Retour des maladies infectieuses : la tempête parfaite<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Les maladies virales voient leur émergence facilitée par de nombreux facteurs.
Les maladies virales voient leur émergence facilitée par de nombreux facteurs.
©FRANCK FIFE / AFP

Virus

Toutes les conditions sont réunies pour favoriser l'émergence et la diffusion de ces maladies.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

Voir la bio »

Nous semblons enregistrer une recrudescence de maladies infectieuses. Après le Covid, viennent la variole du singe, des cas de polio, de fièvre de Marbourg, etc. N’est-ce qu’une impression ?

Antoine Flahault : Malheureusement ce n’est pas une impression, c’est une réalité. On observe depuis une cinquantaine d’années une recrudescence des épidémies de maladies transmissibles émergentes et ré-émergentes sur l’ensemble de la planète, avec des zones plus particulièrement considérées comme des “points chauds” vis-à-vis de l’émergence de ces risques. 

Dans quelle mesure la proximité des humains avec les animaux favorise-t-elle l’apparition ou la réapparition de maladies infectieuses ?

Les causes de cette recrudescence d’émergences épidémiques sont multiples, et les zoonoses seraient responsables de 70% d’entre elles, c’est-à-dire le passage d’agents pathogènes de l’animal à l’homme. Du fait de la croissance démographique dans le monde - nous étions moins de deux milliards d’habitants sur Terre au début du XXeme siècle, nous sommes plus de 7,5 milliards aujourd’hui - nous avons un impact beaucoup plus important et négatif sur nos écosystèmes. La déforestation pour nourrir les hommes et les animaux de notre alimentation conduit à nous rapprocher d’animaux sauvages que nous n’avions pas coutume de côtoyer. La perte de biodiversité qui en résulte conduit à renforcer notre exposition aux pathogènes sans l’écran que représentaient les autres espèces. Le dérèglement climatique favorise la prolifération de germes et de vecteurs. La mobilité accrue et le commerce d’animaux vivants, tout cela concourt aussi à l’augmentation des émergences épidémiques.

À Lire Aussi

Covid-19... et les autres : pourquoi le nombre de maladies infectieuses est reparti à la hausse au 21e siècle

La circulation des biens et des personnes dans un cadre mondialisé favorise-t-elle l’apparition et la diffusion de telles maladies ?

On se déplace d’un continent à l’autre en quelques heures désormais, emportant avec nous virus et bactéries. Les pandémies sont évidemment favorisées par l’intense mobilité des personnes. Le commerce des animaux vivants, sur les marchés asiatiques en particulier, sont des facteurs d’amplification des zoonoses. On suspecte ainsi le marché de Wuhan d’avoir joué un rôle clé dans le démarrage de la pandémie de Covid-19.

Quel peut être la responsabilité du dérèglement climatique dans cette situation ?

Le dérèglement climatique s’accompagne d’un réchauffement global, avec des sécheresses en certains endroits du globe et à certaines périodes de l’année où au contraire des inondations à d’autres. Cela crée des conditions parfois favorables à l’éclosion de certains vecteurs. Par exemple Aedes, le moustique vecteur de la dengue, du Chikungunya ou de Zika pullule davantage en période de canicule et de sécheresse, alors qu’Anopheles, moustique du paludisme se propage préférentiellement en périodes pluvieuses. Le dérèglement climatique favorise aussi les événements extrêmes, les ouragans par exemple, ou les inondations qui peuvent être à l’origine d’épidémies de gastro-entérites ou de choléra.

Devrions-nous faire des efforts sur la vaccination ? Et notamment chez les enfants ?

La mortalité des enfants a été diminuée de moitié dans le monde durant ces quarante dernières années. Ce succès considérable, on le doit en grande partie à l’augmentation de la couverture vaccinale des enfants partout dans le monde et notamment dans les pays les plus pauvres de la planète. Il ne faudrait pas perdre ces acquis précieux et toujours fragiles qui constituent le progrès de notre humanité.

Sommes nous trop négligents avec les épidémies qui émergent dans les pays en voie de développement ?

Il y a une catégorie de maladies que l’OMS qualifie de “négligée”, comme le Monkeypox, variole du singe, qui en faisait partie avant les flambées épidémiques en Occident qui remontent à mai dernier. Ces maladies sont négligées par tout le monde : l’industrie pharmaceutique qui ne développe aucun médicament contre elles, car il n’y a pas de marché solvable en aval, mais aussi les chercheurs qui ne s’y intéressent pas et les politiques ou les médias, encore moins. Sur le Monkeypox, il y avait moins d’un millier d’articles scientifiques, toutes disciplines confondues, publiés dans la littérature internationale à la veille de la flambée que nous connaissons. À partir du moment où une maladie concerne un pays riche, alors on commence à se pencher dessus. Le Chikungunya ou le Zika ont connu le même sort jusqu’à leur émergence dans des régions de nos pays. Nous payons aujourd’hui le prix fort de ces négligences répétées. Nous tirons peu et lentement les leçons du passé. Mais les germes infectieux se moquent pas mal des frontières, frappent les pauvres comme les riches, et comme nous le disions plus haut, ils prennent volontiers l’avion pour se propager rapidement dans le monde quand les conditions deviennent favorables à leur propagation. 

Prenons nous plus conscience des enjeux sanitaires que par le passé ?

La santé est un préalable à beaucoup de choses dans nos brèves et fragiles existences. Nous ne pouvons pas fonder de familles, nous former, travailler, voyager, faire du sport et d’autres loisirs, profiter de notre retraite, si nous ne sommes pas en suffisamment bonne santé. Pour éviter la saturation de nos systèmes de santé, les gouvernements de tous les pays, riches et pauvres, démocratiques et autoritaires, ont pris des mesures draconiennes et inédites en temps de paix au début de cette pandémie. N’est ce pas la preuve du prix que l’on donne aujourd’hui à la santé ? Est-ce une prise de conscience récente ? Un historien serait mieux placé que moi pour le dire. Mais des lazarets et des quarantaines existaient au Moyen-Âge, car déjà on cherchait déjà à éviter les épidémies avec les moyens dont on disposait.

Est-il possible que nos corps et réponses immunitaires aient été affaiblis par le Covid ?

En dehors de l’infection par le VIH qui, en l’absence de traitements, altère l’immunité durablement et profondément, comme le nom même du virus le suggère, la plupart des autres maladies infectieuses n’altèrent que transitoirement et de manière habituellement réversible les défenses immunitaires. Il semble que le coronavirus ait pu contribuer à baisser les défenses des gens qu’il a contaminés pendant quelques semaines. Mais généralement l’immunité ressort plutôt renforcée après une infection, ce que l’on a pu constater avec le Covid-19, une fois passée l’éventuelle et généralement légère immunodépression transitoire initiale.

Y-a-t-il d’autres raisons qui pourraient expliquer le phénomène ? 

La pollution atmosphérique est une autre conséquence des changements globaux évoqués ci-dessus. Elle favorise les maladies infectieuses respiratoires, comme on l’a constaté avec la grippe et le Covid-19. Ainsi après des pics de pollution, un peu partout dans le monde, on a pu observer des pics de contaminations de Covid-19 mais aussi des augmentations de formes graves, d’hospitalisations et de décès.
Enfin, les comportements humains, parfois leur malveillance ou leur imprudence peuvent aussi déclencher des épidémies. Ainsi le SRAS en 2003 et le COVID-19 en 2019 ont possiblement été provoquées par la vente illicite sur des marchés d’animaux sauvages vivants et contaminés. Une autre hypothèse est une négligence dans un laboratoire étudiant ces germes pathogènes. Toutes ces activités humaines peuvent contribuer volontairement ou non à créer des émergences épidémiques difficiles ensuite à maîtriser, un peu à l’image des incendies de forêt.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !