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Rude semaine pour Nicolas Sarkozy : mais comment peut-il faire pour ne pas se faire entraîner vers le fond ?
©Capture d'écran

2e round

Entre la publication du dernier livre de Patrick Buisson et les révélations de Médiapart et du Monde, sans compter la mise en examen de plusieurs proches, le candidat à la primaire de la droite voit sa cote stagner dans les sondages. Une situation qui n'est pas désespérée, alors qu'une mobilisation accrue de ses sympathisants à la primaire lui ferait gagner de précieuses voix.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Entre Patrick Buisson, les affaires et les sondages, la semaine a été difficile pour la candidature de Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite et du centre. Afin de relancer sa campagne, l'ancien Président devrait aborder le thème du "déclassement", notamment lors de son meeting du Zénith prévu le 9 octobre prochain. Un tel élargissement thématique, au-delà de la question identitaire, peut-il permettre à Nicolas Sarkozy de parvenir à son objectif ?

Jérôme Fourquet : La traversée du désert telle que décrite dans les médias est à relativiser, en tout cas sur le plan des sondages. Là où il y a un vrai point d'interrogation, c'est que manifestement la tendance haussière qui lui avait permis de recoller au score d'Alain Juppé cet été est stoppée. Cette tendance à la hausse est sans doute à mettre sur le compte de son positionnement quant aux attentats du mois de juillet, mais aussi sur l'actualité favorable aux thèmes identitaires du mois d'août et de sa rentrée en campagne. Dans les dernières enquêtes que l'on a en revanche, on voit une stabilisation plutôt qu'un dévissage. Il n'y a pas de décrochage aujourd'hui.

Nicolas Sarkozy aurait bien évidemment pu se passer des révélations du livre de Patrick Buisson, qui rappelle qu'il s'était adjoint les conseils d'une personnalité sulfureuse, mettant à mal l'image d'un homme qui a la capacité de bien s'entourer. Et les traits de personnalité que Patrick Buisson souligne chez Nicolas Sarkozy sont loin d'être flatteurs : il apparaît versatile, avec des convictions à géométries variables. Ce livre vient donc réactiver des éléments de personnalités négatifs.

Là où l'on peut relativiser les choses, c'est que ces révélations viennent de Patrick Buisson, personnage très décrié et controversé, dont on connaît le contentieux lourd qu'il entretient avec l'ancien Président. Mais la sortie de ce livre, ajoutée aux articles du Monde et de Mediapart sur l'affaire du carnet libyen qui mettent en cause le candidat à la primaire, vient entretenir un bruit de fond négatif, rappelant un certain parfum d'affaires autour de Nicolas Sarkozy. Cette atmosphère ravive le sentiment anti-sarkozyste auprès des électeurs, et notamment ceux de droite.

Toute la question pour Nicolas Sarkozy est donc de savoir si la pause qu'il vit dans sa progression sondagière est momentanée. Il verra dans les prochaines semaines si le discours qu'il porte depuis son entrée en campagne infusera et portera ses fruits. Dans le cas contraire, on pourra dire qu'il a fait le plein dans l'électorat de droite, et qu'il se heurte désormais à un vrai plafond de verre. Certains dans son entourage parlaient d'un effet de blast, mais Alain Juppé ne s'est pas du tout effondré dans les sondages. Soit donc il continue sur sa lancée, en espérant que ce plafond de verre va exploser et qu'il récupérera la mise, soit il considérera que pour progresser, il faudra effectivement décliner d'autres thématiques comme celui du déclassement.

Que peut faire Nicolas Sarkozy pour réagir à cette stagnation dans les sondages ? Proposer des mesures claires et applicables, sur le thème de l'identité notamment, n'est-il pas un passage obligé pour parvenir à rassurer un électorat méfiant ?

On a vu une montée en puissance de son entourage dans les médias, et notamment de François Baroin qui, n'étant pas dans le même registre politique que Nicolas Sarkozy, a pu avoir pour objectif de s'adresser à d'autres segments de l'électorat de droite. Cette visibilité accrue de ses lieutenants peut peut-être annoncer une inflexion, une nouvelle étape dans la stratégie de conquête de Nicolas Sarkozy, qui pourrait s'axer comme vous le faisiez remarquer autour d'une déclinaison de propositions ou de constats sur d'autres sujets que sur le régalien et l'identitaire.

Mais pour vous répondre, Nicolas Sarkozy a déjà fait plusieurs propositions concrètes en matière identitaire comme sur le regroupement familial, le droit du sol et le droit du sang… Je ne pense pas qu'il doive se livrer à l'exercice de Bruno Le Maire, qui a livré un programme de 1 000 pages où tout était détaillé à l'alinéa près.

Il faut bien comprendre que ce qui est en train de se jouer, c'est un duel entre deux styles, deux visions de la société française et deux ensembles de solutions. Ces deux visions sont incarnées par Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. La première consiste à dire que la société française est mal en point mais peut cicatriser de ses blessures, et qu'il ne faut pas jeter d'huile sur le feu. La seconde, elle, pense que "l'ennemi" est à nos portes, et qu'il ne faut pas trembler.

Et au fond, on retient assez peu de propositions dans les propos d'Alain Juppé, qui se distingue plus dans son style. Il développe pourtant des idées sur le modèle économique et social, en matière régalienne et identitaire. Mais ce n'est pas forcément ce que l'on retient : ce que l'on retient, c'est l'impression générale. Et c'est important car tous les électeurs de droite ne se retrouvent pas forcément dans cette dualité Alain Juppé-Nicolas Sarkozy, mais deux tiers s'y retrouvent quand même : aborder d'autres thèmes pour grignoter les électeurs de Bruno Le Maire ou de François Fillon n'est pas forcément la solution la plus rentable.

En revanche, quand Nicolas Sarkozy croise le fer avec les journalistes, une thématique ressort aussi : celle du peuple contre les élites. Cette thématique ne découle pas naturellement des prises de position régaliennes dont il s'empare depuis le début de sa campagne, mais c'est très cohérent avec un corpus national-populiste. Et cela lui permet aussi de décliner des thématiques qui ont fait son succès en 2007 comme la valeur du travail, le champs lexical de la "France qui se lève tôt" qu'il rappelle souvent aujourd'hui, ou encore la proposition faite récemment de baisser de 10% l'impôt sur le revenu. Il aborde également d'autres thèmes comme celui de la "tyrannie des minorités contre la majorité", c’est-à-dire la défense du peuple et de la "majorité silencieuse". Et il peut peut-être toucher un autre public moins sensible au discours régalien ou purement identitaire. Mais cette déclinaison populiste devra affronter une limite potentielle : les Français savent quoi penser des promesses fiscales… Ils connaissent l'état d'endettement du pays et les limites de l'exercice. S'ils savent que le matraquage fiscal a connu une belle période sous François Hollande, ils n'ignorent pas non plus que c'est Nicolas Sarkozy qui l'a initiée.

La tension entre candidats continue de monter, notamment sur le thème du "noyautage" de la primaire par la gauche. Guillaume Peltier, porte-parole LR, va jusqu'à parler de "coup d'État socialiste" qui pourrait voir l’électorat de droite se faire voler son élection si trop d'électeurs non sympathisants de droite se déplaçaient. Ce procès en légitimité fait contre ceux qui préconisent un élargissement de l'électorat pour la primaire (comme Alain Juppé, ou encore Nathalie Kosciusko-Morizet) pourrait-il avoir un écho chez les électeurs de droite, alors que seuls 20% des sympathisants LR se disent prêts à aller voter ?

Oui. Il y a aussi ici une solution pour trouver d'autres électeurs, une façon qui ne s'appliquerait qu'à la primaire et qui pourrait s'apparenter à une meilleure mobilisation de la base électorale. Pour une présidentielle, avec 80% de participation, vos troupes viennent voter. Aujourd'hui effectivement, 20% seulement des sympathisants des Républicains sont certains d'aller voter à la primaire. Cela signifie que 80% d'entre eux ne sont pas motivés, ou n'ont pas l'intention de voter à la primaire. Parmi eux, beaucoup partagent les positions identitaires ou régaliennes de Nicolas Sarkozy. Plutôt que de prendre des électeurs aux autres candidats, il s'agit alors peut-être de motiver ses propres sympathisants. Et c'est aussi en ce sens que François Baroin a déclaré sur BFM qu'il ne fallait pas laisser l'électorat de gauche saboter la primaire, sous-entendant que les électeurs de droite devaient eux aussi participer.

Ce n'est pas impossible que cette stratégie fonctionne, toute la question est de savoir comment convaincre ceux qui partagent à peu près ses convictions...

Selon un sondage Ifop, Nicolas Sarkozy enregistre une baisse de 10 points concernant les électeurs FN qui comptent voter au second tour de la primaire au profit d'Alain Juppé. Pourtant, l'ancien Président tient un discours auquel ils pourraient être sensibles... Nicolas Sarkozy souffre-t-il d'un problème de crédibilité auprès de ces électeurs ? En quoi ce phénomène représente-t-il un défi pour l'ancien Président ?

Oui, et pour le coup c'est l'un des objectifs de Patrick Buisson. Quand il donne une interview au vitriol dans Valeurs Actuelles, l'interview "karcher" où il répète à l'envi que Nicolas Sarkozy n'a pas mis en place la politique qu'il a promise, il dit également que Nicolas Sarkozy s'est inspiré de son logiciel pour les séduire, mais qu'ils auront François Baroin à Matignon s'il est élu en 2017…

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