Sommet de la Communauté Politique Européenne : l’autre Europe qui monte<!-- --> | Atlantico.fr
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Olaf Scholz, le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan, le président du Conseil européen Charles Michel et Emmanuel Macron lors d'une réunion durant le sommet de la Communauté politique européenne à Grenade, le 5 octobre 2023
Olaf Scholz, le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan, le président du Conseil européen Charles Michel et Emmanuel Macron lors d'une réunion durant le sommet de la Communauté politique européenne à Grenade, le 5 octobre 2023
©LUDOVIC MARIN / AFP

CPE

Lancée en 2022 par Emmanuel Macron, la CPE se réunit pour la troisième fois à Grenade, en Espagne.

Guillaume Klossa

Guillaume Klossa

Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.

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Atlantico : En marge du sommet, les chefs d'Etat européens vont se retrouver dans le cadre de la CPE. L'occasion d'aborder les sujets difficiles : l'adhésion de l'Ukraine ou la réforme migratoire. Ce sont des questions brûlantes qui vont être débattues... Cette réunion, ce sera l'occasion de chercher un cap malgré les tensions ? 

 Guillaume Klossa : La grande difficulté sur le pacte migratoire est que les États membres n’ont pas la même compréhension des enjeux et défis migratoires, ce travail de compréhension commune n’a pas été suffisamment mené jusqu’à présent. Beaucoup aimeraient un accord rapide avant les élections européennes voire même à ce Conseil. Si c’est le cas, il ne faut pas que celui-ci soit un accord a minima, plusieurs pays dont la France et l’Italie plaident dans ce sens. Concernant l’adhésion de l’Ukraine à l’UE à terme, tous sont d’accord. Le sujet est à la fois d’offrir une perspective crédible aux Ukrainiens, de les amener à faire les immenses efforts qui sont nécessaires pour adhérer, veiller à ce que les impacts multiples de cette adhésion notamment sur des pays comme la Pologne soient maîtrisés et de pas donner aux autres états candidats à l’adhésion le sentiment que l’Ukraine bénéficie d’un traitement de faveur. En même temps, il faut veiller à ce que l’Union européenne se refonde en profondeur pour faire face à une nouvelle réalité mondiale et technologique mais aussi à de nouvelles attentes de ses citoyens avant de nouvelles adhésions. L’équation n’a rien d’évident mais elle a le mérite d’être clairement posée.

Créée à l'initiative d'Emmanuel Macron après le début de la guerre en Ukraine, qu'est-ce que c'est la CPE? La formation d'une autre Europe en parallèle de celle que nous connaissons? 

La communauté politique européenne n’a rien à voir avec l’Union européenne qui est une Union politique transnationale qui vise à s’affirmer comme puissance démocratique ni avec le Conseil de l’Europe dont la mission est devenue avec le temps et dans la pratique de faire rayonner et vivre les libertés et droits fondamentaux partagés par les Européens avec des outils juridiques et conventionnels à son service, la cour européenne et la convention européenne des droits de l’homme. LA CPE est dans les faits le seul forum qui permet à tous les chefs de gouvernement européens (avec quelques exceptions dont la Russie) de se rencontrer, de se connaître et de réfléchir ensemble à des enjeux à la fois d’actualité et mais aussi géopolitiques, économiques ou énergétiques. C’est aujourd’hui une sorte de think tank des hauts gouvernants du continent. C’est utile car cela permet de créer une dynamique intellectuelle continentale inclusive au plus niveau ou civilisationnelle au sens noble du terme civilisation. Cette dynamique de cohésion intellectuelle manquait. En revanche, ce n’est pas une institution ni une organisation transnationale. Aussi présenter la CPE comme une alternative au projet d’intégration européenne est une erreur. La CPE est juste un forum continental d’échanges et de réflexion au plus haut niveau, et c’est déjà beaucoup.

A quoi sert la CPE ? Est-ce une sorte de millefeuille? Quel est son rôle? Que ou qui représente-t-elle?

Le rôle de la CPE est très limité. Dans la pratique, elle vise à favoriser la connaissance commune de dirigeants qui, au delà des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, ne se connaissent pas et parfois ne se sont jamais rencontrés. Un exemple frappant, depuis la sortie du Royaume-Uni, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, connaissent désormais très mal les dirigeants britanniques qu’ils croisaient régulièrement au Conseil européen, ce qui est problématique car si dans les faits, beaucoup d’intérêts sont communs entre le Royaume-Uni et l’UE, il n’y a plus de cénacle pour organiser cette convergence d’intérêts ni de lieu pour en discuter. Pour le Royaume-Uni, la CPE est dans la pratique le seul lieu pour discuter de ces convergences communes, c’est mieux que rien et c’est pourquoi Londres a accueilli très favorablement la création de cette enceinte, qui constitue pour elle un petit premier pas pour re-tricoter ses relations avec l’Union européenne.

La CPE vise également à développer une compréhension commune des enjeux et des défis, identifier des voies de coopération entre l’Union européenne et les membres de l’Union européenne et éventuellement faire émerger des projets communs. Rien de plus, mais c’est déjà énorme, cela permet à des Etats qui se sentent européens mais n’appartiennent pas à l’Union par choix ou pour des raisons de niveaux de développement, de ne pas se percevoir comme des Etats de seconde zone. Cela crée des conditions pour des projets conjoints entre Etats qui avaient jusque-là peu de relations. Cela permet aussi aux Etats membres de l’Union de prendre conscience de la force que constitue l’appartenance à l’UE. Le rôle de l’Union européenne est de faire émerger une association extrêmement étroite d’Etats et de citoyens partageant des objectifs politiques communs, une démocratie commune avec des institutions communes exécutives et parlementaires, un budget commun, un marché commun, un ensemble de législations et de règles communes et au final une société commune. L’Union européenne est donc une forme d’Etat léger. Il n’y a rien de tout cela pour la CPE. 

La CPE, ça veut dire que l'Union Européenne ne fonctionne pas ? 

On ne peut pas comparer la CPE à l’UE ? À la rigueur au Conseil européen. Mais le Conseil européen qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 est à la fois un organe d’orientation stratégique et de décision de dernier ressort, ce n’est pas un centre de réflexion  Comment comparer l’UE, une instance de législation et de décision, dotée de moyens financiers et humains considérables, et capable de s’appuyer sur une puissante et compétente administration communautaire avec la CPE, qui n’est aujourd’hui au mieux qu’un think tank rassemblant certes de très hauts dirigeants, mais sans capacité législative et exécutive, sans moyen humain et sans budget ?  Ce n’a pas de sens. Peut-être que demain la CPE se transformera en institution, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui et personne ne le souhaite vraiment.

Ce qui est certain en revanche, c’est que plus l’Union européenne est intégrée et forte notamment en matière de politique étrangère, plus sa capacité d’entraînement sur les Etats de la CPE non membres de l’UE sera forte alors que le manque de cohérence en matière de politique étrangère des Etats-membres handicape la CPE. En d’autres mots, plus l’Union européenne sera forte, plus la CPE le sera également.

La CPE peut-elle résoudre des conflits comme celui entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie ?

D’un point de vue pratique, l’Azerbaïdjan et la Turquie, les deux pays clés pour résoudre le conflit, ont décidé de ne pas assister à la réunion de Grenade de la CPE. A cette occasion, on ne pourra au mieux qu’obtenir une esquisse de position commune non contraignante par rapport à l’agression azérie.

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