Retraites : un peu de répit pour Emmanuel Macron avant le grand saut vers l’inconnu<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron donnant un discours
Emmanuel Macron donnant un discours
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Vème République en crise

A court terme, le calendrier va servir le président de la République ; à long terme, rien dans l’histoire de la 5e République ne permet d’imaginer une issue de la crise, sauf…

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Depuis vendredi soir, 14 avril, le Parlement est en vacances de printemps pour quinze jours. Privés de tribune, députés et sénateurs ne reprendront leurs travaux que le 3 mai. Avant de se séparer les patrons des groupes Insoumis, Communistes, Socialistes et Écologistes, ont tiré une dernière cartouche en demandant à Emmanuel Macron de ne pas promulguer la loi et de demander une nouvelle délibération du Parlement. Laurent Berger a fait de même sur le plateau de TF1. La réponse est tombée dans la nuit. Emmanuel Macron, fidèle à sa devise « je ne lâche rien », a immédiatement promulgué la loi réformant l’âge de départ à la retraite. Le texte est au Journal Officiel de ce samedi 15 avril. Le président de la République  peut aussi espérer que le 3 mai, - date annoncée par le Conseil constitutionnel, les Sages se prononceront à nouveau par la négative pour l’organisation d’un RIP (Référendum d’Initiative Populaire) qui bloquerait la mise en œuvre de la loi le temps du processus référendaire. En effet, après avoir validé l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, les Sages du Palais Royal ont retoqué une première demande dans ce sens émanant de la NUPES . Au grand soulagement de l’Elysée, qui redoutait la mise en œuvre de cette lourde procédure (- jamais aboutie à ce jour), exigeant la signature de plus de 4,8 millions d’électeurs, et qui bloquerait la mise en œuvre de la réforme. Le prochain rendez-vous sera donc le 1er mai, date fixée par les syndicats pour une grande mobilisation. 

Dans la quinzaine à venir, il y a de fortes chances que seuls les éléments les plus radicaux descendent dans la rue, provoquant la désolation et l’exaspération des personnes victimes de déprédations. Mais l’exaspération des Français ne se transformera pas en adhésion à la réforme pour autant.

Et la victoire juridique ne signifie pas sortie de crise, loin de là. Emmanuel Macron qui a déjà essuyé le refus de l’Intersyndicale de venir le rencontrer à l’Elysée la semaine prochaine, est aujourd’hui face à un blocage institutionnel : privé de majorité à l’Assemblée nationale, il apparaît aujourd’hui coupé de l’opinion qui rejette non seulement la réforme, mais aussi sa méthode de gouvernement, jupitérienne, autrement dit, autoritariste… Du jamais vu sous la 5e République qui en a pourtant connu, des crises. Celle à laquelle on fait le plus souvent référence est la crise du CPE (contrat première embauche), en 2006. Jacques Chirac, vaincu par le rejet populaire, avait promulgué la loi qui n’a jamais été appliquée. Le Premier ministre de l’époque, Dominique de Villepin y avait laissé les plumes de « présidentiable », au profit de Nicolas Sarkozy qui manoeuvrait en coulisses contre cette réforme impopulaire… On pourrait également faire référence aux crises de l’école. En 1984 François Mitterrand avait voulu porter atteinte à l’école libre, en l’intégrant dans un grand service public… des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue… La crise s’était soldée par l’abandon du projet et un changement de Premier ministre, Laurent Fabius succédant à Pierre Mauroy à Matignon… En ce temps-là le Parti Socialiste avait la majorité absolue à l’Assemblée Nationale, et François Mitterrand a été réélu pour un deuxième septennat en 1988… Aujourd’hui, non seulement Emmanuel Macron n’a pas de majorité, mais il ne peut plus se représenter, la réforme constitutionnelle de 2008 ayant limité à deux, le nombre de mandats présidentiels, ce qui affaiblit de facto le président réélu. Le phénomène est bien connu aux Etats-Unis.

Les solutions qui s’offrent à Emmanuel Macron sont peu nombreuses :

- il peut tenter la formation d’un gouvernement d’union nationale qui n’en aurait pas le nom, mais bien le dessein, en intégrant des personnalités LR et socialistes anti-NUPES . Les plus anciens des macronistes, dont le sénateur Patriat, plaident en ce sens, expliquant qu’il faut constituer un grand bloc central pour faire front face aux extrêmes de droite et de gauche. Certains élus LR et PS seraient prêts à franchir le pas … 

- il peut aussi dissoudre l’Assemblée, et convoquer de nouvelles élections législatives, mais la lecture des sondages n’est pas encourageante pour lui. Et pourtant , tout indique que cette législature ne peut pas aller à son terme. Jusqu’à présent Elisabeth Borne arrivait à gouverner avec l’article 49.3 pour les lois de finances, et avec des majorités d’idées, de circonstance pour les différents projets…En début de législature la loi sur le pouvoir d’achat avait été largement adoptée. Le texte sur l’environnement avait reçu le soutien des Socialistes, celui sur le nucléaire avait été voté par LR, les Socialistes et les Communistes, totalisant un nombre de voix record. Dans le contexte actuel, personne ne veut voler au secours du gouvernement à l’Assemblée où l’on évoque ouvertement une dissolution… Pour faire voter la loi de programmation militaire, le gouvernement a impérativement besoin des voix LR. Les Républicains seront au pied du mur... En attendant, la boîte à idées est ouverte. Le président de LR, Eric Ciotti  appelle « à la réunion rapide d’une grande conférence sociale qui puisse se saisir de ces enjeux et élargir le débat à la hauteur de cette question fondamentale de notre siècle ». Vaste programme. Quant à la présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, elle suggère que les responsables « aillent sur le terrain, parler aux Français ». Et pourquoi pas, leur donner la parole ? Emmanuel Macron pourrait organiser un référendum. A la manière du général de Gaulle, qui en avait organisé  quatre avec succès, et un cinquième sur la réforme du Sénat, rejeté par les Français en 1969… Il en avait tiré les conséquences. On connaît la suite…

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