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Stratégie de communication : le casse-tête gouvernemental face à l'épreuve du Coronavirus
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Dilemme

Le gouvernement doit adapter sa stratégie de communication pour tenter de rassurer la population française et pour répondre aux inquiétudes des citoyens.

Laurence Le Poder

Laurence Le Poder

Laurence Le Poder, Kedge BS. Docteure en Sciences de gestion, ses cours et ses recherches s’inscrivent dans le champ de la gestion de crise et de nouvelles approches de l’économie.  

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Atlantico.fr : La population française est aujourd'hui partagée entre ceux qui craignent massivement le coronavirus, ceux qui n'en n'ont pas peur et pensent que la réaction au virus tourne à l'hystérie collective, et enfin ceux qui sont partagés entre ces deux positions. Comment le gouvernement peut-il adapter sa stratégie de communication à ces trois positions différentes ?

Laurence Le Poder : Dans le contexte de crise sanitaire que nous vivons aujourd’hui, on observe une palette de différents types de réactions : frayeur, inquiétude ou déni. 
Face à cela, les gouvernements (en France comme ailleurs) doivent eux répondre universalité et intérêt général. 

Il n’est pas possible pour un gouvernement de donner 1 réponse singulière à chacun des 70 millions de français !  
On est à la fois sur des postures, des comportements objectivés, fragiles et hystériques face à l’épidémie du coronavirus, et sur des contenus et canaux de transmission des messages différents.
Par ailleurs, l’exécutif est sous le feu d’injonctions paradoxales : il ne doit pas être jugé lui-même dans une hystérisation de crise par les gens qui sont dans le déni, mais il ne doit pas non plus apparaitre trop laxiste pour les gens qui s’inquiètent de la situation.

La crise sanitaire ; ou la gestion de crise à son maximum 

On est dans le cas typique d’une gestion de crise, ici sanitaire, ce qui est bien sûr la pire des crises à gérer. 

Dans ces moments, l’exécutif doit avant tout calmer, montrer qu’il est capable de faire face. 

Cette gestion de crise sanitaire fait bien sûr l’objet d’un plan structuré qui est lui même accompagnée de très près, d’une communication de tous les instants. 

Une communication ayant pour objectif de mettre en évidence et d’expliquer l’efficacité et la pertinence des actions et décisions choisies pour gérer le problème. Cela consiste à informer sur la situation, et à préserver la crédibilité de celui qui gère la crise. Maintenir la crédibilité est essentiel. L’expérience de Lubrizol a montré la voie de tout ce qu’il ne fallait pas faire et notamment faire intervenir des ministres en première ligne comme sils étaient les « sachants ». 

D’un autre côté, l’évolution de la situation et ses impacts, économiques et financiers qui font la une en ce moment, constituent également des situations de crise qui vont venir complexifier la situation initiale et qui renforcent les peurs, les frayeurs.

Face à l’extension du champ de la crise à ces multiples réactions, l’enjeu pour le gouvernement est d’être perçu comme légitime dans la conduite de la gestion de crise, crédible dans ses actions et être considéré comme un acteur majeur à qui on peut faire confiance dans ses décisions.

Une réussite forcément relative 

Mais in fine, malgré tous les efforts de gestion d’un exécutif en temps de crise, il est presque vain de penser satisfaire chacun des français. Chacun a, en effet, tendance à interpréter de manière sélective les informations en fonction de sa propre expérience, de sa situation sociale, de ses intérêts, de ses convictions, de son éducation mais aussi de ses attentes. Cette perception sélective est un biais cognitif à prendre en compte dans l’élaboration des plans de communications.

Afin de rassurer ceux qui ont peur, le gouvernement se doit de tenir un discours plutôt optimiste. Pourtant, une telle communication ne risque-t-elle pas de desservir au long la population ? 

La crise est déjà un phénomène anxiogène lié à l’incertitude concernant l’évolution de la situation : incertitude sur le taux de létalité, sur la chaine de transmission de l’épidémie, mais également incertitude sur les impacts économiques, financiers et autres de la crise. Le gouvernement est confronté à une extension des dimensions de la crise. 

Dans cette phase de gestion de crise, le gouvernement communique donc sur les conséquences de la crise, la gestion de ces conséquences, informe la population de l’évolution de la situation et diffuse les consignes adaptées à l’évolution de la situation.

La parole des experts 

L’objectif de cette communication n’est pas de rassurer, ni d’être anxiogène, mais de trouver un ton juste et adapté. L’un des objectifs est donner à la population des gages de confiance dans les mesures prises et à prendre. Pour se faire, il est impératif pour le gouvernement d’adapter ses messages avec le discours des experts et autres acteurs mobilisés dans le cadre de cette crise sanitaire. 

L’objectif est de donner le sentiment que le gouvernement n’est pas le seul impliqué dans la gestion de cette crise et qu’il prend en compte l’ensemble des recommandations des experts. Les interventions des spécialistes, médecins, scientifiques et laboratoires pharmaceutiques sont fréquentes et permettent d’une part de canaliser les émotions et d’autre part de rester sur le plan rationnel. 

Cependant, les discours entre le gouvernement et les acteurs mobilisés dans la crise peuvent parfois être divergent. Et cette divergence peut générer de la défiance dans l’opinion publique. Ainsi aujourd’hui, les acteurs du secteur hospitalier devancent les mesures contenues dans le stade 3 de la gestion de crise. Leur objectif est de vouloir gérer dans les meilleurs conditions l’épidémie. Le système sanitaire hospitalier et de ville ainsi que les établissements médico-sociaux commencent à se mobiliser pour prendre en charge et protéger les populations les plus fragiles. 

Pourtant le gouvernement hésite. Leur objectif est -il de na pas créer un blocage ou une hystérie collective comme l’annonce le porte-parole du gouvernement ou de maintenir un calendrier électoral ? 

Quoi qu’il en soit cette dissonance entre les acteurs mobilisés par la crise et l’exécutif pourrait remettre en cause la confiance acquise ces dernières semaines dans la gestion de cette crise.

De la Chine à l’Italie ; des crises-monde

Nous le voyons, bien sûr ce virus dit quelque chose de la mondialisation et par ailleurs il montre et révèle les limites de chacun des systèmes, qui plus autoritaires à la chinoise, qui démocratiques à la française. Qui in fine, gagnera cette bataille de l’efficacité ? Les faiblesses chinoises ont été révélées, mais celle du gouvernement italien aussi. 

Y a-t-il devant des phénomènes ultra complexes une bonne solution ? une seule solution ? surtout quand les crises se cumulent et s’entrechoquent et sont mondiales...  

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