Retrait d’autorisation de diffusion de la chaîne Numéro 23 : les répliques pour le PAF du séisme imposé par le CSA à Pascal Houzelot<!-- --> | Atlantico.fr
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Le CSA a rendu une décision inédite dans son histoire : la suspension de l'autorisation de diffusion d'une chaîne, la chaîne Numéro 23.
Le CSA a rendu une décision inédite dans son histoire : la suspension de l'autorisation de diffusion d'une chaîne, la chaîne Numéro 23.
©Reuters

Magouilles et châtiments

Mardi 14 octobre au soir, le CSA a rendu une décision inédite dans son histoire : la suspension de l'autorisation de diffusion d'une chaîne, la chaîne Numéro 23. Une décision qui prive son PDG d'une vente devant lui rapporter 90 millions d'euros.

Marc Baudriller

Marc Baudriller

Chef de rubrique médias à Challenges et chroniqueur à Radio classique.

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Atlantico : Pourquoi le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a-t-il retiré l'autorisation de diffusion de Numéro 23, brisant la vente de la chaîne à Alain Weill et sanctionnant Pascal Houzelot ?

Marc Baudriller : Le CSA a retiré cette autorisation car Pascal Houzelot a contourné les règles et les engagements qu'il avait pris auprès du CSA concernant l'actionnariat de sa chaîne. Il avait dit qu'il porterait la chaîne sans apport extérieur jusqu'en 2019, or il a fait rentrer au capital un actionnaire russe, ce qu'il a caché au CSA pendant un certain temps. Cette tromperie manifeste lui vaut aujourd'hui la sanction du CSA.

Ce qui est très fort et complètement inédit dans la décision du CSA, c'est ce retrait d'autorisation d'émettre. Pour justifier une décision aussi forte, il faut vraiment une raison grave.

Quel est le profil de ce mystérieux actionnaire russe avec lequel Pascal Houzelot a passé un pacte d'actionnaire ?

On ne sait pas exactement, si ce n'est que c'est un oligarque très présent dans le secteur des médias et du Net en Russie. Le problème dans cette affaire c'est qu'on ne sait pas tout. Comme tout a été caché et que visiblement il y a eu des « tiroirs », on ne sait pas très bien ce qui a été conclu avec ce groupe russe. Il y a eu un accord de façade sur lequel ils ne peuvent pas être pris en défaut mais on ne sait pas très bien ce qu'il y a derrière, c'est un peu mystérieux.

Quels sont les réseaux à la manœuvre depuis le début de cette affaire, c'est à dire depuis la candidature de Pascal Houzelot à l'attribution de cette fréquence ?

C'est très politique. Pascal Houzelot est un homme de réseau. Il a commencé à droite avec le polémiste et éditorialiste gaulliste Pierre Charpy qui était alors le patron de la Lettre de la Nation. C'est dans cet univers qu'il a tissé ses premiers réseaux. Par la suite il s'est élargi en fréquentant des réseaux et cercles qui sont très puissants, à la fois à droite comme à gauche. Il a surtout travaillé pendant très longtemps aux côtés d’Étienne Mougeotte qui fut le numéro 2 de TF1 pendant vingt ans. Là encore il s'est fait un carnet d'adresse impressionnant. C'était l'époque où TF1 trônait, non seulement sur l'audiovisuel, mais sur l'ensemble des médias. Il a pu rentrer dans l'univers politique, dans l'univers des médias, celui des grands patrons etc. Il a mis ces connexions à profit lorsqu'il a voulu monter sa chaîne.

Les apporteurs de capitaux qu'il a présenté au CSA n'ont pas voulu mettre assez d'argent pour porter l'exploitation de la chaîne et donc ça l'a contrait à aller chercher un nouvel actionnaire, en secret. C'est cela qui cause sa chute.

Certains reprochent à Pascal Houzelot d'avoir déjà manœuvré en 2012, lorsqu'il s'agissait d'obtenir du CSA qu'il lui accorde la fréquence. Avait-il déjà prévu la juteuse revente de sa chaîne que le CSA vient d'empêcher ?

Pascal Houzelot prétend évidemment que non, mais on peut en douter. A l'époque il avait mené une campagne très impressionnante pour convaincre le CSA et avait clairement dit qu'il garderait la chaîne – ce qui lui était d'ailleurs imposé par la réglementation. Le fait est qu'il n'a pas tenu sa parole. C'est un homme de réseau qui a tout misé dessus. Il a essayé d'impressionner le CSA avec des soutiens financiers très prestigieux comme Bernard Arnault, François-Henri Pinault, Xavier Niel ou encore Jacques-Antoine Granjon. Le problème, c'est que ce tour de table n'a pas voulu mettre autant d'argent que la chaîne l'aurait nécessité. Il est difficile de dire si la situation actuelle vient du fait que M. Houzelot a été présomptueux sur sa capacité à mener son projet avec le capital dont il disposait, ou s'il savait déjà ce qu'il ferait de sa chaîne. Toujours est-il qu'il a proposé une chaîne qui n'était pas suffisamment assez financée par les actionnaires que lui même mettait en avant.

Quelles vont être les conséquences de cette décision du CSA sur les autres acteurs du secteur des médias, notamment sur le groupe NextRadioTV qui s'apprêtait à acheter la chaîne Numéro 23 - et qui est également lui-même sur le point d'être acheté par le nouveau magnat des médias Patrick Drahi ?

Cette décision est évidemment un coup dur pour Alain Weill et donc le groupe de Patrick Drahi puisque NextRadioTV avait prévu de racheter Numéro 23 et qu'elle n'est pour l'instant plus disponible à l'achat. Or les canaux sont rares, on n'a pas souvent la possibilité de pouvoir acquérir une fréquence de télévision. C'est la seule raison qui explique le prix important –  90 millions d'euros –  car l'audience est très faible et l'exploitation est très déficitaire. Le prix ne se rapporte qu'à la valeur de la fréquence. Je l'ai écrit dès le jour de l'annonce du rachat. C'est un vrai problème : l’État a confié gratuitement cette fréquence à Pascal Houzelot. Elle appartient à la France et aux Français et elle est confiée gratuitement à condition que celui qui reçoit le droit de l'exploiter remplisse un certain nombre d'obligations que M. Houzelot n'a pas rempli. Le fond du problème est là.

Aujourd'hui la balle est dans le camp de Patrick Drahi et d'Alain Weill qui vont essayer de voir comment ils peuvent faire pour essayer de sauver Pascal Houzelot qui se retrouve dans une situation très compliquée. La balle est également dans le camp des actionnaires de départ qui vont être sollicités pour mettre la main à la poche car il va falloir compenser le retrait forcé de l'actionnaire russe. Mais étant donné qu'ils ont déjà refusé de réinvestir dans la chaîne, je pense qu'il va falloir se tourner vers Alain Weill et Patrick Drahi. Après cela, reste à savoir dans quelle mesure ils peuvent légalement rentrer au capital, financer la chaîne, s'engager sur le long terme etc. Il est encore un peu tôt pour le dire.

Dans quelle situation se trouve désormais le PDG de Numéro 23, Pascal Houzelot, et quel avenir pour ses affaires ?

Il se retrouve dans une situation difficile. Sa chaîne fait très peu d'audience – 0,7% de parts d'audience, elle est très déficitaire, et elle s'est faite lâcher par sa régie : il avait en effet confié la régie et la vente de ses espaces publicitaires à TF1 qui a exprimé son refus de renouveler le contrat. Il perd donc les ressources de sa régie publicitaire, son actionnaire russe, sans parler du fait qu'il ne peut, a priori, même pas compter sur les ressources de ses actionnaires de départ. N'ayant pas lui même de véritable fortune personnelle à disposition, on peut s'interroger sur son avenir. Néanmoins il pourra certainement compter sur les différents services juridiques qui travaillent sur le dossier, notamment sur ceux de Patrick Drahi, pour essayer de trouver une solution.

Matthieu Pigasse (banque Lazard), Xavier Niel (Free) et Pierre-Antoine Capton (Troisième Œil Productions) s'apprêtent à lever entre 300 et 500 millions d'euros pour effectuer des acquisitions dans le secteur des médias. Quel effet ce nouvel acteur pourra-t-il avoir sur l'affaire Numéro 23 ?

Il ne me semble pas qu'il y aura un important effet direct, même s'il s'agit d'un nouvel acteur dans le jeu des médias, et surtout d'un nouvel acheteur potentiel, aux côtés de Patrick Drahi ou Bolloré.  L'arrivée d'un nouvel acteur est donc une bonne nouvelle en règle général pour les patrons de médias qui disposent ainsi d'une issue de plus. Ça peut également aider à revaloriser les médias.  Néanmoins cela ne changera pas grand chose pour Numéro 23 car cette chaîne reste convoitée par Alain Weill et Patrick Drahi. Bien qu'effectivement ce nouveau trio pourrait théoriquement se poser comme concurrent et faire des offres sur ce dossier. 

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