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SOS vision économique : l’angle mort qui plombe les candidats à la présidentielle 2022
SOS vision économique : l’angle mort qui plombe les candidats à la présidentielle 2022
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Programme

Xavier Bertrand a officialisé sa candidature en mettant en avant sa fibre sociale et populaire. Les Républicains proposent une réforme de l’Etat et un allègement de la fiscalité. Les candidats n'abordent pas la question de la politique monétaire. Les élus semblent se détourner des enjeux monétaires.

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Atlantico : Xavier Bertrand a déclaré sa candidature la semaine passée en mettant en avant sa fibre sociale et populaire et notamment son idée de développer la participation. Ailleurs chez les Républicains, d’autres mettent plutôt en avant la nécessité d’une réforme de l’État, d’un allègement de la fiscalité et d’économies de structures telles que l’avait imaginé du reste François Fillon dans son programme de 2017. Emmanuel Macron lui, entend souligner qu’il n’a pas renoncé à sa volonté réformatrice. Pourtant, ni chez ses candidats, ni ailleurs dans le champ politique on ne parle vraiment de la question de la politique monétaire. Peut-on envisager en 2022 une vision économique et sociale qui ne relève pas uniquement des postures d’intention en faisant abstraction de ce pilier monétaire ?

Mathieu Mucherie : Dans une zone monétaire disons particulière, en l’absence de véritable politique budgétaire fédérale, et sur un continent où la flexibilité de l’emploi et des salaires est la plus faible au monde, la politique monétaire est une arme essentielle de la politique économique, et probablement de la politique tout court...  

Les Américains ont gardé un lien avec la tradition politique libérale qui stipule qu’un pouvoir important doit s’accompagner de contre-pouvoirs importants, d’une forte obligation de rendre des comptes ; nous avons préféré transférer pour l’éternité et sans procédure d’appel ou de sauvegarde le cœur du réacteur de l’ordre social à des gens éloignés, indépendants, inamovibles, plus conservateurs que l’électeur médian, fonctionnant de facto en vase-clos, et même pas compétents dans les affaires monétaires (en 20 ans d’études variées, j’ai identifié une trentaine de spécialistes reconnus de ces questions dans la zone euro, praticiens et académiques : je n’en connais aucun qui travaille pour la BCE, même à temps partiel). Et au bout de 20 ans, on voit assez nettement les résultats. Oui, cela devrait interpeller nos politiques… et pas seulement au moment des élections !!

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Il faudrait montrer à nos politiques, de droite ou de gauche peu importe, que la situation du pays et l’état de ses finances appellent à des réponses dignes de 1926 ou de 1958. Le genre de détente monétaire que la Suède aussi a connu, vers 1994, ou l’Amérique en 1933 et en 2009, ou l’Allemagne dans un autre genre quand par deux fois ont a effacé ses dettes : lisser et financer des réformes salutaires nécessite des ressources et non des appels à d’héroïques « efforts » toujours pour les autres. On peut envisager la participation, certes, mais pour qu’elle transforme la structure des incitations et qu’elle percute nos gains de productivité elle ne pourra se résumer à un surcroit d’intéressement de 1000 euros par an : il faut des sous. On peut envisager un investissement éducatif, vues les enquêtes PISA, mais pour qu’enfin les bons profs puissent être convenablement rémunérés : il faudra des sous. On peut envisager un investissement médical et sanitaire pour que l’économie du pays ne soit plus tributaire de quelques centaines de lits à la prochaine pandémie : il faut des sous également. Tous ces sous, la BCE les a, ou peut les créer sans danger : elle prête 1000 milliards chaque année à -1% sans que cela ne lui coûte rien (au lieu de s’activer pour les fonds propres des entreprises), par une politique d’euro moins cher elle irriguerait tout le système marchand, sans compter qu’elle pourrait desserrer des contraintes réglementaires, et annuler d’anciennes dettes qui ne servent plus à rien, et même faire des chèques aux ménages en cas de crise, sans conditions, sans contreparties. Une détente monétaire se traduirait par une taxe inflationniste, inodore, étalée dans le temps, justifiée par des années d’inflation sous la cible depuis 2008, et bien préférable à la note salée qui nous attend après les élections.

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Mais pourquoi Christine Lagarde ne dit-elle pas que la BCE est prête à faire tout ce qu’il faudra pour contrer la déflation qui gagne la zone euro via l’Italie plutôt que de se contenter de vouloir "recalibrer" son action ?

Depuis un an, nous semons des dépenses et du crédit, autant dire de futures taxations publiques et privées. Des champs de mines pour une nouvelle décennie perdue. Et l’euro remonte encore, au pire moment, à contre-courant de l’économie eurolandaise qui fait moins bien que toutes les autres. Alors quand un politicien se prononce pour des relocalisations industrielles sans jamais parler de l’euro cher, désolé, pour moi ça ne passe pas. Et à la vérité il n’y a plus grand-chose qui passe pour qui s’intéresse un peu aux ordres de grandeur et au bouclage macroéconomique des projets. Il parait qu’il faut trouver 200 milliards pour la transition énergétique, et autant pour les retraites : à revenus nominaux constants ? vous êtes sûrs ?            

La banque centrale européenne a décidé récemment de modifier ses objectifs de politique économique indépendamment de ce qui est prévu dans les traités et sans avoir consulté aucun des gouvernements de la zone euro. Le tout dans l’indifférence générale. En quoi s’agit-il pourtant d’un changement majeur et même déterminant pour l’avenir économique de l’Europe ?

La BCE nous avait vendu une période de « revue stratégique » après des années d’impasses conceptuelles, de croissance molle, d’anticipations d’inflation qui se désancrent vers le bas et d’achats d’actifs au fil de l’eau qui ne créent plus la surprise. Je m’attendais à une réflexion paresseuse, dans l’entre-soi le plus total, avec pour résultats principaux une diffraction du blâme vers les autorités budgétaires et une communication lénifiante sur le danger des émissions de carbone en 2080 : je n’ai pas été déçu en bien comme disent les Suisses. La BCE s’oriente vers un objectif intermédiaire baptisé « conditions de financement », qui l’accapare en fait déjà depuis des années, depuis qu’elle n’a plus vraiment envie de poursuivre son objectif final, l’inflation proche de 2%/an. La boucle de japonisation est bouclée : la politique monétaire s’efface de plus en plus, au bénéfice d’un contrôle soviétique de la courbe des taux et/ou d’un contrôle brejnévien des banques commerciales, parce que c’est plus facile, parce que « ça parle aux gens », parce que c’est la pente naturelle des banques centrales indépendantistes. Milton Friedman faisait d’ailleurs du créditisme sa 3e objection contre l’indépendance (après le risque d’un Etat dans l’Etat, la dissémination des responsabilités et la personnification excessive des questions monétaires) : « … une banque centrale indépendante aurait tendance à accorder une importance exagérée au point de vue des banquiers. Il est extrêmement important de distinguer deux problèmes que l’on confond trop souvent : le problème de la politique du crédit et le problème de la politique monétaire ». Le texte date de 1962 et n’a pas pris une ride. Il n’est guère étudié de nos jours et cela nous coûte d’ailleurs un pognon de dingue depuis 2007 (cf la saga en cours des LTRO, ou les conditions du « tiering » plus récemment). La demande de monnaie et la demande de crédit (la monnaie empruntée) n’ont tout simplement pas les mêmes déterminants et peuvent souvent s’opposer dans le temps ; alors que la supervision s’intéresse aux conditions de crédit, très bien, mais la politique monétaire a d’autres chats à fouetter, en particulier les anticipations d’inflation et les taux de changes, pour viser une stabilisation de la croissance nominale. En un mot, notre banquier central ne veut plus faire de la macroéconomie, il veut faire de la micro, être la banque des banques, en attendant l’EHPAD de la BRI à Bâle, et débrouillez-vous braves gens avec les tendances déflationnistes, quémandez un soutien des autorités budgétaires (même si nous vous avions recommandé pendant des années de vous modérer en la matière…), du pain et des jeux, nous on s’en lave les mains.         

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Comment expliquer cette indifférence ou cette ignorance des élus relativement aux enjeux monétaires ?

Je ne peux proposer que quelques tentatives, dans le désordre :

a/ Leur formation date des années où la politique monétaire était limitée, où le banquier central ne régissait ni les marchés, ni l’Europe du Sud, ni les banques, et où il sévissait contre une vraie menace, l’inflation annuelle à deux chiffres, pas contre une menace fantôme.

Ici, ils ne comprennent rien, ou de travers. Une explication qui me désole (puisque je voudrais qu’ils jouer un rôle prépondérant d’évaluation) mais à ne pas rejeter, quand on voit par exemple leur attitude vis à vis du nucléaire, autre sujet contre-intuitif, lourd en documentation, politiquement incorrect, piraté par l’Allemagne, et qui supposerait une détermination de long terme. Une explication qui me semble très liée à leur distance vis-à-vis des marchés financiers concrets (où depuis quelques années on ne peut pas ignorer longtemps qui décide vraiment).    

Ils ne comprennent pas qu’ils sont à Lilliput. « Je travaille beaucoup », dit le député qui vient de pondre un 250e rapport sur la formation professionnelle. Merci, et continuez de bien travailler, pendant que les choses sérieuses qui se chiffrent en trillions d’euros se trament sans vous.

b/ même quand ils connaissent les enjeux monétaires, ils sont assez peu poussés par leurs électeurs à faire du zèle dans cette direction

Pour les gens, la feuille d’impôt est une expérience vécue, et chacun à son idée sur les réformes indispensables : ils poussent à budgétariser et à structuraliser les débats. La moindre modification de la TVA ou du code du travail fait l’objet d’exégèses savantes alors que l’impact des décisions (ou des non-décisions) monétaires reste en dessous des radars. On a rarement vu des manifs pour protester contre la stratégie de la BCE, ou pour s’insurger contre les conflits d’intérêt que multiplie comme à loisir cette institution. En théorie, les politiques devraient informer et conduire les électeurs, mais le plus souvent ils sont à la remorque de l’opinion. Alors ils vont se déployer sur des intérêts catégoriels faciles à identifier, plutôt que sur une politique monétaire forfaitaire, aveugle, d’intérêt général. Relire Pareto sur ce point. Il faut toujours lire Pareto. 

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c/ ils font partie de la classe sociale qui n’est pas pénalisée par l’ordre monétaire japonisant

C’est la minute marxiste de ce papier : nos élus ne sont pas précisément situés dans les couches de la société qui subissent le carpet bombing monétaire ; ils ne sont ni industriels, ni pauvres, ni surendettés, ni exportateurs en milieu de gamme sur des marchés mondiaux. En clair, un euro cher signifie pour eux des vacances plus confortables en zone dollar, en plus d’un brevet en (pseudo)orthodoxie. Plus âgés que le reste de la population, ils sont plus averses à l’inflation qu’à la déflation ; et, rarement entrepreneurs ou économistes, ils arbitreront rarement en faveur d’une dévaluation ou d’un apurement des créances même quand cela s’impose (Poincaré et De Gaulle ont imposé leurs réformes monétaires à des élus plus que réticents). Le scrutin majoritaire, l’abstention différentielle en défaveur de la France exposée et à l’avantage de la France protégée, le fait que le pays n’a plus une classe politique mais une classe administrative : tout concourt à une forme d’insouciance et de myopie à la déflation.   

d/ ils ne veulent surtout pas passer pour des trublions d’extrême-droite ou d’extrême gauche

Le clan germanique a réussit à faire croire que s’occuper de la monnaie et des taux de changes, ou simplement questionner le banquier central en application de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme, est une œuvre islamo-gauchiste ou américano-nazie. Si on transgresse l’interdit, le gain est nul (la BCE ne va pas bouger d’un micron, elle est même réputée pour faire l’inverse de ce qu’on lui demande, histoire de bien montrer qui est le chef), le risque est énorme : accusation de laxisme inflationniste par l’agence de communication de la BCE et par ses idiots utiles, reconversion impossible dans certains secteurs, stigmates néo-populistes ; c’est un peu comme si on avait remis en cause l’indépendance des juges (mais eux au moins sont bornés par une jurisprudence, et par d’autres juges).   

Concluons. Si l’on doit être bienveillant avec les hommes politiques (après tout, bien des économistes professionnels ou prétendus tels passent leur temps à minorer l’importance des questions monétaires, pour que leurs livres se vendent…), il faut être intransigeant avec les idées. Et l’idée qui nous fait le plus de mal depuis 2008 c’est que la politique monétaire en zone euro est « accommodante ». Et allez expliquer à un électeur qu’un taux d’intérêt peut être bien encore trop élevé à 0% ! Même une année où le PIB a perdu plus de 8%, bon courage.  

L’Europe s’est-elle mise dans une impasse avec des traités décidés à l’unanimité et qui ne peuvent donc être modifiés qu’à l’unanimité également ? Quelles issues ou stratégies vous paraissent envisageables pour échapper à un destin de stagnation et de japonisation de l’Europe ?

Tout n’est pas vraiment la faute du Traité (même si je trouve qu’une adhésion à 51% des voix pour un texte qui lie plusieurs générations ne peut être qualifiée de démocratique… ; et même si on nous a fait voter en 1992 sur une Europe sociale, économique, et de la politique extérieure et de sécurité commune, alors que nous n’avons récolté concrètement que l’euro !). Le Traité permet bien des choses, le Quantitative Easing le montre au quotidien. Tantôt il autorise une certaine souplesse (mais dans le cadre fixiste d’une camisole monétaire unique), tantôt on le viole dans les grandes largeurs, comme Christine Lagarde l’avait reconnu jadis, soit pour permettre au système de se maintenir quelques années de plus, soit pour maintenir l’entre-soi (une disposition du Traité particulièrement violée est celle qui stipule que les responsables de la BCE doivent être des spécialistes reconnus des affaires monétaires).

Le Traité dit qu’il faut maximiser l’emploi et la croissance (à condition que la stabilité des prix soit assurée, mais elle l’est depuis le milieu des années 80…) : l’esprit et la lettre du Traité ne sont pas du tout incompatibles avec une cible de PIB nominal, comme nous le réclamons dans ces colonnes depuis bientôt 10 ans à la suite des travaux de Scott Sumner ; ce qui nous aurait évité bien des crises. Le Traité n’interdit pas l’effacement d’une partie des dettes logées dans le bilan de la BCE : nulle part il est écrit que la BCE n’a pas le droit de fonctionner durablement en valeur nette négative, comme c’est arrivé dans le passé à la Bundesbank par exemple. Le Traité n’interdit pas les taux d’intérêt négatifs bien entendu, et il n’interdit même pas formellement la « monnaie hélicoptère », même s’il faudrait là organiser tout un contournement du triangle des Bermudes germanique (Karlsruhe, Berlin, Francfort). Le Traité est certes très germanique dès que l’on parle du Saint des Saints (l’indépendance de la BCE), mais même là il existerait plusieurs façons de faire vivre cette indépendance pour la rapprocher d’une simple autonomie comme aux USA et ailleurs, si seulement nous le voulions : par exemple, ce n’est pas le Traité qui dit que les compte-rendu des réunions de la BCE pourront être consultés par les citoyens dans 50 ans (au lieu de 5 ans pour la FED) ; ce n’est pas le Traité qui transforme les auditions des dirigeants de la BCE devant le Parlement en farces ou en cours magistraux ; surtout, ce n’est pas le Traité qui a fait de la BCE le juge de paix sur les questions de taux de changes (puisqu’en droit c’est une prérogative du conseil des ministres), il s’agit d’un coup d’état organisé par la BCE au début des années 2000, et comme par hasard depuis 2003 l’euro est trop cher. Le Traité n’est pas l’ennemi, même si en effet il est mal taillé, difficile à modifier, et donc déjà anachronique. L’ennemi ce n’est pas la règle mais l’agent de la règle : pas le Temple, mais le gardien du Temple ; son hypocrisie, ses incitations biaisées, son manque de lien avec la recherche académique moderne en politique monétaire, son surmoi germanique et son manque total de transparence.

Donc, pour conjurer un destin de stagnation (si c’est encore possible ?) du vieux continent, je recommanderais d’abord une purge stalinienne dans le casting, plutôt qu’un hypothétique Grand Soir juridico-politique autour du Traité. La rapidité et l’efficacité y gagneront ce que le grandiose y perdra. Souvenez-vous que deux ou trois nominations dans le bon sens ont suffit pour remettre un peu d’ordre à la Banque du Japon vers 2012 (il est vrai que les mauvaises habitudes sont revenues ensuite). Il s’agirait au moins de mettre les décideurs devant les chiffres (la violation de la cible d’inflation depuis une décennie, par exemple), de retrouver un peu de questionnement de l’autorité. Dans ce cadre plus honnête et plus démocratique, un ponte de la BCE ne pourrait pas dessiner lui-même son objectif, et on poserait quelques petites murailles entre lui et l’industrie financière, aussi bien en termes de CV qu’en termes opérationnels. (Au passage, précisons que l’industrie en question y gagnerait à moyen-terme, car une trop grande proximité conduit à la zombification, comme la capitalisation boursière de nombreux établissements l’indique depuis des années ; par exemple, si l’on désire revoir des taux à 3% un jour et durablement, il faut espérer une reflation, donc se démarquer de la BCE dont la politique ne peut aboutir qu’à du 0% for ever).

Ensuite, une fois la « gouvernance » remise à peu près à l’endroit, nous pourrions chercher les moyens pour qu’elle y reste (à l’endroit). Je pense en priorité à tout ce qui pourrait être utilisé par le banquier central comme moyen de chantage vis-à-vis des démocraties, comme son bilan par exemple (que se passera-t-il à votre avis le jour où la BCE fera mine d’annoncer qu’une partie des dettes à son bilan a vocation à retourner sur les marchés ?) ; il y a déjà eu pas mal de chantages dans les années 2010 : je ne m’inquiète pas dans le vide. Ceci me conduit à militer pour un effacement préventif de ces dettes, au moins celles liées au Covid, qui ne sont liées à aucun aléa moral. De plus, puisqu’il s’agit d’éviter la japonisation, nous pourrions arrêter d’imiter la politique macro de ce pays (dépenses publiques massives pour des ponts qui ne mènent nulle part, contrôle étroit de toute la courbe des taux d’intérêt, etc.). Cela passe notamment par une prise de conscience sur les taux de changes : une monnaie forte est la résultante d’une économie forte, on ne renforce pas son économie en soutenant artificiellement sa monnaie, et ici comme ailleurs l’orgueil précède la chute.

Enfin, il faut un projet, parce qu’on ne mobilise pas les gens en leur demandant simplement de mieux surveiller leurs dirigeants et en empêchant ces derniers de nous tirer des balles dans les pieds. Il y a besoin d’un projet fédérateur, d’une sortie par le haut. C’est là où les politiques seraient les plus utiles et les plus légitimes ; à condition de sortir un peu de la comptabilité. Une belle ambition serait un vrai programme spatial : caractère pan-européen et même global, retombées technologiques, existence de qualifications françaises préalables quoique mal employées. Hélas notre action dans ce secteur consiste le plus souvent à subventionner de grands groupes bureaucratiques du secteur de la défense, plutôt que des entrepreneurs. Je donne donc ma langue au chat ? Histoire de me faire encore des amis, je proposerais bien un grand plan de construction de prisons et de centrales nucléaires, ce qui achèvera de vous convaincre sur l’étendue de mon sens politique. Comme le disait souvent Milton Friedman, le rôle d’un économiste dans le débat public n’est pas de deviner ce qui sera réalisable ou non politiquement et de se déterminer en fonction, mais de proposer des choses qui font sens économiquement, en espérant qu’un jour elles seront réalisables. Il est vrai qu’il ne s’exprimait pas dans le cadre de la zone euro et en 2021, ce qui l’autorisait à un plus grand optimisme.                

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