Soutien à l'Ukraine : Jean-Luc Mélenchon ou l'art des arguments qui tapent systématiquement à côté<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Mélenchon.
Jean-Luc Mélenchon.
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Eclairage

Le texte du général Schill ne vient pas en appui des déclarations d'Emmanuel Macron pour nous préparer à la guerre et nous assurer qu'il ne manque pas un bouton de guêtre.

Michel Goya

Michel Goya

Officier des troupes de marine et docteur en histoire contemporaine, Michel Goya, en parallèle de sa carrière opérationnelle, a enseigné l’innovation militaire à Sciences-Po et à l’École pratique des hautes études. Très visible dans les cercles militaires et désormais dans les médias, il est notamment l’auteur de Sous le feu. La mort comme hypothèse de travail, Les Vainqueurs et, chez Perrin, S’adapter pour vaincre (tempus, 2023).

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Comment taper systématiquement à côté en dix leçons. Je me souviens d'une époque où LFI, ou le PdG avant, s'intéressait vraiment aux questions de défense. Mais ça, c'était avant. Quelques précisions sur l'article du CEMAT :

1) Non, le texte du général Schill ne vient pas en appui des déclarations d'Emmanuel Macron pour nous préparer à la guerre et nous assurer qu'il ne manque pas un bouton de guêtre. Il a été rédigé en janvier, publié par Le Monde maintenant, et s'inscrit dans un contexte large.

Il explique simplement le rôle de l'armée de Terre dans le nouveau contexte international - celui de la compétition des puissances - qui n'a pas commencé la semaine dernière mais il y a dix ans avec une accélération très forte en février 2022.

Cette nouvelle ère rompt avec la précédente (1989-2014) par le retour des actions sous le seuil de la guerre ouverte et à grande échelle entre puissances ("contestation", pour reprendre la doctrine) et au-delà de ce seuil plus fréquemment entre États, et notamment en Europe.

Dans l'ère précédente, le volume des forces a été très réduit pour faire des économies (environ 250 milliards d'euros ponctionnés entre 1990 et 2015). Armée de l'Air et Marine divisées par 2, armée de Terre par 3. Pour les équipements majeurs réellement dispo c'est souvent pire.

De ce fait, des armées le volume de forces maximum réellement projetable au loin n'a pas augmenté depuis 1990. 1990 guerre du Golfe : 16 000, car on n'envoie que des pros > professionnalisons nous complètement pour être capable d'envoyer plus ! (plan 2015 : 60 000). Livre blanc 2008 : 30 000 ; LB 2013 : 15 000. Ce "20 000" (à mon avis optimiste) est le premier chiffre officiel depuis cette époque. Ce n'est pas du tout une démonstration de forces. 20 000 c'est peu, en valeur absolue comme relative (10 % des effectifs des armées).

Le CEMAT n'évoque pas du tout l'hypothèse d'un affrontement contre les forces russes, mais s'il faut comparer avec la Russie ce n'est pas avec les forces totales qu'il faut comparer mais celles projetables, il est vrai quand même très supérieures en volume aux nôtres.

Il faut bien comprendre ensuite que l'article du CEMAT ne vise pas la Russie mais s'inscrit dans les débats internes, légitimes et nécessaires, sur le rôle et les moyens des armées, sur plusieurs points.

L'AAE et la Marine ont sanctuarisé le terme "dissuasion", en l'associant forcément à "nucléaire". Il était devenu interdit de parler de "dissuasion conventionnelle". Le CEMAT brise ce tabou. On peut effectivement dissuader avec des moyens conventionnels puissants.

2) Où placer l'effort ? L'AAE et surtout la Marine considèrent que nos intérêts à défendre sont principalement hors d'Europe ("Tahiti plutôt que Varsovie" cf JD Merchet). Le CEMAT penche plutôt pour Varsovie. On comprendra que les moyens nécessaires ne sont pas les mêmes.

3) La force nucléaire ne protège que nos intérêts vitaux (attaque nucléaire, invasion du territoire métropolitain). Pour défendre les autres, on a forcément besoin de forces conventionnelles puissantes.

Ces forces peuvent être employées à distance (raids et de frappes) ou sur le terrain (conquête ou de défense de territoire). Durant l'ère précédente, on a surtout mené des opérations à distance, en s'appuyant surtout sur des forces terrestres locales pour prendre des risques.

Cette posture risque d'être moins possible actuellement et par ailleurs encore moins efficace, et qu'il faut bien envisager de mener des opérations de conquête/défense à grande échelle (les fameuses opérations "au sol") avec nos propres forces terrestres.

En résumé, le discours du CEMAT n'est pas du tout circonstanciel sur le thème "on est prêt à péter la gueule aux Russes". C'est un exposé de ce que peut faire l'armée de Terre dans l'ère stratégique en cours avec de grandes qualités mais aussi, en creux, ses faiblesses.

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