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De nombreux immigrants arrivent par l'Italie
De nombreux immigrants arrivent par l'Italie
©Reuters

Rêve d'Europe

Un sommet européen extraordinaire se tient ce jeudi 23 avril afin d'évoquer les pistes pour mettre fin à un drame humanitaire : les naufrages en série de migrants clandestins en mer Méditerranée. Mais avant de trouver des solutions, il faut délimiter l'étendue du problème, car en Europe l'immigration est protéiforme. Et tous les pays n'ont pas les mêmes méthodes pour traiter les flux migratoires.

Moustafa  Traoré

Moustafa Traoré

Moustafa Traoré est diplômé d'un doctorat en études anglophones de la Sorbonne. Il est spécialiste du système d'intégration en Grande-Bretagne et de ses limites.

 

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Jean-Marc Zaninetti

Jean-Marc Zaninetti

Jean-Marc Zaninetti est professeur de géographie à l'Université d'Orléans. Il est l'auteur de "Géographie des peuplements et des populations" (PUF, 2011).

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Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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La Grande-Bretagne, un pays qui profite globalement de son immigration malgré des tensions communautaires

Mustafa Traoré : Lorsque l'on évoque l'immigration en Grande-Bretagne, il faut distinguer plusieurs choses. La Grande-Bretagne est, tout d'abord, confrontée à un problème d'émigration. Les infrastructures, les emplois, ne suivent pas avec la croissance de la population. C'est un phénomène très décrit. Mais plus que pour la France, la Grande-Bretagne est une terre de migration, la mobilité dans les deux sens est très prononcée. Il faut aussi voir que la population britannique est vieillissante : il y a un réel besoin d'immigration. Troisièmement, il faut faire la différence entre les chiffres des flux et les coûts.

L'immigration britannique se divise en plusieurs catégories : la population intra-européenne, celle en provenance du Commonwealth, et les autres. En ce qui concerne la hausse de l'émigration aujourd'hui, avant les tensions de la Syrie et de la Libye, la hausse de l'immigration était nettement dû à la population européenne. C'est celle qui pose en partie problème aujourd'hui : économiquement, et selon le droit britannique, ces derniers sont les seuls à pouvoir jouir des systèmes d'aide (les équivalents des APL, et des allocations chômage). De même, les "anglais de souche" y voient une compétition sur le marché du travail.

Les chiffres montrent que c'est d'ailleurs cette immigration qui a le plus augmenté. Celle du Commonwealth a également augmenté, mais ces derniers ne profitent pas du système d'aides sociales. La plus forte progression de ces dernières années demeure néanmoins les individus motivés par une demande d'asile politique, qui est elle-même directement liée à la politique extérieure britannique (les libyens, qui, traditionnellement, venaient en Grande-Bretagne pour étudier avant de repartir). Mais aujourd'hui, ils tentent de rester. Celle du Commonwealth est donc principalement motivée par des raisons économiques, qualifiée, à l'instar des ingénieurs automobile venus d'Inde lors de la création de l'usine Jaguar en 2004-2005. Cela vaut aussi pour nombre d'avocats, de médecins, de chercheurs, mais aussi beaucoup d'investisseurs. Par ailleurs, la mauvaise répartition de la population sur le territoire accroit ce sentiment de compétition : certaines régions comme la ville de Birmingham ou Londres concentrent une trop forte population.

Si les individus issus de l'immigration clandestines ne posent pas de problèmes d'ordre économique, c'est parce qu'ils ne peuvent pas jouir de ces prestations sociales : bien souvent, ils constituent une force productive. Pour obtenir un titre de séjour, ils devront rester sur place pendant une dizaine d'années avant d'entamer la procédure.

Le "Foreign Office" britannique va au sommet, mais c'est davantage une présence politique. La Grande-Bretagne n'a pas grand-chose à en attendre. Il y va pour faire plaisir aux anglais de souche.

La Suède, un pays qui souhaiterait une meilleure répartition des demandeurs d'asile en Europe

Jean-Marc Zaninetti : La Suède est un pays d'un peu plus de 9 millions d'habitants. 14% de la population est née à l'étranger. Vous y trouvez 5% qui proviennent d'autres pays membres de l'Union européenne, et 860.000 immigrés extra-communautaires, soit plus de 9% de la population résidente. C'est au sein de l'Union européenne le pays qui accueille la plus forte proportion d'immigrants extra-européens sur son territoire, le Luxembourg accueillant principalement des européens. Les demandeurs d'asile ne représentent qu’une petite fraction des entrées sur le territoire, mais il est vrai que l’importance de la politique d’asile de la Suède est bien connue.

Si on regarde les chiffres de l'OCDE, les données de 2013, la Suède se distingue par l'importance des demandes : 5.500 demandeurs d'asiles syriens alors que ce nombre est insignifiant en France. De tous les pays de l'Union européenne, la Suède est le pays qui reçoit le plus de demandeurs syriens à proportion là aussi de sa population. Mais les demandes viennent aussi de plusieurs autres pays du Proche et du Moyen-Orient, tout comme de l'Afrique orientale.

Sur l'année 2013, la Suède a prononcé 45.000 décisions sur les demandes d'asile, dont 21.000 ont été rejetées, ce qui correspond plutôt à la moyenne européenne. Mais pour donner un ordre de grandeur, en France sur la même période, il y a eu 61.700 demandes dont 51.000 ont été rejetées.

Dans le cas très particulier du drame qui se joue actuellement en Méditerranée, il est très clair que les réfugiés constituent un nombre important des populations déplacées bien qu'il soit délicat de faire la part de ceux qui sont désespérés économiquement, de ceux qui fuient la guerre. Effectivement, un des enjeux qui se pose actuellement pour la Suède, vis-à-vis de ses partenaires européens, est bien la répartition des demandes. Tout comme l'Allemagne, la Suède demandera sans doute aux autres Etats membres d'être plus ouverts.

L'Allemagne, plus que jamais dépendante d'une immigration qualifiée pour palier le vieillissement de sa population

Jean-Marc Zaninetti :L'Allemagne a connu une forte immigration dans les années récentes. On observe deux pics. Le premier pic d’immigration qui s’est produit dans les années 1990, a combiné les conséquences du démantèlement de l'Union soviétique et des satellites de l'URSS –les allemands ethniques prisonniers du système rouge -les aussiedlers- avec un flux massif de réfugiés en provenance des états successeurs de la Yougoslavie qui a permis de diversifier la population d'immigrants.

Il y a eu une accalmie dans les années 2000 du fait de la stabilisation politique en Europe centrale, et de la faible attractivité économique du pays. Lorsque l'Allemagne a fait son recensement en 2011, le chiffre de la population était inférieur de 2 millions aux prévisions. Dans de nombreuses communes, en particulier dans la partie orientale du pays, les registres n'étaient pas suffisamment tenus à jour. Les migrations de retour n'avaient pas été correctement enregistrées et tous les départs n’avaient pas été dénombrés. L'évènement a d'ailleurs constitué une secousse car le gouvernement se préoccupe beaucoup du vieillissement de la population. Soit dit en passant, s'il n'y a que peu de chômage en Allemagne, c'est aussi la conséquence d'un marché du travail sur lequel la pression des jeunes est faible.

En revanche, on observe une accélération, depuis 2010, des entrées en Allemagne. C'est d'ailleurs aujourd'hui le pays qui accueille le plus d'immigrants en Europe: presque un million d'immigrants sont arrivés sur le territoire allemand en 2012 selon l'OCDE. En France, les statistiques de l'immigration s'élèvent à 163.400 pour la même année. C'est vraiment un cheval une alouette. L'immigration intra-communautaire fait apparaître que 50% des migrants en flux provenaient d'autres pays de l'Union européenne, ce qui représente un flux substantiel, puisque par exemple en France, l'immigration communautaire ne représentait que 28% des entrées. A l'inverse des autres pays de l'eurozone, l'Allemagne bénéficie d’une attractivité économique renouvelée qui s’exerce sur les autres pays et, notamment, de ceux du Sud comme l'Espagne. En proportion de cet afflux migratoire, les réfugiés représentent une goutte d'eau, bien que l’Allemagne reste le pays auquel s’adressent le plus de demandes d’asile. Selon Eurostat, l’Allemagne a traité 76.000 demandes d'asile en 2013, dont 56.000 en été rejetées.

L'Italie, une destination peu attractive mais accueillante

Jean-Marc Zaninetti : L'Italie n'est pas seulement un pays de passage. Un peu plus de 8% de sa population totale est née à l'étranger, ce qui est légèrement inférieur à la moyenne des pays européens. Historiquement, l'immigration est un phénomène récent. Traditionnellement, l’Italie était plutôt un pays d'émigration jusqu’aux années 1980. Cette immigration provient essentiellement de pays extra communautaires (environ 3 millions de résidents).

Pour ce qui est des demandes d'asile, l'Italie a traité, en 2013, 23.500 dossiers et n'en a rejeté que 9.000. C'est un pays accueillant, mais qui n'est pas tellement recherché, le nombre de dossiers déposés est sensiblement équivalent à la Belgique par exemple. Par contre, l’Italie est en première ligne dans la crise actuelle en Méditerranée.

La France, une immigration principalement familiale 

Guylain Chevrier : Si la France devient une terre d’immigration à partir de la fin du XIXe siècle avec les Italiens, puis les Polonais et les Espagnols, l’immigration française extra-européenne tient à une histoire marquée par la colonisation et donc des migrants venus des anciennes colonies, particulièrement du Maghreb, qui reste l’élément marqueur alimentant l’image de nos banlieues. Cette histoire est aussi marquée par une forte poussée d’Afrique subsaharienne, ce que les Français ont véritablement découvert lors des violences urbaines de novembre-décembre 2005, où on a vu dans les médias des groupes à l’action où se mêlaient des jeunes d’origine maghrébine et des jeunes originaires d’Afrique noire en nombre, révélant une évolution de plusieurs décennies au grand jour. Si le regroupement familial, qui est depuis l’arrêt de l’immigration économique en 1974 la principale source de l’immigration en France, a surtout concerné les travailleurs maghrébins, la population d’origine subsaharienne est-elle bien plus issue d’une immigration de l’asile, mai aussi de l’immigration illégale. Cette dernière s’est intégrée à la faveur des régularisations massives des gouvernements de gauche et en demeurant sur notre sol assez longtemps pour trouver à un moment donné le chemin de la régularisation par le jeu de différents mécanismes. Aujourd’hui, l’immigration vient pour moitié d’Europe de l’Est. Pour ce qu’il en est de l’immigration africaine, elle est très présente, représentant un tiers des migrants, dont une majorité de maghrébins, pour ce qu’il en est de l’immigration légale. L’immigration d’Asile concerne des horizons très différents, dont 30.5% en 2013 de ceux ayant bénéficié du statut de réfugiés sont d’origine africaine.

Selon un avis du Haut Conseil à l’intégration de 2011 sur le bilan de la politique de l’intégration, il était constaté que depuis vingt ans, elle se poursuivait pour la très grande majorité des immigrés et pour leurs enfants de façon très positive. Les enfants sont de façon générale plus diplômés que leurs parents, 39% des ménages immigrés sont propriétaires, avec des mariages mixtes majoritaires chez les descendants d’immigrés. Le contrat d’accueil et d’intégration est devenu la pierre angulaire de la politique d’accueil de l’immigration légale depuis 2007 où il est devenu obligatoire. Il comporte des obligations de maîtrise de la langue française avec un volume d’heures de formation linguistique, une formation civique permettant l’accès aux valeurs de la République et à ses institutions, et une formation à la connaissance de la société française. Cela est d’autant plus nécessaire dans un pays où l’on considère la citoyenneté comme première dans l’ordre des biens communs, qui au-delà des droits politiques relève des droits et libertés individuels, libertés collectives, droits économiques et sociaux partagés par tous.

Pour autant, il était aussi relevé par ce bilan du HCI, que des difficultés croissantes se faisaient jour, notamment liées à l’absence de matrise des flux migratoires, à des concentrations géographiques excessives ou encore à des difficultés d’ordre socioculturel.  Il est un fait que l’immigration extra-européenne, éloignée de nos codes culturels, très majoritairement venue de pays musulmans où ne règne pas la démocratie et les libertés, implique une politique d’intégration exigeante, qui place les valeurs de notre République au cœur des enjeux, ce qui ne va pas de soi.  Selon l’institut Sociovision de décembre 2014, 56 % des musulmans considèrent comme normal de faire passer les valeurs religieuses avant celles de la société, et donc avant celles de la France où ils vivent. On voit bien le fossé à combler. Recevoir des dizaines de milliers de migrants nouveaux, voir plus, dans ce contexte, comprendrait ainsi bien des dangers.

Cette communication du HCI nous révélait que 11,5 millions de personnes immigrées ou d’enfants ayant au moins un parent immigré résidait en France soit, 19% de la population. Ce chiffre à lui seul résume assez bien les enjeux de l’intégration dans un pays comme la France qui, à l’instar de la plupart des pays européens,  a une politique d’intégration qui est fondée sur la mixité et le mélange et non la séparation, ce qui requière un haut engagement des politiques publiques et des moyens considérables, autant que la défense d’un modèle de société à haute valeur démocratique.

Si on veut regarder l’intérêt de la France dans l’accueil et l’asile des migrants, on doit d’abord souligner sa place à part au regard des migrations qui sont la source principale de la croissance démographique européenne. Contrairement à la plupart des pays européens, notre pays n’est pas dans une demande d’apport de population extérieure, puisque notre solde naturel se porte bien en raison d’un taux de fécondité de près de deux enfants par femme, qui permet le renouvellement des générations.Ce n’est donc pas pour nous d’abord un facteur de développement mais plutôt une charge dans le domaine de la politique familiale qui représente l’un des plus importants budgets de la nation.

Selon l’INSEE, parmi les immigrés de plus de 16 ans et non étudiants, entrés en France en 2012, 40 % déclarent occuper un emploi l’année de leur arrivée. Ceci étant, parmi les immigrés européens entrés en France en 2012, 55 % déclarent occuper un emploi début 2013, soit deux fois et demi plus que les Africains (21 %). Ces différences s’expliquent en partie par la structure des populations, ces derniers présentant un moindre niveau de diplôme, plus de difficultés à l’adoption d’un nouveau mode de vie européen, voire en raison du nombre d’enfants par famille qui limite l’activité des femmes.

Les migrants ont un taux d’emploi et un niveau de diplôme inférieurs à la population majoritaire, même s’ils bénéficient pour une part de l’ascenseur social. Les populations bénéficiant proportionnellement le plus de l’aide sociale au regard de ce qu’elles représentent vis-à-vis de l’ensemble de la population nationale, sont celles issues de l’immigration extra-européenne. C’est d’ailleurs un des axes de la politique de cohésion sociale nécessaire au maintien de notre vivre ensemble, dont fait partie le volet égalité des chances. Il faut bien voir que la politique de l’immigration est une politique transversale qui implique pour chaque nouveau venu un emploi, un logement, des aides sociales, une prise en charge au titre de la santé, de l’éducation s’il y a des enfants…  Des aspects qui laissent  immédiatement entrevoir un rapport coûts-bienfaits économiques largement favorable aux migrants. Il faut rajouter à ce constat une politique d’intégration venant se heurter à une économie de sous-emploi chronique qui fabrique de l’exclusion, qui crée des foyers de tensions. Aussi, dans ce contexte, accueillir plus encore au nom d’une action humanitaire répondant à la demande de ces centaines de milliers de  migrants des bateaux de la Méditerranée est tout, sauf raisonnable.

En Europe, de grands déséquilbres en matière d'immigration

Guylain Chevrier : En 2014, le nombre de demandeurs d'asile dans l'Union européenne a atteint un record. 625 000 personnes au total ont déposé une "demande de protection internationale", soit une augmentation de 191 000 personnes (+44%). Ils n’étaient que 332 000 en 2012 ! Conséquence directe de conflits armés, particulièrement en Syrie, le nombre de demandeurs d'asile a explosé, mais aussi au regard d’une accélération de l’immigration venue du continent africain via de plus en plus la Libye. C’est avant même la question des naufragés la question de cette poussée migratoire au regard de laquelle il s’agit d’agir, non seulement parce que l’on ne pourra pas accueillir tous ces migrants, mais aussi si on veut parer à de futurs drames.

Il est là question  d’enjeux qui dépassent la simple question humanitaire, on ne saurait ainsi simplement suivre les interpellations  des associations d’aide aux migrants et des ONG comme Amnesty internationale, qui ne voient le problème qu’en termes d’accueil et d’asile, demandant à ce que l’on organise la venue en Europe de centaines de milliers de migrants pour éviter les risques de naufrages. Ce serait encourager un appel d’air qui serait suicidaire, car ce serait créer les conditions de mise en déséquilibre des sociétés européennes qui ont déjà fort à faire avec la crise économique et sociale durable qui frappe la plupart d’entre elles et d’autre part, n’ont pas les moyens d’une intégration qui par défaut conduirait à des regroupements communautaires dangereux pour les sociétés d’accueil. Il y là tous les ingrédients aussi pour une montée en force des extrêmes droites européennes. Par ailleurs, il s’agirait aussi de ne pas oublier qu’il y a un autre problème à traiter, celui des causes, avec derrière les passeurs qui mettent les migrants dans les bateaux, ceux qui les soutiennent sur la terre ferme et ont le pays quasi sous contrôle, les islamistes et les groupes tribaux. Ce qui justifie aujourd’hui la réflexion autour d’une opération militaire en Libye. Il s’agit aussi de répondre à la menace bien réelle du projet proclamé de l’Etat islamique de favoriser la migration vers l’Europe de 500.000 personnes en vue de la déstabiliser.

Au sein de l'Union européenne, les pays recevant le plus grand nombre de demandes d'asile sont : l'Allemagne avec  202 645 demandes en 2014 (soit 32% de l'ensemble des demandes), par des citoyens syriens (41 100 demandes), serbes (27 145) ou encore érythréens (13 255) ; La Suède a également reçu un grand nombre de demandes d'asile (81 180), tout comme l'Italie (64 625) et la France (62 735). Suivent le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique, l’Autriche et la Hongrie, qui reçoivent entre 5000 et 20000 demandes,  les autres pays de l’UE jouant un rôle extrêmement modeste en la matière. Il y a donc là de grands déséquilibres.

Autre problème, le faible degré d’uniformité des normes et la divergence des pratiques nationales, ainsi que de la part que représentent déjà les migrants dans les populations de chaque Etat membre. La prise de décisions en matière d’asile au sein de l’UE manque de cohérence et les chances de se voir octroyer une protection varient énormément d’un État membre à l’autre. Par conséquent, le préalable serait de faire que, la coopération entre les États membres puisse être renforcée en parallèle avec l’harmonisation de la législation, mais sans une politique d’uniformisation par le sommet subsumant les souverainetés nationales.

Ceci étant, la volonté d’affirmer une politique de répartition équitable des migrants de ces bateaux entre les pays européens pose une sacrée contradiction. Car, si cela suppose de considérer ceux-ci comme relevant tous de la demande d’asile, sachant par exemple qu’en France seulement 28% des demandeurs obtiennent le statut de réfugiés, les milliers et les milliers qui seront au final déboutés après avoir été accueillis resteront sur notre sol comme clandestins, une belle catastrophe. On ne devrait pas plus généraliser l’accueil au titre humanitaire en procédant à des régularisations massives sans aucune visibilité de fin du phénomène, car nous ne sommes pas face à un nombre maitrisé de migrants mais à un flux continu et qui croît.

La politique de l’Union européenne en matière d’immigration tente de prendre la dimension d’une politique extérieure globale qui se fonde sur un véritable partenariat avec les pays tiers sur différents thèmes tels que : migration légale, lutte contre l'immigration illégale, lien entre migration et développement et dimension extérieure de l'asile. Il y a donc un enjeu intérieur à l’UE de répartition des migrants relevant de l’asile mais aussi un enjeu extérieur qui tient à une politique de coopération et de responsabilisation des Etats africains, qui reste à mieux articuler à ces enjeux. Il serait intéressant de savoir à quoi servent les 28 milliards d’euros alloués par l’UE à l’Afrique dans le cadre d’accord de développement, de la sécurité et la paix. Une somme allouée pour la période 2014-2020, sous le signe des sommets annuels entre l’UE et les Etats Africains. N’y aurait-il pas des exigences beaucoup plus fortes à faire entendre et un contrôle des aides apportées quant à leur efficacité ? L’objectif prioritaire, ne devrait-il pas être avec ces pays celui de la lutte contre les migrations illégales, surtout lorsqu’ils en sont à l’origine ou leurs servent de voies ouvertes ? 

Il faut d’ailleurs souligner qu’une part non négligeable des migrants qui prennent ces bateaux de la méditerranée viennent de pays qui ne sont pas en guerre, et connaissance même une forte croissance. Ils émigrent souvent pour des raisons économiques sous le signe de la promesse d’une terre européenne présentée comme l’Eldorado.

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