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Russie : la tentation de l'alliance islamique
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"Terre natale gardée par Dieu"

Le Kremlin va-t-il jouer la carte des pays de l'islam et s'éloigner de l'Occident ? Le journaliste et historien français Alexandre Adler et l'ancien diplomate au Kremlin Vladimir Fédorovski expliquent ce tropisme russe vers l'islamisme. Extraits de "L'islamisme va-t-il gagner?" (2/2)

Alexandre Adler et Vladimir Fédorovski

Alexandre Adler et Vladimir Fédorovski

Alexandre Adler est, entre autres, éditorialiste au Figaro et à Europe 1. Il est spécialiste des questions de géopolitique internationale contemporaine

Vladimir Fédorovski est porte-parole du Mouvement des réformes démocratiques en Russie lors des grands bouleversements à l'Est et auteur de plusieurs best-sellers internationaux. Il est aujourd'hui l'écrivain d'origine russe le plus édité en France.

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Enjeux et stratégies

Alexandre Adler – Les conséquences d’un départ des Occidentaux d’Afghanistan, nous les avons déjà vécues avec celui des Russes : l’anarchie et la montée d’un islamisme armé.

Vladimir Fédorovski – Un effet de dominos : le retour des talibans et la déstabilisation via le Pakistan, qui menace directement les Russes dans la mesure où elle pourrait s’étendre à toute l’Asie centrale. D’autant que cette zone est contrôlée par des dirigeants très âgés, surtout en Ouzbékistan, alors même que la moitié de la population jeune y est au chômage et que les sympathies pour l’islamisme y sont de plus en plus évidentes.

On peut donc voir surgir une série de percées islamiques de l’Asie centrale jusqu’au Caucase où la situation de la Tchétchénie entraîne déjà de grandes difficultés pour les Russes. Tout cela pouvant s’achever dans une grande pagaille qui se ressentirait jusqu’au Maghreb, avec des répercussions incalculables.

Le déclic peut être donné par des frappes israélo-américaines en Iran, étant entendu que les Russes, en cas de grande coalition antioccidentale, tâcheront selon leur habitude d’utiliser leur capacité de nuisance – cette fois contre l’Occident –, pendant que les Occidentaux commettront une nouvelle fois l’erreur d’utiliser les islamistes contre la Russie. Chacun peut être tenté d’agir ainsi, avec un résultat très contre-productif, tant pour les uns que pour les autres. L’autre terme de l’alternative serait plutôt l’alliance de l’Occident et de la Russie face à la montée islamiste, offerte par Poutine à Bush le 11 septembre 2001 : « Nous sommes tous dans la même barque. » Mais elle est désormais lettre morte.

A. A. – Peut-on raisonnablement attendre un revirement de sa part ?

V. F. – Son premier objectif a été de faire en sorte que la Russie retrouve sa place sur l’échiquier international et qu’elle coopère avec l’Occident, notamment à travers une forme de troc du gaz et du pétrole contre de la technologie.

En la matière, l’Allemagne est aujourd’hui en bonne position.

Cette logique a prévalu depuis son accession au pouvoir jusqu’à la période récente, mais Poutine s’est depuis considérablement raidi. Son raisonnement actuel est le suivant : nous nous sommes efforcés de prendre en compte les intérêts occidentaux, de conclure des accords concernant la drogue en Afghanistan et la préservation des équilibres. Puisque cela ne nous a valu pratiquement aucune considération et que le bouclier anti-missile a été maintenu, nous pouvons considérer l’alliance stratégique avec l’Occident comme contre-productive.

Tel est le postulat. Si, dans le contexte actuel d’affaiblissement de l’Europe, Poutine ne voit pas d’autres partenaires fiables que les Allemands, il lui apparaît nettement préférable de construire un autre monde avec les Chinois. Pour y parvenir, il devra utiliser les anciens alliés de l’Union soviétique ou, à tout le moins, tenter de jouer la carte des pays d’islam pour les amadouer et éviter qu’ils ne conduisent une politique trop radicalement antirusse. Par là même, Poutine pense pouvoir freiner ses principaux adversaires. Dans l’affaire de la Tchétchénie, par exemple, il est certain que les sunnites ont joué un rôle clé, notamment à travers les agents d’Al-Qaïda proches de l’Arabie saoudite, dont un certain Khattab, directement lié aux sunnites jordaniens et à leur mouvance... Les Russes engagent donc une nouvelle politique qui les éloignera probablement de l’Occident, en commettant l’erreur, à mon sens capitale, de négliger la possibilité de conclure une alliance face à l’agressivité du monde islamiste.

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Extrait de "L'islamisme va-t-il gagner ?", Editions du Rocher (4 octobre 2012)

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