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SNCF : cette sévère défaite des syndicats qui se profile face au gouvernement (et ce qu’ils auraient pu faire gagner au pays s’ils étaient capables de jouer leur véritable rôle)
©PASCAL PAVANI / AFP

En grève

Les derniers chiffres de la participation au mouvement de grève de la SNCF montrent un essoufflement du mouvement.

Hubert Landier

Hubert Landier

Hubert Landier est expert indépendant, vice-président de l’Institut international de l’audit social et professeur émérite à l’Académie du travail et de relations sociales (Moscou).

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Les derniers chiffres de la participation au mouvement de grève de la SNCF montrent un essoufflement du mouvement. L'enlisement de ce conflit est-il révélateur du manque de stratégie et d'influence des syndicats aujourd'hui ? 

Hubert Landier : Je trouve au contraire que la grève se maintient… L’enjeu en est de taille : ni le président de la république  ni le secrétaire général de la CGT ne peuvent se permettre de reculer. Quels peuvent être les pistes de sortie de crise ? La plus probable est celle d’un arrangement avec la CFDT. On en voit bien les grandes lignes dans le courrier adressé par la ministre des transports à Laurent Berger. Celui-ci, toutefois, doit gérer ses relations internes, et le point de vue de la confédération peut ne pas être exactement celui de la fédération des cheminots. 
Celle-ci, en effet, se trouve confrontée à la perspective des prochaines élections professionnelles à la SNCF. Or, le fait de reprendre le travail trop tôt pourrait avoir pour elle des conséquences très dommageables en termes d’influence électorale. Et ceci d’autant plus que la CGT, pour laquelle une défection de la CFDT, voire de l’UNSA, permettrait de renoncer honorablement à ses ambitions, ne manquerait pas de proclamer la trahison de ses alliés, dont il ne faut pas oublier qu’ils sont aussi ses concurrents. Reste donc à atteindre le point d’équilibre, mais on voit maintenant un peu mieux où il se situe, surtout depuis l’ouverture représentée par l’ouverture de négociations directement avec le premier ministre.

Alors que l’opinion leur était favorable au départ, notamment sur la défense des services publics, comment expliquer qu'ils n'aient pas réussi à saisir cette opportunité?

En fait, l’opinion est très partagée. D’un côté, nombreux sont les Français qui sont plus qu’agacés par une grève qui les pénalise dans leurs déplacements ; mais de l’autre, je ne suis pas sûr qu’ils approuvent le contenu de la réforme de la SNCF décidée par le gouvernement et dont ils ignorent le contenu, à l’exception de la question du statut des cheminots. Et d’abord, qui est-ce qui décide ? Est-ce l’Etat ou est-ce la Direction générale de l’entreprise ? Il y a un peu confusion des rôles. Je ne suis pas sût que ce soit au ministre de l’économie d’annoncer l’acquisition de rames de TGV alors que l’entreprise est par ailleurs surendettée.
D’où il résulte que l’opinion ne paraît pas avoir beaucoup changé depuis le début du conflit. Les syndicats n’ont pas réussi à convaincre, mais le gouvernement non plus. Ses propositions semblent peu claires et l’on a parfois l’impression d’une certaine improvisation ainsi que d’une incapacité à parler aux gens. Derrière les problèmes d’équilibre économique, il y a le poids des symboles. Le statut des cheminots en est un ; mieux eut sans doute mieux valu le conserver, quitte à le modifier de fond en comble. 

Pour défendre l'ensemble des salariés et construire réellement un dialogue social, la France a besoin de syndicats solides.  Avec des forces syndicales équilibrées et représentatives, qu'auraient pu obtenir les salariés sur les dernières grandes réformes qui les concernent, notamment la loi travail ? Et qu'ont-ils perdu?

Les syndicats, en France, sont faibles et divisés mais ils auront réussi à prouver, dans cette affaire de la SNCF, qu’ils pouvaient se rassembler et tenir l’Etat en échec, même si la grève débouche, car il le faudra bien, sur un compromis qu’ils auraient refusé au départ. En fait, la faiblesse des syndicats, en France, s’explique en grande partie par le poids de l’Etat, qui intervient beaucoup et qui laisse peu de place à la négociation, et donc aux interlocuteurs sociaux que sont les syndicats et le patronat.
Or, ce poids de l’Etat, depuis un an, tend encore à se renforcer au détriment des ce que l’on appelle parfois les « corps intermédiaires », qu’il s’agisse des syndicats, du patronat, voire même des collectivités territoriales, mairies et régions. D’où une bronca qui va bien au-delà du cas de la SNCF. De ce point de vue, la grève des magistrats et des avocats est emblématique. Il s’agit là d’un problème de méthode : les hommes politiques, en France, ne savent pas suffisamment s’appuyer sur les structurées représentatives. Les Français savent bien que des changements sont indispensables ; mais ils réagissent négativement quand ces changements les touchent directement et, surtout, quand on ne leur a pas demandé leur avis dans des formes convenables.

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