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Sommes-nous tous dépressifs ?
©DR / Capture d'écran

Impact du confinement

Comme l’indiquait le sondage du cabinet Empreinte Humaine, dans le cadre d’un baromètre Opinion Way publié par LCI, sur la situation des salariés en période de confinement, 44% des Français présentent des symptômes dépressifs depuis le début de la crise du coronavirus. Comment distinguer les vrais signes de dépression d’angoisses passagères ?

Michel Debout

Michel Debout

Michel Debout est professeur émérite de Médecine légale et de droit de la santé, et psychiatre, au CHU de Saint Étienne. 

Il est membre associé du CESE et membre de l'Observatoire national du suicide, spécialiste de la prévention du suicide et des eisques psycho-sociaux au travail. Il est auteur de nombreux ouvrages dont "Le traumatisme du chômage"  (editions de l'Atelier, 2015) et "Le Renouveau démocratique : placer la santé au cœur du projet politique" (éditions de l'Atelier, août 2018).

 

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Atlantico.fr : Comment expliquer le regain d'état dépressif dans la population en ces temps de pandémie et de confinement ? 

Michel Debout : Pendant toute la période du confinement le recours aux soins habituel et d’abord aux soins psychologiques et psychiatriques a largement régressé. Les états dépressifs ont pu ainsi se révéler ou s’aggraver sans aucune prise en charge, c’est pourquoi leur nombre risque aujourd’hui d’être particulièrement important. Certains patients ont pu mal interpréter les symptômes ressentis pendant le confinement en les banalisant  , du fait de la situation vécue, ce qui les a enkystés . Enfin le confinement a pu provoquer un sentiment d’abandon ,  source de réaction dépressive  ,chez des personnes confinées seules ou des états de stress traumatique en cas de conflit conjugal exacerbé par ce huis clos relationnel.

Comment différencier d'un point de vue clinique les états dépressifs passagés dûs aux conditions de vie actuelles avec les états plus maladifs ? 

Les symptômes présents dans la maladie dépressive et ceux que l’on retrouve dans les dépressions réactionnelles sont très voisins; ils se différencient par leur cumul et surtout par leur intensité. Ainsi le sentiment de dévalorisation, de perte d’estime de soi se retrouvent toujours dans l’état dépressif quelle qu’en soit l’origine, mais il peut aller du simple sentiment de ne pas être là la hauteur, jusqu’à un véritable vécu d’indignité personnelle, le malade pouvant se considérer comme un « déchet humain ». La fatigue, elle aussi toujours présente , peut aller d’une simple faiblesse passagère jusqu’à une asthénie profonde rendant impossible toute activité . Enfin les idées noires , qui complètent le tableau dépressif, peuvent provoquer un détresse passagère mais aussi un désespoir existentiel aggravée d’idées suicidaires qui en expriment la gravité potentielle. Il revient dans tous ces cas à un spécialiste, médecin, psychologue, psychiatre, d’établir un diagnostic de l’état du patient et de proposer la prise en charge adéquate qui peut aller d’une simple prescription médicamenteuse à une hospitalisation en urgence.

Le confinement est en train de s'achever, mais les difficultés liées à la pandémie sont encore loin d'être finies. Quelles conséquences peuvent subvenir dans les prochains mois ? A quoi faut-il être attentif ?

Après l’épidémie qui a nécessité la mise à l’arrêt de l’économie une crise sociale sans précédent va s’installer en France avec une explosion du chômage, des dépôts de bilans et de la précarité. Une seconde crise sanitaire peut donc s’installer et dans la durée celle-là , et il faut tout faire pour que ses conséquences sur la santé des Français ne soit pas plus grave, que les méfaits du virus. On sait que le chômage, les faillites, les surendettement se compliquent souvent de réactions anxiodépressives avec leur cortège de réactions personnelles, familiales et sociales. Mais tous les autres travailleurs vont , eux aussi, vivre une situation anxiogène avec la peur de perdre leur emploi ou de voir leur entreprise fermer faute de travail. Quand au travail lui-même il pourra se faire sous pression, concurrence oblige, avec le risque de burn-out ou de harcèlement au travail. Les réactions dépressives accompagnent souvent ces conditions dégradées du travail.

Un Comité d’experts, virologues, infectiologues, épidémiologistes, a été mis en place pour conseiller les pouvoirs publics face aux méfaits du virus ; il faut qu’un autre Comité se mette à son tour en place. Composé d’experts du monde médical et social. Il proposera les mesures de prévention et de prise en charge qui sont rendues nécessaires, face à la dégradation des conditions de vie et de travail qui s’annoncent.

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