera fait ; et s’il fallait prendre une illustration de ce type de situation, nous pourrions bien évidemment évoquer ce confinement tellement anxiogène pour beaucoup de nos concitoyens auquel nous sommes dès lors encore soumis, qui peut conduire à des comportements irrationnels puisque nous ne savons objectivement pas de ce que demain sera fait, eu-égard aux déclarations quelque peu perçues comme anxiogènes et incohérentes des politiques ou des médecins.

Ces situations sont évidemment bien connues sans que pour autant nous puissions mieux les contrôler, et parmi celles-ci, une autre liée à l’actualité, qui illustre bien cet état : l’incertitude aujourd’hui même des résultats des élections aux Etats-Unis, génératrice d’une anxiété touchant plus ou moins l’ensemble des citoyens américains, qu’ils soient en faveur du candidat démocrate ou de celui républicain. A ce stade, eu-égard à l’évolution des résultats heure après heure, cette anxiété peut aller jusqu’à une peur véritable du résultat, quel que soit le camp dans lequel on se place. Dans une étude de l’Université de Californie à Riverside, qui vise à analyser comment se comportent les électeurs placés dans une telle situation dont l’incertitude devient un véritable tourment tant leur avenir parait en dépendre, alors que demain ils feront comme tout le monde et s’accommoderont -plus ou moins vite- de la situation nouvelle ou pas, créée par les résultats de l’élection. Les données montrent que chacun réagit à sa manière à ce qui peut être assimilé par certains à une forme de tourment, et l’imagerie cérébrale démontre que cette anxiété mobilise plus ou moins les mêmes parties du cerveau qui sont elles-mêmes impliquées dans les réactions de peur. Assurément, il s’agit de réactions émotionnelles incontrôlables, qui, chez certaines personnes peuvent générer des comportements inappropriés comme l’adhésion à des théories complotistes ou populistes, ou encore des comportements addictifs comme la consommation abusive d’alcool.

Quelles parties de notre cerveau vont être sollicitées lorsque l’on éprouve ces sentiments ? 

Le contrôle des émotions implique une large partie du cerveau connue comme étant le système limbique, dont les principales composantes sont représentées par l’hippocampe et, une structure-clé des processus émotionnels, l’amygdala. Au travers de ces structures du centre du cerveau, la représentation imagée (imaginée) que l’on peut se faire des conséquences de la situation d’incertitude va générer une activation irrationnelle et durable de ces structures nerveuses. Cette forme de stress se traduit alors par une activation de l’axe hypothalamo-hypophysaire générant la sécrétion des hormones du stress comme le cortisol et l’adrénaline et leurs conséquences sur l’organisme, jusqu’au retour d’une certaine sérénité, mimant par-là ce qu’il advient lors d’une crise de panique, manifestation extrême de l’anxiété. Dans une situation normale, où la rationalité l’emporte néanmoins, c’est la partie antérieure du cerveau et notamment ce que l’on nomme le cortex préfrontal, qui va reprendre le dessus et rendre la réponse comportementale plus rationnelle par la mobilisation d’arguments cognitifs. Ainsi, circuits neuronaux de la peur et de l’anxiété paraissent-ils fortement interconnectés, l’amygdala étant associée à une réponse comportementale au danger, sous toute ses formes, réel ou imaginé.

Des scientifiques ont découvert que l'anxiété entourant l'incertitude utilise le même circuit cérébral que la peur d’une menace clairement définie, mais tous ne sont pas d’accord. Qu’en est-il ? Qu’est-ce que cela engendre ?

Comme je l’ai mentionné, une partie des circuits neuronaux qui soutendent les réponses au danger réel ou imaginé dans le contexte d’une anxiété généralisée ou d’une peur apprise ou conditionnée, implique les mêmes structures cérébrales, notamment l’hippocampe, qui peut avoir le souvenir d’avoir déjà rencontré une telle situation stressante, et l’amygdala. Mais d’autres structures nerveuses paraissent intervenir de façon plus spécifique, comme par exemple une région très petite que l’on désigne par « noyau de la strie terminale », intervenant plus spécifiquement dans les comportements anxieux. Quant à la rationalité tellement absente ici, elle est liée à l’intervention des structures corticales et en particulier du cortex préfrontal susceptible de réguler ces comportements émotionnels irrationnels

Les neurosciences permettent-elle de déterminer comment réduire ou gérer son anxiété ?

En l’état, les Neurosciences n’ont pas le pouvoir de bloquer les réactions irrationnelles face à ces situations où l’incertitude demeure. Mais le fait de connaître mieux les mécanismes cérébraux de ces réactions est assurément l’un des moyens de les dominer et de rendre les comportements face aux incertitudes sur l’avenir moins irrationnels. Bien entendu, dans les situations extrêmes des médicaments anxiolytiques peuvent aider. Toutefois, dans l’immense majorité des cas, la prise de conscience de cette irrationalité est souvent suffisante à la combattre, considérant aussi que, dans d’autres situations, un peu d’anxiété eut avoir une action positive sur les comportements et s’avérer peut-être aussi d’être un moyen d’accroître la motivation. Mais il est étonnant de voir combien une simple incertitude impossible à gérer rationnellement a en quelque sorte le pouvoir de provoquer une forme de paralysie de notre cerveau rationnel !

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