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Revitalisation de la démocratie : avons-nous besoin de la proportionnelle ou... d’un mode de scrutin à la britannique ?
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Système électoral

Macron aurait raison d’y renoncer, Zemmour a tort de s’y rallier. Et les Français pardonnons-les, ils ne savent pas ce qu’ils disent.

Thierry Martin

Thierry Martin

Thierry Martin est entrepreneur, écrivain, essayiste, sociologue de formation, ancien doctorant de l’EHESS, diplômé de l’Institut Français de Gestion, Paris.  

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Macron avait évoqué la proportionnelle, il semble vouloir y renoncer, elle favoriserait un peu le RN, so what ! Zemmour dit « pourquoi pas », arguant que le pouvoir est déjà ailleurs. Les Français toujours à vouloir plus d’égalité partout y seraient soi-disant favorables à 76 % d’après l’IFOP, mais mesurent-ils bien qu’une élection n’est pas faite pour se faire plaisir dans l’isoloir ? 

Le système électoral britannique majoritaire à un seul tour, système qui ne laisse subsister que deux partis principaux, et le meilleur qui soit pour la stabilité gouvernementale, il avait la préférence du Général, et Zemmour ne dit pas le contraire.

Comme il n'y a pas de deuxième tour, les électeurs se répartissent immédiatement en deux grands pôles. Seuls deux partis ont ainsi plus de chances d'avoir des députés, au détriment d'un « troisième parti », qu'il soit extrémiste ou centriste. N’oublions pas que ce sont les Anglais qui ont inventé la démocratie moderne. Le centrisme, le marais comme on dit en France, est aussi dangereux que les extrêmes.

Quand il a fallu reconstruire la Chambre des communes, après la destruction d’une partie du palais de Westminster par les bombes allemandes (Blitzkrieg), Winston Churchill prit parti en faveur de la reconstruction à l’identique, selon un plan rectangulaire et non en forme d’hémicycle, du lieu central mythique de la démocratie parlementaire britannique. « Nous façonnons nos bâtiments, puis nos bâtiments nous façonnent », expliqua-t-il.Avec ce « face-à-face fougueux entre un gouvernement et une opposition, séparés par quelques mètres seulement, une atmosphère fiévreuse dans une salle surpeuplée où les bancs de cuir vert sont, à dessein, en nombre insuffisant pour les 650 députés. Il s’agit de donner, précisait le Vieux Lion, une impression d’affluence et d’urgence ».

Le système majoritaire à un tour oblige l’électeur à faire preuve de maturité politique, ainsi le principe de réalité l’emporte d’emblée sur l’illusion plaisante du choix donné par le scrutin proportionnel qui valide ipso facto des candidats de l’appareil, des apparatchiks hors-sol, tout à notre ignorance de la coalition qu’ils formeront in fine. L’autre avantage est de permettre une éventuelle alternance claire loin des combinaisons politiciennes inhérentes à la constitution de ces coalitions post-électorales.

Mais sous De Gaulle, ce mode de scrutin eut favorisé le PCF, aujourd’hui il favoriserait le RN qui l’a remplacé, mais ce n’est pas le sujet. La Vème République fonctionne avec un scrutin majoritaire à deux tours, ce qui contraint les partis à trouver des alliés. Trouver des alliés oblige à mettre son égo de candidat tout comme son ego d’électeurs sous l’éteignoir, cela éloigne le sectarisme facteur de divisions au sein de chaque camp.

En revanche la proportionnelle porte en elle, la certitude de l’émiettement politique, de la multiplication des chapelles avec en tête de chaque liste un chef quasiment certain d’être élu au-delà d’un seuil. Suit un risque d’ingouvernabilité, des difficultés à constituer un gouvernement comme ce fut le cas dernièrement en Israël pour le gouvernement Netanyahou, ou encore un risque de constituer un gouvernement dans le dos des électeurs, ou au-dessus de leurs têtes, la combinazione qui s’appelle große Koalition en Allemagne où Merkel, après les élections, a fait alliance avec la gauche. Mais le pire risque de la proportionnelle c’est de permettre à la grenouille de se faire plus grosse que le bœuf, un mode de scrutin qui a la faveur de Bayrou.

Certes la Ve République a renforcé les attributions de l’exécutif, et notamment du président, élu directement par le peuple, qui n’est plus celui qui n’inaugurait que les chrysanthèmes. Il dispose d’un droit de dissolution de l’Assemblée nationale, son gouvernement peut utiliser le 49.3, mais encore faut-il qu’il ait une majorité pour obtenir le vote de confiance. C’est le quinquennat et le calendrier qui place les législatives juste après la présidentielle qui a bouleversé les équilibres et assuré cette majorité godillot.

Les idéologies sont pures, mais heureusement les hommes politiques et les partis ne le sont jamais. Nous avons besoin d’une voix, d’un visage, d’un charisme, d’un député enraciné dans sa circonscription, et même d’un député maire, - en revenant sur cette absurde loi anti-cumul qui crée des députés hors-sol. Au champ idéologique polarisé par les très françaises et absconses notions de gauche et de droite, se sont substitués une série de champs polarisés par le globalisme et le souverainisme, le progressisme et le conservatisme, voire le constructivisme et le libéralisme. Nous avons besoins de ces idéologies tout comme des idéologues qui influencent l’opinion publique, mais la vie politique doit fonctionner selon l’éthique de responsabilité et non celle de conviction tant pour l’élu que pour l’électeur.

Redonner sa légitimité à la démocratie représentative ne passe pas en France par le proportionnel fantasme d’une représentation nationale folklorique des « 258 variétés de fromage », mais par la rupture avec le pouvoir de la commission de Bruxelles et le pouvoir des juges.

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