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Sexualités perturbées  : un quart des 18-25 ans qui regardent du porno en sont dépendants
©Ethan Miller / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Alerte branlette (pas intellectuelle)

Un documentaire de la BBC intitulé "Porn Laid Bare" avance la conclusion inquiétant qu'un quart des consommateurs de contenus pornographiques seraient dépendants à ces derniers.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : "Porn Laid Bare", un documentaire de la BBC, revient sur le monde de la pornographie et tire un constat inquiétant de l'influence du porno sur la sexualité des jeunes. Ce documentaire de la BBC affirme notamment qu'un quart des gens regardant du porno y seraient dépendants. Comment fonctionne cette addiction à la pornographie ? Est-ce réellement une nouveauté?

Michelle Boiron : On peut effectivement parler de nouvelles addictions concernant la pornographie. De quoi s'agit'il? Traditionnellement, l'addiction suppose une dépendance vis à vis d'un produit, plutôt que d'une activité . Le développement d'Internet, la création d'univers virtuels extrêmement sophistiqués et prégnants, l'hypersexualustion de la société, ont créés des addictions comportementales dont la pornographie est la plus toxique. La société a mis du temps à valider ce phénomène d'addiction sans produit. En matière d'addiction sans drogue se pose la question de la frontière entre le normal et le pathologique. Le processus est insidieux, il a pour conséquences de retarder le moment où le caractère pathologique de l'excès est reconnu et admis par le sujet. Le sujet reste longtemps dans le déni de l'addiction. Il pense être Libre d'arrêter quand il veut. Helas et c'eT tres préoccupant  nos jeunes sont aujourd'hui confrontés de plus en plus tôt et donc initiés à la sexualité par le visionnage de films pornographiques. On est bien loin de l'initiation et des rituels qui permettaient aux adolescents de découvrir les plaisirs de la chair par le flirt et la découverte de la sexualité progressive. Ils sont exposés à des scènes sexuelles virtuelles qui les effractent y et qui laissent dans leur cerveau des traces indélébiles d'une excitation abyssale qu'ils chercheront à reproduire dans la vraie vie. L'illusion d'atteindre le nirvâna confère à un produit la toute puissance de créer de la jouissance. L'objet est un leurre fut il incarné par un être en chair. Cela va pourtant inaugurer un type de fonctionnement inconscient pour tout un chacun. Certains êtres fragiles dont les enfants risquent, et c'est tout l'enjeu aujourd'hui de la prévention, d'y être entraînés de manières insidieuses. Ce qui au début constitue pour eux un soulagement à la souffrance, à l'angoisse va par le plaisir, l'excitation qu'il en re"tire" glisser vers une répétition incontrôlable. Insidieusement la dépendance s'inscrit. Pris dans un processus de fuite la maladie addictives va jusqu'à occulter les causes, le sens profond de la conduite agit. Avant on parlait de rencontre fortuite avec le produit aujourd'hui c'est plutôt une incitation via les réseaux dont les jeunes sont victimes! La banalisation du visionnage de films pornos est la responsabilité de la société. "Tout le Monde en regarde" est la phrase qui revient le plus souvent y compris des jeunes femmes qui n'y voient pas d'inconvénient jusqu'au jour où elles tombent sur le contenu visionné.... Il est urgent de prévenir des risques encourus pour tout le monde de 7 à 77 ans. L'addiction au porno  peut intervenir à n'importe quel âge de la vie d'un homme. Il n'y a pas de vaccin contre cette épidémie... 

Comment se traduit cette addiction à la pornographie, notamment les films plus explicites, sur la sexualité des jeunes ?             

La sexualité des jeunes aujourd'hui est de toutes façons exposée aux problèmes de performances avec ou sans visionnage de films pornos. Le Monde virtuel par Internet via la pornographie ne traduit pas à lui seul la crise profonde des représentations du sexe, mais il touche à l'image de soi et modifie le sens de l'acte sexuel et sa finalité qui touche à l'existence même de l'individu. Le sexe nécessite une relation fluide, source de dynamisme, d'inventivité pour ne pas dévier sa trajectoire et rater son envol. Ce voyage via Internet, s'il n'est qu'une escale  pour initier le profane (adulte) du sexe ne peut être qu'un support biaisé de la réalité de la sexualité en chair et en os. Cette exposition précoce entraîne chez certains un évitement du sexe car ils ne se sentent pas à la hauteur et leur estime d'eux est mise à mal. D'autres plus kamikazes vont tenter de singe les codes des films pornos... Rappelons que le porno n'agit que sur l'excitation et que cette excitation virtuelle ne peut trouver son pareil dans la rencontre avec l'autre. Helas parmi les curieux, la machine à créer du besoin va "choper" ceux qui ont la difficulté de s'investir dans une relation à l'autre, ont une faible estimé d'eux et les conduire plus ou moins rapidement dans une dépendance. Cela va créer automatiquement un isolement et un comportement passif face aux sexes. 

Observez-vous ces changements sur la sexualité des jeunes ? Comment peut-on "traiter" cette addiction ?                                       

On peut surtout éviter à nos jeunes l'exposition précoce de films pornos en informant . On ne peut pas accepter d'entendre le témoignage suivant: "Madame, Tous les jeunes regardent du porno filles comme garçons" me confiera une jeune ado de 13 ans en classe de 4ème dans un très chic collège parisien. Même jeune fille qui développait en parallèle un dégoût du sexe. Elle ne rêvait que d'un amour romantique. On voit bien la dichotomie entre une exposition précoce effracrante dans le virtuel du sexe cru et du coup la représentation erronée de son Corps qu'elle ne peut /veut apprivoiser eu égard à ce qu'elle a pu en voir... De tout temps le rapport sexuel à fait l'objet d'une question, lorsqu'il ne fait pas l'objet d'un interdit. Aujourd'hui les tabous sont dépassés, la sexualité est partout. Alors comment sans paraître ringard ou moralisateur éduquer les comportements sexuels des jeunes? La liberté a entraîné un certains nombre d'excès. L'homme tend à jouir d'avantage de la quantité que de la qualité et cette quête du toujours plus de plaisir l'entraîne vers des désordres sexuels, comme en témoignent aujourd'hui l'addiction au sexe. On voit bien comment l'excès, ici comme ailleurs, renvoie l'être humain dans son "état de nature" et combien cette liberté est inséparable d'une pédagogie, sinon d'une morale! On ne peut jouir sans ériger des barrières symboliques codées. Pour terminer je dirai qu'il faut étudier le systeme de valeurs et de croyances de notre société pour accéder à la compréhension des comportements  sexuels actuels . Alors nous avons du travail pour redresser la barre. Il n'est pas question de diaboliser le sexe ni de prôner l'angélisme , il est question d'arrêter un fléau pour notre santé sexuelle à tous. 

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