Révolution démographique : le nombre maximum d’enfants sur Terre est derrière nous <!-- --> | Atlantico.fr
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Le pic d'enfants a été atteint.
Le pic d'enfants a été atteint.
©SAEED KHAN / AFP

Child peak

Il a atteint un plateau et devrait être amené à décroitre dans les décennies à venir.

Gilles  Pison

Gilles Pison

Gilles Pison est démographe, professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle, conseiller de la direction de l’INED (l’Institut National d’Etude Démographique). Gilles Pison a publié « Atlas de la population mondiale » aux éditions Autrement. 

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La population mondiale s’approchait du « pic d’enfants » (« child peak ») en 2018, selon des données dévoilées par Hannah Ritchie, responsable de la recherche au sein de OurWorldinData et Chercheur à l’Université d’Oxford. Elle pourrait depuis l'avoir dépassé. Quelle est la réalité de ce phénomène, ce pic a-t-il été réellement atteint ? Quels sont les chiffres dont nous disposons ? 

Gilles Pison : Les naissances mondiales sont de près de 140 millions par an. Cela est vrai depuis déjà une vingtaine d’années. D’après les projections des Nations Unies elles devraient se maintenir à ce plateau jusqu’environ 2050, puis diminuer ensuite pour atteindre 110 millions par an à la fin du siècle.

Mais le nombre d’enfants de moins de 5 ans est stable depuis une dizaine d’années, se situant entre 650 et 700 millions, et cela va se poursuivre  jusqu’en 2050. 

Source : Our World in Data, Licence Creative Commons

Quelles peuvent être les conséquences de ce pic d’enfants et de ce plateau ? Quels sont les pays les plus susceptibles d’être touchés ? Quelles peuvent être les conséquences pour les générations futures ? 

La population mondiale augmente. Nous sommes actuellement près de 8 milliards d’êtres humains. D’après les Nations Unies, le seuil de 8 milliards devrait être franchi le 15 novembre prochain. Dans le scénario moyen des Nations Unies, la population devrait continuer à croître pour atteindre près de 10 milliards en 2050.

Il y a donc une concomitance, à la fois un nombre d’humains de plus en plus grand et un effectif d’enfants stable, en phase de plateau. La pyramide des âges de la population mondiale a une base qui est relativement constante et qui devrait le rester. Ce sont les effectifs d’adultes et de personnes âgées qui vont augmenter.   

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Si la population totale augmente, c’est à un rythme qui décélère. Le taux d’accroissement annuel a atteint un niveau maximum de plus de 2% par dans les années 1960. Il a diminué de moitié depuis. En 2022, la population s’accroît au rythme de 1% par an. 

Ce rythme devrait continuer de baisser dans les prochaines décennies en raison de la diminution de la fécondité. Les femmes mettent au monde en moyenne 2,3 enfants chacune à l’échelle mondiale. En 1950, ce chiffre s’établissait à 5 enfants par femme en moyenne. 

Le taux de fécondité devrait continuer de baisser dans les années à venir. Dans le scénario moyen des Nations Unies, il est de 2,1 enfants par femme en 2050 et de 1,8 enfant en 2100. 

Comment expliquer cette baisse de la natalité et cet impact démographique ?  

Les femmes ont de moins en moins d’enfants à l’échelle mondiale. Mais le nombre de ces femmes augmente d’années en années. Les effets sur le nombre de naissances de ces deux phénomènes se neutralisent. 

Cela explique que le nombre de naissances évolue peu depuis quelques années à l’échelle mondiale. Mais dans trente ans, l’effet total sera à la baisse.

Si le nombre de naissances est stable, celui des décès augmente à l’échelle mondiale. Cela ne vient pas d’une hausse de la mortalité. Au contraire, elle diminue et l’espérance de vie à la naissance progresse, partout. Mais la population mondiale vieillit. Le nombre de personnes âgées augmente.  On meurt de plus en plus à des âges élevés, et de moins en moins pendant l’enfance - la mortalité chez les enfants a beaucoup baissé. Il en résulte que le nombre total de décès augmente.

 Ce phénomène de gel des naissances pourra-t-il s’inverser dans les années à venir, à l’échelle de plusieurs générations ou d’ici 2050 ? 

Ce n’est pas exclu. Dans l’un des scénarios des Nations Unies, dit « scénario haut », les naissances continuent d’augmenter. Dans le scénario bas, elles baissent en revanche. L’avenir n’est pas écrit. Il reste que les projections démographiques sont relativement sûres lorsqu’il s’agit d’annoncer l’effectif de la population à court terme (les 10, 20 ou 30 prochaines années pour un démographe).

La majorité des hommes et des femmes qui vivront en 2050 sont déjà nées. On connaît leur nombre. On peut estimer la part des 8 milliards d’aujourd’hui qui ne seront plus en vie en 2050. Concernant les nouveaux nés qui viendront s’ajouter d’ici 2050, il est possible d’estimer leur nombre car la plupart naitront de femmes qui sont déjà nées, et pour lesquelles on peut faire une hypothèse sur le nombre d’enfants qu’elles auront. Il est illusoire de penser pouvoir beaucoup agir sur le nombre des humains à court terme. 

Partout dans le monde, les adultes font le choix d’avoir peu d’enfants tout en leur assurant une vie longue et de qualité. Les deux tiers de l’humanité vivent dans un pays ou une région où la fécondité est inférieure au seuil de remplacement, 2,1 enfants par femme. Mais il n’en résulte pas une diminution  de la population tout de suite dans ces pays ou régions en raison de l’inertie démographique. Cela inclut l’Inde, la Chine… En Inde, les femmes ont en moyenne deux enfants chacune. En Chine, les Nations Unies estiment que les femmes ont 1,2 enfant. En Amérique Latine, 1,8 enfant.  

Dans ces continents ou pays, la population continue d’augmenter par inertie car la population est jeune et il y a beaucoup d’adultes en âge d’avoir des enfants, ce qui entraîne un nombre de naissances élevé. Les personnes âgées sont en revanche peu nombreuses, et le nombre de décès, faible. 

On n’échappera pas à un surcroît d’environ deux milliards d’habitants à l’échelle mondiale d’ici 2050 en raison de l’inertie démographique que nul ne peut empêcher. Il est possible d’agir en revanche sur les modes de vie afin de les rendre plus respectueux de l’environnement et de la biodiversité et plus économes en ressources et en énergie.

La vraie question, celle dont dépend la survie de l’espèce humaine à terme, est finalement moins celle du nombre que celle des modes de vie. 

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