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Seul en piste à gauche pour 2017 après un an de fiascos, François Hollande est-il le plus grand génie de la manoeuvre politique ou le plus mauvais président français de tous les temps (ou un peu des deux) ?
©POOL New / Reuters

C’est ton destin

Au plus bas dans les sondages après plus d'un an d'échecs politiques, François Hollande n'en reste pas moins le candidat le plus crédible pour la gauche en vue de 2017. Entre échec patent de son quinquennat et habileté politicienne en coulisses, les explications à cet étrange constat ne manquent pas.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus est un journaliste politique français. Spécialiste des questions de l'Elysée et du Gouvernement pour i-Télé, il a déjà publié divers ouvrages dont Tir à vue: La folle histoire des présidentielles, avec Frédérique Bredin, aux édtions Fayard, 2011 (disponible ici). 

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Atlantico : Alors que la gestion des attentats de janvier 2015 avait créé un élan favorable et conféré à François Hollande une stature présidentielle, ce dernier semble avoir dilapidé tout ce capital politique en quelques mois (baisse de 10 points dans l'indice de satisfaction IFOP, entre novembre 2015 et mars 2016). Quelles sont les principales raisons de cet effondrement ?

Jean Garrigues : Le capital politique dont vous parlez était en trompe-l’œil. C'était l'expression d'un moment particulier d'unité nationale ; et de manière assez naturelle, on se rassemblait derrière celui qui incarne l'unité nationale, à savoir le Président de la République. Mécaniquement, il était logique que la cote de popularité de François Hollande se redresse, d'autant plus que sa gestion des événements avait été à la hauteur de sa fonction. La plupart des observateurs avaient considéré qu'il s'était présidentialisé à travers les événements dramatiques qu'il avait bien gérés. Une fois dit cela, qu'est-ce qui explique l'érosion ?

En premier lieu, après ce redressement, nous sommes revenus à une image plus quotidienne du Président normal. Les effets de l'unité nationale se sont estompés.

Deuxièmement, l'enjeu majeur pour les Français (et tous les sondages le montrent depuis des années) est la lutte contre le chômage, or c'est un échec pour François Hollande. Il en a fait lui-même son objectif numéro un et la condition de sa réélection. Les Français estiment que sur ce terrain, ce n'est pas une réussite. Nous voyons bien à quel point la résorption du chômage est fragile. C'est une raison fondamentale de l'érosion de sa cote de popularité.

La troisième explication concerne la gestion de la question sociale ou des enjeux socio-économiques. Il y a une césure, une rupture, qui s'est produite entre François Hollande et une partie de l'électorat de gauche. Que cet électorat se porte aujourd'hui vers le Front de Gauche ou vers les frondeurs comme le font une partie des militants socialistes, il y a là une perte électorale dans une partie de la gauche qui considère que le Président n'applique plus une politique de gauche, mais une politique de gestion libérale de la crise.

Une quatrième raison est à chercher du côté de la gestion de la question de la déchéance de nationalité depuis quatre mois. Cette question, qui a aliéné encore un peu plus à François Hollande le soutien d'une partie de la gauche (qui a condamné pour des raisons morales, éthiques et culturelles cette idée jugée non conforme à la tradition de la gauche), n'a fait que conforter ceux qui s'étaient déjà séparés de lui sur les questions économiques et sociales. Cela a renforcé le fossé : on a ainsi vu que le bloc des députés de gauche hostiles au projet initial allait plus loin que le simple périmètre des frondeurs...

Enfin, au-delà de l'électorat de gauche, il y a une impression de manipulation, d'impréparation et de politique politicienne. C'est nuisible à l'image de chef d'Etat que François Hollande avait essayé de regagner. C'est le cumul de tous ces éléments qui explique la baisse de popularité de Hollande dans l'opinion publique.

Jean-Jérôme Bertolus : A chaque attentat, le chef de l'Etat a trouvé la bonne réponse. En janvier, il a su toucher le cœur des Français en invitant le monde à Paris. Cette réponse, comme la manifestation de 4 millions de Français dans la rue, même si elle était un peu instrumentalisée en sous-main par Jean-Christophe Cambadélis, était totalement calée avec l'état d'esprit des Français, pour qui ces attentats étaient isolés et touchaient le cœur de ce que pouvait être la France : la caricature, le dessin, mais aussi la communauté juive, d'autant plus qu'après les attentats de Mohamed Merah, les Français ne s'étaient pas mobilisés de la même manière. La deuxième séquence d'attentats a été un massacre atroce. L'état d'esprit des Français a changé : peur, stupéfaction, récrimination, etc. La réponse a évidemment été sécuritaire. Dans les deux cas, François Hollande a trouvé la réponse adaptée en tant que chef de l'Etat père de la nation. Donc, il grimpe.

Le premier problème, c'est qu'il n'a pas réussi à conserver ce tête-à-tête avec les Français. Dans la gestion des attentats, il y a eu des ratés, des interrogations légitimes sur ceux de novembre (le pouvoir a-t-il fait ce qu'il fallait pour les éviter ?). Il y a eu des lois, mais pas de réforme des services de renseignements, or on sait qu'il y a des problèmes de structures dans ces services. Il y a eu d'autres ratés pointés par les victimes des attentats de novembre mais aussi les familles des victimes des attentats de janvier (identification des corps, semaine d'hommage aux victimes de janvier assez déconnectée des Français, couac de la plaque Wolinski, etc.). Un chef d'Etat s'incarne dans le verbe et dans l'action immédiate, mais les Français sont désormais bombardés d'infos, et il faut que cela suive ! Or, à un moment ça ne suit plus, il y a eu une forme d'amateurisme. Sur les attentats, François Hollande a politiquement fait ce qu'il fallait, mais cela n'a pas toujours été accompagné au plus haut niveau de l'Etat.

Le deuxième souci, c'est qu'il y a eu un retour beaucoup trop rapide du politique et du jeu politicien.Cela se voit avec la révision constitutionnelle, qui est venue après un bilan extrêmement maigre en matière d'évolution des institutions, de modernisation de la Ve République, de promesses adressées en 2012, etc. Il choisit un moment qui lui semble propice pour réformer la Constitution. Les Français, d'une façon peut-être pas légitime mais au moins compréhensible, demandent plus de répression (ils disent oui à 90% à la déchéance de nationalité). Mais comment ne voit-il pas qu'il va déchirer sa propre majorité et une partie des Français ? Il y a eu une certaine précipitation. Avait-on véritablement besoin d'une révision constitutionnelle sur ces deux articles ? L'exécutif a eu du mal à convaincre la classe politique et les Français. Cela a été le retour du jeu politique. Nous avons eu un chef d'Etat qui prend vite des mesures, va au Bataclan, décrète l'état d'urgence... Il incarnait jusque dans son visage la dureté de ce que vivait la France. Lorsqu'il annonce à Versailles cette mesure, tous les parlementaires l'acclament alors qu'une bonne partie d'entre eux ne comprenaient pas ce qu'il venait de dire.

Il s'engage alors dans des discussions abracadabrantesques. Or, les Français intériorisent les attentats, mais ils doivent bien continuer à vivre ! Ils vivent au quotidien, ils ne passent pas d'un ministère à un autre en voiture avec chauffeur. Il leur faut un appartement, un travail, etc. Je ne sais pas si on est en guerre, mais au quotidien les Français ne le sont pas. François Hollande décroche donc car la séquence d'hommage a duré trop longtemps. La semaine d'hommage de janvier 2016 était très institutionnelle et très déconnectée. Il n'y avait plus de Français qui entouraient l'exécutif. Un mois après les attentats de novembre, lorsque les parlementaires revenaient dans leur circonscription, les Français leur demandaient où nous en étions en matière d'emploi... Les parlementaires ont vite compris que la volonté de François Hollande de protéger les Français ne pouvait pas résumer à elle seule son action.

La troisième explication à ce décrochage est à chercher du côté du remaniement. Depuis le début du quinquennat, nous avons à chaque fois la promesse d'un nouvel élan (économique, social, politique, etc.), et il y a toujours un moment où l'on se dit "tout ça pour ça". Ce remaniement a été la démonstration un peu brutale que c'est vrai, qu'il y a un prisme politique de la part du chef de l'Etat (mais pas que de lui) qui est assez daté. C'est sûrement important pour le chef de l'Etat d'avoir trois radicaux de gauche, des écologistes, etc. Mais quand c'est cela qui domine et qui apparaît comme un nouvel élan politique... Les Français ne sont pas dupes.

Après ses années passées à la tête du PS, François Hollande est perçu par beaucoup comme un fin tacticien de la politique. Peut-on considérer que les actions menées au cours de ces derniers mois ont un sens politique, ayant pour objectif d'écarter toute concurrence à gauche, avant de s'attaquer à l'opinion, ou s'agit-il d'un fantasme journalistique masquant une perte de contrôle du Président sur le cours des événements ? 

Jean Garrigues : Je pense que c'est un vrai choix politique, une vraie inflexion qui dépasse même le calcul électoral pour 2017. En tout cas, c'est au minimum un choix politique délibéré en vue de cette élection présidentielle. L'analyse qui me semble avoir été faite par François Hollande et Manuel Valls est celle d'un divorce consommé avec une partie de la gauche. Ce divorce est aussi l'expression d'un choix politique fort : celui d'une inflexion social-libérale, entamée dès 2014 avec le CICE et la nomination de Valls à Matignon. Ce choix comportait des risques politiques. Il semblerait que ce choix était assumé par François Hollande. L'erreur stratégique a peut-être été de minimiser l'impact, le désaccord et le traumatisme que ce tournant allait susciter chez une partie de la gauche, et ce pour des raisons très diverses. En s'appuyant sur son expérience d'homme de synthèse et en fondant cette stratégie sur son habileté manœuvrière, François Hollande a sous-estimé l'impact que cette inflexion aurait sur l'homogénéité du PS.

Il a quand même verrouillé son parti au congrès de Poitiers en s'appuyant sur Jean-Christophe Cambadélis, mais ce verrouillage n'a été que la confirmation de son inflexion social-libérale. La logique électorale, c'est d'aller ensuite chercher un électorat beaucoup plus susceptible d'abandonner les vieilles traditions de l'Etat-providence et du socialisme orthodoxe.Ce faisant, il y a un calcul politique qui n'est pas forcément maladroit de sa part puisque les enquêtes d'opinion montrent qu'une grande partie de l'électorat de gauche s'est de plus en plus convertie aux valeurs de l'entreprise, à la relance par l'offre et non par la demande, à la sécurité, à l'ordre républicain... Il y a un recentrage de cet électorat, et François Hollande veut l'accompagner, tout en essayant de séduire également un électorat centriste.

On peut rappeler par ailleurs que François Mitterrand lui-même, pour sa réélection en 1988, avait opéré ce recentrage après la cohabitation avec Jacques Chirac. La campagne de 1988 était beaucoup plus recentrée que celle de 1981. Il est allé chercher un Premier ministre d'ouverture, Michel Rocard, il a pris dans son Gouvernement des ministres centristes, etc. Il y a donc une certaine continuité dans la trajectoire de François Hollande, élu à gauche et qui essaye de se faire réélire au centre. François Hollande est toujours très vigilant et soucieux d'imiter le modèle mitterrandien. Cela fait sans doute partie des motivations de sa stratégie.

Jean-Jérôme Bertolus : Je pense que François Hollande est sincère. Il a clairement en tête l'idée d'établir un pont entre la social-démocratie et un courant qui n'existe pas vraiment. Ce n'est pas du blairisme, disons que c'est un parti moderniste. Un parti ayant complètement adopté les thèses économiques libérales, matinées d'équité sociale. Je pense vraiment que François Hollande représente les trans-courants. C'est un deloriste. Jacques Delors représentait un courant qui ne s'ancrait pas vraiment dans l'histoire de la gauche. François Hollande, c'est aussi cela. Tout au long de ses conférences de presse, il est passé de socialiste à social-démocrate, etc. Tous les termes y sont passés. On ne sait plus très bien ce que l'on a en face de nous, mais lui le sait clairement ! Il veut moderniser et il croit à ses actions menées. Mais comme c'est un politique jusqu'au bout des ongles pour le meilleur et pour le pire, il y a toujours une stratégie en arrière-plan. Clairement, à chaque fois, il a la volonté de tendre des appâts à une partie de la droite, soit pour la diviser soit pour s'attirer des soutiens en vue de 2017.

Au regard des échecs qu'il a connus récemment (abandon de la réforme constitutionnelle et de la déchéance de nationalité, nouvelle hausse des chiffres du chômage, loi El Khomri très contestée...), dans quelle mesure cette stratégie politicienne s'est-elle retournée contre lui ?

Jean-Jérôme Bertolus : Il y a des interrogations autour de lui. Tout d'abord, il y a cette stratégie mise en place, mais elle n'est pas complètement appliquée ! François Bayrou appelle à voter François Hollande en 2012, mais le PS lui colle quelqu'un dans sa circonscription.. Il se passe exactement la même chose sur l'emploi. Au lendemain des régionales, quand il y a cette émotion sur le score du FN, la question de l'emploi est immédiatement soulignée par le biais des régions, mais il éconduit Jean-Pierre Raffarin, un personnage qui compte tout de même à droite.

François Hollande s'est arrêté au milieu du gué. Soit c'est de la politique et nous avons alors un mouvement de recomposition qui peut être historique et qui produit des effets, soit cela ne produit aucun effet, et cela revient donc à de la politique politicienne. J'entends par là des petits calculs à très court terme permettant d’engranger des soutiens, de surfer sur l'émotion d'un résultat électoral, etc. Forcément, cela se retourne contre son auteur.

La déchéance de nationalité est un cas d'école. La France n'est peut-être pas mûre pour cela. François Hollande reçoit d'abord tous les partis, donc il veut l'union nationale, mais c'est clair qu'il veut tirer le tapis sous les pieds de Nicolas Sarkozy... Ce dernier réagit lui-même assez bien aux attentats de novembre : il est martial et répond à l'interrogation latente des Français sur les mesures prises par les autorités pour les protéger. Il y a clairement l'ambition d'entraver la stratégie de Nicolas Sarkozy, qui semble engranger sur ces attentats. Or, on ne peut pas décider en 48 heures d'écorner un concept aussi majeur que le droit du sol. J'entends bien Manuel Valls qui disait encore ce jeudi que nous n'avions pas des Français en face de nous, mais des terroristes, mais ce n'est pas le cas. En instaurant la déchéance de nationalité, on remet en cause un principe pour lequel la gauche s'est battue pendant des décennies. C'est une question absolument fondamentale, surtout dans un moment où la nation est un peu tourneboulée.

Pour conclure, il y a toujours un tiroir et un calcul dans la pensée de François Hollande, et il y a effectivement un moment où le calcul se retourne contre son auteur.

Malgré ces échecs, François Hollande arrive toujours à retomber sur ses pattes et à apparaître comme le seul candidat crédible à gauche. Est-ce qu'on ne peut pas au moins lui accorder cette qualité "machiavélique" de bien manœuvrer dans son propre camp en vue de 2017 ?

Jean Garrigues :Cela me paraît évident. Il y a eu chez lui cette capacité à avoir perçu l'évolution de l'électorat de gauche. Cela s'inscrivait dans l'histoire de François Hollande. A l'origine, c'était un deloriste, partisan d'une gauche pragmatique qui accepte les lois du marché. Ce qui a été à contre-courant, c'était le discours du Bourget de 2012 ! En réalité, ce tournant social-libéral n'est que le prolongement de son parcours au sein de la gauche.

Deuxièmement, qu'on le veuille ou non, il a imposé ce tournant social-libéral à son parti. Le bras de fer du congrès de Poitiers a tourné à son avantage (la motion des frondeurs a fini loin derrière), les éléphants du parti qui auraient pu lui faire de l'ombre (Arnaud Montebourg, Martine Aubry, etc.) sont neutralisés, pour des raisons différentes. Les deux seuls qui pourraient aujourd'hui, par leur notoriété, rivaliser avec lui, Manuel Valls et Emmanuel Macron, ont lié leur destin politique à François Hollande jusqu'en 2017. Il serait difficile pour l'un ou l'autre de se séparer de lui d'ici l'élection présidentielle, sauf événement spectaculaire ou renoncement du Président.

Il y a eu cette capacité à verrouiller l'offre politique à gauche. Le paradoxe est que le Président le plus impopulaire de la Ve République (rejeté par 85% des Français) a de grandes chances d'être le candidat de son camp politique, et donc d'être potentiellement le concurrent de Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle ! C'est quand même un tour de force politique...

Jean-Jérôme Bertolus : On peut effectivement voir les choses comme ça. C'est le seul candidat crédible de la gauche gouvernementale, cette gauche qui va jusqu'à Jean-Luc Mélenchon, ce dernier non compris. Mais en politique, il faut une dynamique. Or, s'il est le seul candidat crédible, c'est parce que la gauche est un cimetière, un champ de ruines. Les candidats ont été poussés à se saborder eux-mêmes, telle la génération des jeunes quinquas (Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, etc.). François Hollande n'est pas le seul responsable. Il y a des mécaniques, et notamment celle des primaires (Montebourg a toujours été obsédé jusqu'au fétichisme par ses 17% en 2012). Ce qui est vrai, c'est qu'il a marginalisé Cécile Duflot, fait exploser EELV, fait de l'écologie un enjeu souvent mis en avant avec un certain nombre d'avancées (COP21), mais aussi des reculs, ce qui a conduit à un certain flou autour de l'écologie. On ne sait plus très bien si c'est un enjeu important ou pas.

Hollande est donc bien le seul candidat crédible, et c'est important pour 2017, mais cela ne crée pas de dynamique autour d'un potentiel candidat.

Est-il encore possible d'envisager une réélection de François Hollande en 2017 ? L'élection présidentielle ne reposera-t-elle pas moins sur des mouvements politiques profonds que sur l'émergence de grands événements (nouvelle crise économique, attentats, durcissement de la crise migratoire, etc.), qui laisseraient entrevoir une issue favorable pour François Hollande ?

Jean-Jérôme Bertolus : Je ne pense pas. Si François Hollande a une chance, c'est parce qu'une élection présidentielle, c'est d'abord des couplets de l'histoire politique immédiate qui la précèdent. C'est une scénographie si particulière que ce n'est pas tant le bilan qui compte, mais la campagne elle-même. On l'a vu avec Lionel Jospin et Valéry Giscard d'Estaing. Toutes les grandes bêtes politiques le savent. Une campagne, c'est une campagne. La nuance à apporter ici, c'est que si François Hollande est réélu, jamais on n'aura eu un président aussi faible dans les sondages réélu...

Il y a quand même des mouvements sociologiques de fond, qui se cristallisent dans l'élection présidentielle. Il y a un moment où la France est traversée sociologiquement par des interrogations qui la font pencher dans tel ou tel sens. Aujourd'hui, les mouvements sociologiques sont plutôt du côté de la droite que de la gauche. La droite est pratiquement comme en 1978. On disait en 1981 que la gauche avait gagné culturellement. Aujourd'hui, c'est la droite qui a gagné culturellement, avant d'être au pouvoir.

Pour ce qui est des événements, il y en a toujours eu. La tuerie de Nanterre est un événement-clé de la campagne de 2002. Jacques Chirac avait rebondit alors sur une phrase malheureuse de Lionel Jospin qui n'assumait pas. Par ses réseaux, il arrive sur le terrain avant même Daniel Vaillant, ministre de la Justice de l'époque, et fait de cette tuerie une polémique... Lors d'une campagne, les candidats sont sur des chevaux au galop et doivent savoir surmonter les obstacles, qui surviennent toujours. Cela peut être une aggravation de la crise des migrants, un nouvel attentat, etc. En 2007, nous avions eu les attaques de Mohamed Merah. Or, il ne s'était rien passé : ni François Hollande ni Nicolas Sarkozy n'en avaient tiré des bénéfices électoraux. Mais tout au long des présidentielles, il y a eu des événements majeurs qui ont produit des effets, en étant utilisés à bon ou à mauvais escient.

Jean Garrigues : Le premier point qui semble acquis, c'est que Marine Le Pen sera présente au second tour car elle dispose d'une sorte de stabilité électorale avec ce bloc des mécontents sur lequel elle peut compter. Elle est la seule des trois grandes forces politiques à ne pas connaître de turbulences et à ne pas être soumise aux aléas de la conjoncture politique.A priori, le pari de Hollande n'est pas tenable si Alain Juppé remporte la primaire de la droite, car ce dernier occupera le champ centriste dont François Hollande aurait besoin pour être au second tour. Il y a toute une partie de l'électorat de gauche qui ne votera pas pour François Hollande. Il doit donc aller vers le centre, vers un électorat hésitant. C'est pour l'instant un pari difficile à jouer. C'est la raison pour laquelle son meilleur allié objectif est Nicolas Sarkozy. Une candidature de ce dernier infléchirait à droite le positionnement de l'adversaire de François Hollande et libérerait ainsi un espace au centre pour lui... si tant est que François Bayrou ne soit pas candidat. Or ce dernier a déclaré qu'il serait candidat si Alain Juppé ne remportait pas la primaire des Républicains ! C'est donc un contexte visiblement difficile pour Hollande.

Sans des événements extérieurs à la vie politique, comme une recrudescence du terrorisme qui stimulerait à nouveau le sentiment d'unité nationale, on ne voit pas très bien comment François Hollande ou même les candidats de substitution tels que Manuel Valls ou Emmanuel Macron pourraient tirer leur épingle du jeu (même si Macron a une image de renouveau politique qui changerait la donne). Pour le reste, si les choses restent plus ou moins stables, nous aurions alors un affrontement François Hollande - Alain Juppé - Marine Le Pen, avec un second tour Alain Juppé - Marine Le Pen... Si c'est Nicolas Sarkozy, on aura une fragmentation de l'espace politique, avec une candidature de Bayrou et peut-être d'autres figures centristes, ce qui rendrait une réélection très compliquée pour François Hollande.

Propos recueillis par Benjamin Jeanjean

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