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Retraite : fait-on un mauvais procès aux baby-boomers ?
©Reuters

Bonnes feuilles

Ce livre entend démontrer que notre future retraite dépend de choix collectifs mais aussi de choix individuels. Extrait de "Retraite - juste un autre monde", de Philippe Crevel, publié aux éditions Temporis (2/2).

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Les années soixante-dix et quatre-vingt renvoient à l’âge d’or de la retraite. Mais avec l’accumulation des déficits sociaux et l’incapacité de l’économie française à renouer avec la croissance, la question des retraites ou plutôt le problème des retraites envahit le débat public. A défaut de pouvoir trouver des solutions consensuelles il est plus facile de s’en prendre à quelques bouc-émissaires.

LES QUESTIONS QUI FACHENT


UN MAUVAIS PROCÈS FAIT AUX BABY-BOOMERS ?

Si tout va mal, c’est bien connu, c’est à cause des baby-boomers qui en jouisseurs patentés transfèrent leurs charges dont entre autre, leurs dépenses de pension, sur les générations futures par l’intermédiaire des déficits. Il y aurait donc un complot mondial des générations nées entre 1945 et 1965 qui ont, dans un élan collectif, décidé de profiter de la vie au détriment des jeunes générations.

Le complot a commencé très tôt. C’est bien connu, les baby-boomers se sont concertés pour naître tous au même moment, juste après la guerre. Nos malheurs ont commencé il y a donc 70 ans ! Mais c’est oublier que ce surcroît de naissances a touché tous les pays occidentaux, qu’il a été à la base des Trente Glorieuses.

Les fameux baby-boomers sont accusés de ne pas avoir anticipé les évolutions démographiques, de ne pas avoir préparé leur future retraite et d’avoir profité de la vie au détriment de leurs enfants. En prime, ils auraient gaspillé l’héritage reçu de leurs parents, ceux qui ont reconstruit le pays après la 2èmeGuerre mondiale.

Cette analyse est un peu simpliste. Le système de retraite repose sur la solidarité intergénérationnelle en vertu de laquelle les retraités sont payés à partir des cotisations des actifs et qui est la quintessence du système de répartition. Ainsi, les baby-boomers ont financé les retraités de leurs parents durant plusieurs décennies. Evidemment, du fait de la dénatalité de l’entre-deux-guerres et de la faiblesse des pensions allouées après 1945, les dépenses d’assurance-vieillesse étaient réduites.

Fallait-il constituer des réserves pour préparer l’avenir ? Cela eût été une bonne idée mais telle n’était pas la philosophie du système mis en place à la Libération. Constituer des réserves aurait signifié que la France choisissait de créer des régimes de retraite par capitalisation, c’est-à-dire des fonds de pension, auxquels les partenaires sociaux étaient hostiles, tout comme la population. Il y avait un large consensus pour mettre en place un système par répartition peu couteux à l’amorçage avec un rapport actif/ inactif de 4 et des retraites peu élevées.

"Les baby-boomers se sont-ils constitués des droits de pension exorbitants tout en mettant la France en situation de faillite ? Non, contrairement à une idée reçue, les régimes de base de retraite, la CNAV par exemple, n’accordent pas des droits aux actifs qui cotisent. Il n’y a pas de lien entre les cotisations versées et les pensions perçues après la cessation de l’activité professionnelle. Si le mode de calcul des retraites reprend des éléments de la carrière passée, c’est par application de la réglementation. Pour les régimes de base nous ne sommes pas dotés, à l’exception des professionnels libéraux, d’un compte individualisé de retraite. De ce fait, il est incorrect d’affirmer que les baby-boomers se sont constitués des retraites en or.

En revanche, les affiliés à un régime complémentaire comme l’AGIRC ou l’ARRCO se constituent des droits pour leur future pension à travers l’acquisition de points. Au moment de la cessation d’activité, l’ensemble des points accumulés durant leur carrière professionnelle sont convertis en pension. Leur montant est fonction de la valeur de rachat du point. Cette valeur n’est pas figée, elle évolue en fonction du temps. Depuis 1993 le rendement de l’AGIRC et de l’ARRCO a fortement baissé car la valeur d’achat des points a augmenté quand celle de rachat n’a été qu’imparfaitement indexée sur l’inflation. Une fois de plus, la thèse du complot des baby-boomers ne tient pas.

Si les deux régimes complémentaires, AGIRC et ARRCO, ont été prévoyants et ont constitué des réserves durant les belles années, il est à noter que face à la révolution démographique, elles sont vouées à fondre très rapidement. Comme quoi, il est difficile en matière de retraite de gérer le temps !.

Il ne faut cependant pas pleurer sur ces réserves absentes du régime général, car l’économie française en reconstruction après la guerre aurait difficilement supporté des cotisations sociales élevées. Il fallait d’abord effacer les stigmates de la Seconde Guerre mondiale, investir et gagner la bataille de la productivité. De toute façon, si des réserves avaient été constituées pour les régimes de base, il est fort à parier qu’elles eussent été utilisées pour d’autres usages que les retraites. La tentation aurait été forte pour un gouvernement quel qu’il soit de puiser dans le bas de laine des retraites pour colmater les brèches budgétaires. En 2010, la mission du Fonds de Réserve des Retraites a été ainsi modifiée : les ressources prévues pour lisser les effets de l’arrivée des générations du baby-boom à la retraite après 2020 sont utilisées pour rembourser la dette des régimes sociaux.

Quand, en 1982, François Mitterrand décide le passage de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans, cette mesure qui est la traduction d’une promesse de campagne ne sert pas les intérêts des baby-boomers mais de leurs parents. Au-delà des considérations économiques liées à l’augmentation du chômage avec le deuxième choc pétrolier, le Président de la République entend récompenser les femmes et les hommes qui après la Seconde Guerre mondiale avaient participé à la reconstruction du pays.

Extrait de "Retraite - juste un autre monde", de Philippe Crevel, publié aux éditions Temporis, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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