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Saddam et ses drôles de dames
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Femme de dictateur

Les hommes réputés autoritaires ou charismatiques ne sont pas, face aux femmes, toujours tels qu'on les imagine ou qu'ils veulent le faire croire, et leur vie privée, tournant souvent au secret d'État, recèle bien des mystères et des surprises. Extraits de "Femmes de dictateur : Volume 2" de Diane Ducret (2/2).

Diane Ducret

Diane Ducret

Diane Ducret est une journaliste, philosophe et historienne.

Elle collabore à la rédaction de documentaires historiques pour la télévision et est aussi chroniqueuse occasionnelle sur Europe1 dans l'émission de Laurent Ruquier, On va s'gêner. Son premier livre, Femmes de dictateur, est paru en 2011 aux éditions Perrin.

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«Vous êtes toujours dans mon cœur. J’écoute votre belle voix, et c’est comme si vous étiez avec moi. Je vois vos yeux et votre sourire, et c’est comme si vous me regardiez et me souriiez [...]. Il ne se passe pas un jour sans que je pense à vous, le matin en me réveillant, et le soir en me couchant. C’est à vous que je dois mon succès, car vous avez parlé de l’importance, pour nous les élevés, de bien étudier. Et cette année j’ai été élue la meilleure élève de ma classe[1]. »

La jeune lycéenne Ashti Marben écrit au nouveau président son amour et sa dévotion. Comme beaucoup d’Irakiennes, elle découvre le visage du nouvel homme fort devant son poste de télévision, en ce 16 juillet. Les femmes du pays, groupées devant les images en noir et blanc, commentent vivement la qualité des habits sur mesure de Saddam. Cet homme aux « yeux si brillants, qui affrontait avec le sourire les grandes puissances du monde pour reconquérir notre richesse, conquit immédiatement mon cœur », note Ashti.

La séduction du rais ne laisse pas indemnes les jeunes téléspectatrices qui suivent ses apparitions avec plus d’ardeur qu’une telenovela. Il apparait quotidiennement sur les écrans, parlant d’une voix « lente et impassible, mélodieuse[2] ».

L’élan politique se mêle alors au désir amoureux. « Parmi mes préférés, il y avait Fidel Castro, parce qu’il était modeste et traversait son pays en jeep en parlant aux gens simples », juge Ashti, se lançant dans une comparaison du potentiel de séduction des hommes les plus puissants de la planète. « J’aimais aussi le chancelier allemand Willy Brandt, et le président français Valery Giscard d’Estaing, qui avait gagné l’élection présidentielle, ce qui ne m’avait pas surprise du tout, puisqu’il était beaucoup plus élégant que son adversaire. Toutefois, mon préféré dans l’absolu était notre président, Saddam Hussein, qui dépassait de très loin tous les hommes d’Etat, surtout en ce qui concernait l’élégance et le charme. »

Le pouvoir de Saddam est une arme de séduction massive. Peut-être son attrait réside-t-il dans son regard : « Un animal de proie ! Il a les yeux les plus beaux du monde. Ils sont doux comme de la soie », s’extasie encore la groupie du rais. Une autre jeune femme, Selma Mushin, épouse d’un homme politique et humaniste irakien ayant connu Saddam dans sa période d’exil égyptien, va elle aussi se confronter aux « yeux revolver » du président : « Souriant, ses yeux contrastaient avec son uniforme. Il riait avec tout le monde, mais ne me quittait pas du regard. “Il ne peut être mauvais”, me suis-je dit. On se sentait pourtant vulnérable sous son regard[3]. »

Les hommes sont eux aussi les victimes par ricochet de ce regard insoutenable qui vous perce à jour. « On ne pouvait le fixer dans les yeux. Ils étaient très beaux, féminins, mais quelque chose de fascinant en eux les rendait presque effrayants, même lorsqu’il souriait[4] », nous confie l’architecte Fawzi Chalhoub.

Plus encore que ses yeux, l’ensemble de son visage est bientôt dote de mille qualités : « Le soleil brillait sur le président [...]. Je fus soudain si fascine par ses oreilles que je n’entendais plus ce dont il parlait. A la lumière du soleil, ses lobes devenaient transparents, comme façonnés dans de la cire grise », explique son chirurgien Ala Bashir. C’est que Saddam travaille son apparence.

Alors que le poivre-et-sel menace le crane présidentiel, le médecin personnel du rais esquisse une solution bien imprudente, conseillant de raser moustache et favoris. « Saddam me dévisagea [...]. J’aurais mieux fait de me taire, je savais pourtant bien qu’il se teignait les cheveux et la moustache. »

Mais peut-être faut-il voir dans son sens aigu de la mode, ses 400 ceintures, ses chaussures en cuir si étroites qu’elles lui provoquent des cors aux pieds devant être régulièrement opérés, l’origine réelle de sa séduction. Il éblouit même les personnalités les plus aguerries. Jean-Marie Le Pen est sous le charme de ce « de Gaulle » arabe : « Chaque fois que je l’ai vu, il était toujours très chic, en costume de lin bleu aussi doux que de la soie, avec une cravate parfaitement assortie. Il était toujours très classe, n’est-ce pas, et d’une politesse très raffinée[5]. » Sa garde-robe, inépuisable autant que son pétrole, fait naitre des « accusations de dandysme ». Son tailleur personnel, d’origine arménienne, Sarkis Sarkis, s’occupe de faire venir les modèles les plus élaborés des grandes capitales européennes.

Saddam a surtout ses propres méthodes pour mener les femmes et les satisfaire. Un précepte qu’il érige presque au rang de philosophie : "Les femmes adorent avoir plus que ce dont elles ont besoin. On le voit tous les jours au marché. Elles ne sont jamais satisfaites de ce qu’elles ont trouvé. C’est quelque chose d’inne chez elles. Qu’elles soient bêtes ou intelligentes, qu’elles viennent de la campagne ou de Bagdad ne change rien. Et ça ne sert à rien d’essayer de les faire changer[6]. "

La conclusion de cette séduction nous est donnée par une boutade d’un ami proche : « Même sa sœur tomberait amoureuse de lui ! »

Saddam s’offre sous le meilleur jour, et son charme traverse les frontières. "Il adorait l’entourage féminin ! Un soir de la fin de l’année 1979, son directeur de cabinet m’appela dans la nuit, me disant qu’ils organisaient une soirée. Un chauffeur me mène au palais, et je trouve sept superbes filles, des Brésiliennes. Une d’elles avait envoyé une lettre au président lui disant qu’elle aimait beaucoup ce qu’il faisait en Irak, et qu’elle souhaitait le rencontrer. Alors Saddam avait invité toutes ses amies, et s’était occupé de leur prévoir des visites touristiques", nous raconte encore Fawzi Chalhoub.

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Extraits de Femmes de dictateur : Volume 2, Librairie Académique Perrin (23 février 2012)



[1] Ashti Marben, Im Schatten des Diktators : mein Leben im Irak, Berlin, Ullstein, 2003.

[2] Said Aburish, Le Vrai Saddam Hussein, Paris, Saint-Simon, 2003.

[3] Entretien avec l’auteur. Pour aller plus loin : Michelle McDonald, Le Baiser de Saddam, Paris, Balland, 2010.

[4] Entretien avec l’auteur.

[5] Entretien avec l’auteur.

[6] Propos de Saddam a Ala Bashir, entretien avec l’auteur.

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