Sommet de Versailles : l’unité de l’Europe l’emporte sur les lézardes<!-- --> | Atlantico.fr
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Sanna Marin, Nicos Anastasiades, Charles Michel, Emmanuel Macron, Klaus Werner Iohannis et les dirigeants de l'UE arrivent au château de Versailles lors d'un sommet sur l'Ukraine.
Sanna Marin, Nicos Anastasiades, Charles Michel, Emmanuel Macron, Klaus Werner Iohannis et les dirigeants de l'UE arrivent au château de Versailles lors d'un sommet sur l'Ukraine.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Chemin de la paix

Les dirigeants de l'Union européenne se sont retrouvés pendant deux jours à Versailles pour définir une stratégie commune face aux « bouleversements profonds » engendrés par la guerre en Ukraine. Les vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement ont tenté de surmonter leurs divisions quant au calendrier et aux moyens permettant de réduire la dépendance des pays membres envers le gaz et le pétrole russes.

Dimitri Oudin

Dimitri Oudin

Dimitri Oudin est Membre du Bureau National du Mouvement Européen France, Président du Mouvement Européen Marne.
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Atlantico : « Rien n’est interdit, rien n’est tabou.» a déclaré Emmanuel Macron. Les chefs d’État et de gouvernement étaient réunis pour un sommet informel au château de Versailles pour évoquer la situation en Ukraine et ils ont évoqué la menace de nouvelles «sanctions massives» contre la Russie de la part de l’UE. Néanmoins aucune mesure concrète ne semble avoir été prise et les points de désaccords, sur la position à avoir dans l’immédiat concernant le gaz russe ou sur la question d’un emprunt, eux persistent. L’Unité européenne affichée depuis le début de la guerre en Ukraine est-elle en train de se fissurer face à ces décisions concrètes ?

Dimitri Oudin : L’opposition européenne à la guerre russe en Ukraine a certes revêtu de nombreux aspects symboliques : condamnations officielles et unanimes par les dirigeants des Etats-membres, pavoisement du drapeau ukrainien aux côtés du drapeau européen,grandes manifestations populaires en soutien à l’Ukraine.

Mais il serait profondément injuste de réduire cette unité européenne à une unité de façade. Déjà parce que l’Union Européenne n’a pas attendu l’invasion russe pour soutenir l’Ukraine, que ce soit au travers d’un soutien financier de près de 20 milliards d’euros depuis 2014, ou en participant activement à presque tous les formats de discussion multilatérale pour trouver unesolution diplomatique.

Mais aussi, et surtout, parce que depuis le début de cette invasion, le processus de coopération et d’intégration s’est accéléré à une vitesse rarement vue dans l’histoire de l’Union Européenne.En à peine deux semaines, et avant même le Sommet de Versailles, l’UE et ses Etats-membres ont bouclé à l’encontre de la Russie plusieurs paquets de sanctions d’une ampleur inédite : exclusion de banques du système SWIFT, suspension de la diffusion en Europe des médias pro-gouvernement russes Sputnik et Russia Today, interdiction du survol de l’espace aérien de l’UE, sanctions économiques et financières lourdes.Sans oublier un soutien actif à l’Ukraine, par l’envoi de matériel et d’équipement militaires.

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Si le Sommet de Versailles a vu apparaître, en filigrane, quelques dissensions, elles semblent assez mineures par rapport à l’incroyable bond en avant réalisé ces deux dernières semaines. Et n’ont pas empêché, au passage, l’annonce d’un 4ème paquet de sanctions à l’égard de la Russie et de son alliée bélarusse.

Quelle est l'ampleur des désaccords ?

Sur le plan procédural, les pays d’Europe de l’Est souhaiteraient une adhésion accélérée de l’Ukraine à l’Union Européenne, ce qui constituerait une symbolique forte, mais pourrait aussi avoir des conséquences opérationnelles importantes sur l’engagement des Etats-membres dans un conflit avec la Russie. Or, les pays d’Europe « de l’Ouest », dont la France, sont plus réticents à mettre en œuvre un régime d’exception quant à la procédure d’adhésion. Par crainte, aussi,de créer une jurisprudence alors que les critères d’adhésion sont forcément longs à réaliser, que ce soit sur les plans politique, juridique ou économique.

Sur le plan énergétique, les Etats ne sont pas tous tout à fait d’accord sur les orientations à mener en termes de transition, dont un nouveau plan a été discuté. En filigrane apparaît la dépendance de certains pays à l’égard de la Russie dans ce domaine, au premier rang desquels l’Allemagne. Or comme l’a rappelé paradoxalement la Première Ministre finlandaise Sanna MARIN à l’occasion de ce Sommet, les Européens financent indirectement cette guerre en achetant aux Russes du gaz et du pétrole.

Enfin la question du financement des conséquences économiques de cette crise n’a pas-encore- été levée, là où la France défend le principe d’un plan de relance, sur le modèle de celui qui a été lancé après le premier confinement dû à la COVID-19.

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Faut-il s’attendre à ce que ces désaccords s’approfondissent avec le temps ou faut-il croire que l’achoppement et les désaccords sont susceptibles d’être levés ?

La réaction des Etats européens face à l’agression dont a été victime l’Ukraine a été formidable. Son ampleur a été inattendue. En dépit, d’ailleurs, des conséquences économiques et politiques qui se profilent. Sûrement parce que les dirigeants ont compris que cette guerre relevait in fined’une menace existentielle contre l’Europe elle-même.

Tout l’enjeu qui se pose aujourd’huiconsiste à passer d’une réaction sur le court-terme (sanctions contre la Russie et soutien matériel à l’Ukraine), à une réforme systémique permettant aux Etats européens d’assurer leur indépendance énergétique et alimentaire, ainsi qu’à renforcer leur capacité de défense vis-à-vis de la Russie. Il y a de fortes raisons d’espérer que l’Union Européenne et ses Etats-membres soient en mesure de relever ce défi.

Enfin, s’agissant de l’adhésion ukrainienne à l’Union Européenne, le Sommet de Versailles a malgré tout été l’occasion de statuer que l’Ukraine appartient bien à la famille européenne. Cela reste un message symbolique fort, et un signe positif important pour d’autres pays menacés par l’expansionnisme de Vladimir POUTINE, comme la Géorgie et la Moldavie.

Malgré ces désaccords actuels, est-il possible que la situation augure d’un moment européen durable ?

Je crois qu’il faut insister sur la Révolution copernicienne qui est en train de se jouer actuellement en Europe, où de nombreux paradigmes sont en train d’être remis en question pour une plus grande coopération, et une intégration européenne plus approfondie.

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A titre d’exemple, l’Allemagne a annoncé un plan de financement de son armée à hauteur de 100 milliards d’euros. Du jamais vu depuis la Seconde Guerre Mondiale, et un signe que la France n’assumera peut-être plus aussi asymétriquement les efforts de Défense parmi les pays européens.

Sur le plan de la dépendance énergétique, l’Allemagne est certes pour le moment réticente à se couper totalement de l’approvisionnement russe, mais a quasiment enterréle projet Nord Stream 2. Mieux : au vu des derniers sondages, l’opinion publique allemande se montre plutôt favorable à un boycott complet des hydrocarbures russes. Ce qui signifierait une plus grande acceptabilité sociale de ses conséquences si la décision venait à être prise.

Autrement dit, cette crise laisse entrevoir l’émergence d’une Europe plus forte, plus protectrice et plus unie.

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