René Girard : « les grands romanciers révèlent la nature imitative du désir »<!-- --> | Atlantico.fr
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« La conversion de l’art » ( Grasset-Fasquelle) de René Girard.
« La conversion de l’art » ( Grasset-Fasquelle) de René Girard.
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Atlantico Litterati

Voici enfin l’édition définitive de « La conversion de l’art » ( Grasset-Fasquelle).

Annick Geille

Annick Geille

Annick GEILLE est écrivain, critique littéraire et journaliste. Auteure de onze romans, dont "Un amour de Sagan" -publié jusqu’en Chine- autofiction qui relate  sa vie entre Françoise Sagan et  Bernard Frank, elle publia un essai sur  les métamorphoses des hommes après  le féminisme : « Le Nouvel Homme » (Lattès). Sélectionnée Goncourt et distinguée par le prix du Premier Roman pour « Portrait d’un amour coupable » (Grasset), elle obtint ensuite le "Prix Alfred Née" de l'Académie française pour « Une femme amoureuse » (Grasset/Le Livre de Poche).

Elle fonda et dirigea  vingt années durant divers hebdomadaires et mensuels pour le groupe « Hachette- Filipacchi- Media » - tels le mensuel Playboy-France, l’hebdomadaire Pariscope  et «  F Magazine, »- mensuel féministe racheté au groupe Servan-Schreiber, qu’Annick Geille reformula et dirigea cinq ans, aux côtés  de Robert Doisneau, qui réalisait toutes les photos. Après avoir travaillé trois ans au Figaro- Littéraire aux côtés d’Angelo Rinaldi, de l’Académie Française, elle dirigea "La Sélection des meilleurs livres de la période" pour le « Magazine des Livres », qui devint  Le Salon Littéraire en ligne-, tout en rédigeant chaque mois une critique littéraire pour le mensuel -papier "Service Littéraire".

Annick Geille  remet  depuis quelques années à Atlantico -premier quotidien en ligne de France-une chronique vouée à  la littérature et à ceux qui la font : «  Litterati ».

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Voici enfin l’édition définitive de  « La conversion de l’art » ( Grasset-Fasquelle), cet essai essentiel paru en 2008, augmenté aujourd’hui -entre autres- d’une préface inédite de Benoît Chantre et de l’écrivain  britannique Trevor Cribben Merrill ; l’ouvrage de  René Girard(1923 -2015), théoricien de la littérature à la renommée internationale- est à la fois un exercice d’admiration- l’auteur rend  hommage à Cervantes, Dostoïevski, Stendhal et Proust, entre autres. Et une quête de vérité  ( pour détruire le romantisme et les clichés) ; huit essais,datant du début des années 1950 à la fin des années 1980. Huit études sur Saint-John Perse et Malraux, Valéry et Stendhal, Freud,Proust, Nietzsche et Wagner - rédigées entre 1953 et 1983 et couvrant trente ans d'élaboration de la théorie mimétique de René Girard . Un événement qui marqua durablement les esprits. Pour ma modeste part, par exemple, je me souviens de ce choc que fut la lecture de « Mensonge romantique et vérité romanesque » (Grasset/Le livre de Poche). Un enchantement stylistique et un changement de perspectives. Plus rien comme avant, ensuite, comme le font certains livres, rares il est vrai.Ce  premier  essai de René Girard contient toute l’œuvre à venir, sa richesse, sa profondeur sont immédiatement présentes. Pour l’auteur Nathanaël Wadbled  (« Milan Kundera, la découverte de l'identité par le roman »/Chimères N° 68) :«  La plupart des commentateurs de Don Quichotte considèrent Alonso Quijada comme fou. C’est le cas notamment de René Girard dans sa magistrale étude du roman romanesque (René Girard : « Mensonge romantique et vérité romanesque »-Grasset.). Il considère qu’Alonso Quijada est victime d’un mal ontologique et, quand il se prend pour Don Quichotte, un « possédé ». Il abandonne la capacité de choisir l’objet de son désir à la figure d’Amadis de Gaule. Alonso Quijada perdrait ainsi tout sens de la réalité, « le sens du réel est perdu, le jugement est paralysé  ». Il serait ainsi la victime de ce que René Girard appelle le « désir triangulaire », dans lequel un médiateur désigne au sujet les objets de son désir.Si « le désir de l’Autre est toujours celui d’être un Autre  », c’est pour René Girard un désir fantasmatique : le sujet peut bien prendre le masque de l’autre et désirer les objets désignés par l’autre, il ne deviendra jamais  l’autre. » Ecrivant lui aussi,comme René Girard, sur l‘art du roman, Milan Kundera déclara qu’il n’aurait pas  écrit comme il  l’avait fait si, avant de commencer son manuscrit, il avait lu « Mensonge romantique et vérité romanesque » ( Merci encore Claude  (+)…Il s’agit de Claude Della Torre, la meilleure attachée de presse du monde- hélas disparue et qui me disait : « Quand il n’y a pas de coursier, j’y vais).

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Pour revenir à la parution de  «La conversion de l’art » chez Grasset, René Girard  nous fait partager son érudition littéraire (la lecture est limpide, le discours clair et  la justesse  du propos sidérante), nous procurant ce plaisir de lecture que seuls les « grands auteurs » savent produire. Concernant l’humanité désirant par imitation ( comme dans le snobisme et la mode, en somme), parce quelqu’un –le « médiateur » admire tel objet ou telle situation existentielle, si bien que nous les désirons aussi, nous appropriant le désir de l’autre et  le faisant nôtre. Pas flatteur, certes,  mais très humain. Les Américains appellent René Girard « le Darwin du comportement » car le désir triangulaire meut la planète entière, pouvant provoquer des guerres, des révolutions  quand le «médiateur »  trop proche, se fait rival, et devenant  l’adversaire.  S’il reste à bonne distance, tout va bien pour notre désir,  mais en apparence seulement, car il mourra d’avoir été satisfait.Nous  ne pourrons jamais nous avouer cette vérité-la nôtre et celle de tout un chacun- car notre faiblesse   gâche le décor du «  mensonge romantique » et  abime notre propre estime.Nous vivons dans l’illusion d’ être les « senors de se ». Les maîtres de notre destin. Nous sommes aveuglés par le mensonge romantique. Heureusement, de temps en temps,  un  grand roman  survient révélant nos faiblesses « humaines, trop humaines », dans la lumière -toute platonicienne- de « la vérité romanesque ».La littérature sauve. La théorie de René Girard ouvre les yeux. Selon Girard en effet « Croyant ou pas, le t grand romancier vit une transformation intérieure  de l’ordre de la conversion chrétienne » Pour René Girard, toute grande littérature  est un chemin de conversion. Afin que le lecteur puisse participer comme l’auteur et son narrateur  à cette fête du cœur et de l’esprit, René Girard étudie chaque grande œuvre, chaque auteur  à l’aune de ce parcours bouleversant : celui de la  structure même de la conversion chrétienne,  si bien que le regard « rétrospectif » que l’auteur de tel ou tel chef- d’œuvre donne à son personnage central évoque celui de l’ancien « pêcheur » des Evangiles APRES  sa conversion. Ce personnage sanctifié  par ce travail d’accomplissement et de vérité devient qui il est, c est- à dire au fil des pages,quelqu’un qui a le courage  de reconnaitre en lui et chez autrui  le snobisme, la vanité, la peur sociale, le faux, le trucage, soit « le mensonge  romantique »  et  qui, dans la douleur et la solitude  trouve la force de devenir lui-même tout en comprenant mieux les autres.

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Il ne s’agit que de cela en littérature,  nous dit René Girard. Voyez.Shakespeare par exemple ?

« La conversion de l’art » a lieu lorsque l’œuvre bascule  . René Girard  conclut son analyse  par la victoire de Marcel Proust sur tous les grands artistes et poètes romanciers  de son panthéon,  tous ceux, qui, par l’écriture,   accomplissent sans le savoir -chrétiens ou pas- un parcours de rédemption. En ce magnifique « Temps retrouvé », dernier volume de la Recherche, survient comme par suprise  la beauté douloureuse la de la vérité ; l’auteur affaibli par l’âge et tout ce qu’il a subi, mais AUSSI grandi par l’âge et tout ce qu’il a subi, DEVIENT LUI MÊME  en ce dernier volume ; Marcel Proust prend la place et la plume du narrateur, écrivain, il  se comprend et aime et comprend les autres, la grâce lui étant donnée après les tergiversations  d’un Moi changeant et les tentations de l’absence d’efforts, l’absence d’œuvre ; cette prise de conscience de la vanité de tout ce que l’auteur Proust  aimait, de tout ce qu’il recherchait sur terre en particulier chez les autres, en amitié, en amour ( snobisme,  mensonges romantIques)  amène enfin l’auteur de la Recherche à devenir qui il est :  un très grand écrivain, sans doute l’un des plus grands, sinon le plus grand pour René Girard, la littérature étant une conversion ; son cœur, son âme, ses ambitions  et désirs sont nouveaux, ailleurs, différents. Le Temps Retrouve est de ce fait sans doute le  moment le plus accompli, le texte,  le plus déchirant, le plus universel de toute  l’oeuvre de Proust,  nous dit René Girard, aux yeux duquel  Proust incarne l’écrivain suprême,celui qui, affranchi de la nécessité de satisfaire le médiateur, quitte la Caverne et accédant à la lumière, enfin, devient écrivainL’écrivain de tous les temps. La Recherche, enfin.C’est grand.

Annick GEILLE

Repères

René Girard (1923-2015) fut membre de l'Académie française et professeur émérite à l'université de  Stanford. Théoricien de la littérature et anthropologue, il est l'auteur d'essais traduits dans le monde entier et publiés, pour la plupart, aux éditions Grasset : Mensonge romantique et vérité romanesque ; La Violence et le Sacré ; Des choses cachées depuis la fondation du monde ; Le Bouc émissaire ; et Achever Clausewitz.

EXTRAIT « La conversion de l’art » par René Girard

La mortalité du désir, sa finitude, est le vrai problème de notre monde : elle déstabilise jusqu’aux institutions les plus fondamentales, à commencer par la famille. Nos théories psychologiques et psychanalytiques elles-mêmes ne recon- naissent pas l’existence de ce problème. Pour Freud, le désir est immortel, éternel, puisque les êtres humains ne désirent que des substituts de leurs parents et ne peuvent cesser de les désirer. Freud ne parle pas de la mort du désir. Seule la grande littérature a des choses à dire à ce sujet. 

L’individualisme de notre temps correspond en réalité à une tentative de nier l’échec du désir. Ceux qui se vantent de vivre au gré du principe de plaisir sont généralement asservis à des modèles et à des rivaux, et ainsi à une frustra- tion perpétuelle. mais ils sont trop orgueilleux pour recon- naître leur asservissement. Le désir mimétique nous fait croire que nous sommes toujours sur le point de devenir autosuffisants, en nous transformant en quelqu’un d’autre. Notre prétendue transformation en un dieu, comme l’écrit Shakespeare, nous transforme en âne. Pascal le dit autre- ment : « Qui veut faire l’ange fait la bête. » 

Comprendre l’échec réel du désir nous mène à la sagesse et, en fin de compte, à la religion. Les grandes religions et bien des philosophies partagent cette sagesse que la moder- nité rejette. La littérature, parce qu’elle ne triche pas avec le désir, la partage également. Elle prouve que le désir incontrôlé est inéluctablement voué à l’échec. La grande et vraie littérature montre que l’accomplissement de soi par le désir est impossible. Les obsessions mimétiques sont redoutables, on ne peut jamais triompher de leur circularité, même lorsqu’on en a conscience. Elles sont à l’origine de toutes les dépendances, aux drogues, à l’alcool, à une sexualité obsessionnelle, etc. Nous ne pouvons sortir de ce cercle. 

Contrairement à la plupart des philosophies, fondamentalement stoïciennes ou épicuriennes, le judaïsme et le christianisme ne prêchent pas l’accomplissement de soi. Ils ne prêchent pas pour autant l’annihilation de soi, comme le fait le mysticisme oriental. Le christianisme reconnaît le bien-fondé de l’imitation, comme la bonté et la réalité de la personne humaine. Plutôt que de nous abandonner au désir mimétique, en suivant la dernière mode et en adorant la dernière idole, le christianisme nous enjoint d’imiter le Christ, ou des modèles non compétitifs qui sont à son image. 

Si l’on se trouve entièrement prisonnier de la circulation du désir et qu’on souhaite en sortir, il faut connaître ce changement radical que les croyants appellent « conversion ». Selon la conception classique, la conversion n’est pas volontaire ; elle signe l’intervention de Dieu dans notre vie. Telle est, pour un chrétien, l’expérience la plus forte : devenir croyant sous l’action d’une force irrésistible qui ne peut venir de soi-même, mais seulement de Dieu. Ce qui rend la conversion fascinante pour ceux qui l’ont vécue (mais aussi pour ceux qui ne l’ont pas vécue), c’est cette impression d’une très rare proximité de Dieu, qui bouleverse notre vie. 

Cette expérience ne coïncide pas nécessairement avec celle du chrétien. Nombre de « bons chrétiens » n’ont jamais connu de conversion, soit parce que, d’aussi loin qu’ils s’en souviennent, ils ont toujours été croyants, soit parce que, même s’ils sont devenus tardivement chrétiens, ils n’ont jamais vécu d’expérience assez bouleversante pour être qualifiée de conversion. Leur expérience religieuse n’est pas forcément moins profonde, ni moins intense que celle des chrétiens qui ont connu une conversion spectaculaire. 

La notion de conversion jouit pourtant d’un grand prestige auprès des religieux, parce qu’il ne fait pas de doute que les Évangiles la mettent au premier plan. On peut inter- préter l’idée paulinienne de l’homme nouveau ainsi que le thème du salut par la foi en termes de conversion radicale : Paul doit se lire dans la perspective de sa conversion. 

Cependant, les mots que nous utilisons pour décrire cette expérience – le mot « conversion » lui-même, ou le mot grec metanoia – posent problème. D’après mes dictionnaires, c’est Augustin qui emploie pour la première fois le mot latin conversio dans le sens chrétien. Curieusement, ce mot ne figure pas dans les Confessions, qui retracent l’histoire de sa propre conversion, mais dans La Cité de Dieu (VII, 33), cela pour la première et la dernière fois, dans une expression qui fait référence aux efforts de Satan pour nous empêcher de nous convertir au vrai Dieu. 

Le problème avec conversio est que son sens ne coïncide pas tout à fait avec ce que nous entendons par « conversion », ni avec le sens qu’Augustin lui donne lui-même. Le mot signifie « faire un tour complet » ; il évoque une révolution entière, qui finit par nous ramener à notre point de départ. Or la conversion chrétienne est radicalement différente. Elle n’est pas circulaire ; elle ne nous ramène pas au point de départ. Sa fin reste ouverte, elle avance vers un avenir toujours imprévisible.(…). 

(…)Le mot grec metanoia fut employé pour la première fois dans les églises de langue grecque pour désigner un certain type de pénitence. Il ne définit pas un mouvement circulaire, mais il ne correspond pas non plus à la conversion chrétienne. Son sens est trop faible. Meta-noeo signifie en grec « changer d’avis »; « se raviser à propos de quelque chose qui semblait décidé » ; « s’apercevoir d’une erreur trop tard, quand on ne peut plus rien y faire ». Par conséquent, metanoia peut vouloir dire « regret » mais n’évoque en rien la repentance de celui qui entend la question que Paul a entendue sur le chemin de Damas : « Pourquoi me persécutes-tu ? » 

La conversion chrétienne nous touche si profondément qu’elle nous transforme une fois pour toutes et nous fait pour ainsi dire « renaître ». Ce phénomène est si puissant qu’il n’est pas possible de revenir en arrière, même en revenant sur ses pas, ou en faisant un tour complet. Pour nous autres Occidentaux, tourner en rond est un sort pire que la mort. Aussi cette idée de conversion est beaucoup plus qu’un retour à la vertu, une repentance, un regain d’énergie, une régénération, une révolution ou tout autre mot commençant par « re » qui suggérerait le retour à un état antérieur, et nous limiterait par conséquent à une vision cir- culaire de la vie et de l’expérience. La conversion chrétienne connote un changement effectif, qui nous permet de sortir du cercle. 

Les chrétiens prêtent à la notion de conversion une profondeur et une gravité que nous devons comprendre pour apprécier l’importance d’un épisode des débuts du christianisme, l’hérésie donatiste. Les donatistes étaient des chrétiens d’Afrique du Nord du ive siècle, qui prenaient la conversion à ce point au sérieux que, après les périodes de persécutions, ils refusèrent de réintégrer dans l’Église ceux qui n’avaient pas été suffisamment héroïques pour accepter le martyre, et avaient abjuré. Pour eux, la conversion chrétienne avait quelque chose de si fondamental qu’elle ne pouvait advenir qu’une fois dans une vie. Il n’y avait pas de seconde chance. Ceux qui n’avaient pas le courage de faire face aux lions du cirque à Rome, de mourir joyeusement pour leur foi, n’étaient pas dignes d’être chrétiens. 

Leur vision de la conversion au christianisme était à ce point exaltée que l’idée même de sa répétition leur semblait blasphématoire. À leurs yeux, elle tournait en dérision la foi chrétienne. Les donatistes furent condamnés par l’Église, et avaient certainement tort du point de vue des Évangiles et du christianisme orthodoxe. Si leur absolutisme s’était appli- qué à Pierre, la nuit où Jésus fut arrêté et après qu’il l’eut renié trois fois, Pierre n’aurait pas été réintégré dans la com- munauté. Il ne serait jamais devenu le chef de l’Église. Les donatistes se trompaient. Condamner leur intransigeance était sans doute la meilleure solution pour l’Église naissante, mais leur influence sur de grands chrétiens comme Tertullien nous donne une idée du sérieux de la notion de conversion dans ces premiers temps du christianisme.Ma conception de la littérature rejoint cette vision absolue de la conversion, en ce que les formes les plus extraordinaires de création littéraire ne sont pas, selon moi, l’œuvre du seul talent inné, du pur don de la création littéraire, même si ce don existe. Elles ne sont pas non plus l’œuvre d’une habileté technique, même si aucun écrivain ne peut être vraiment bon si sa technique n’est pas au point. 

Les écrivains qui me semblent les plus importants ne jugent pas leur « génie » comme un don naturel et inné. mais c’est pour eux un acquis tardif, le résultat d’une trans- formation personnelle qui n’est pas de leur fait, et qui s’ap- parente à une conversion. En travaillant sur la relation entre littérature et christianisme, j’ai été frappé par les similitudes entre une certaine forme de création littéraire et la conversion chrétienne. 

C’est Marcel Proust qui m’a ouvert les yeux sur cette parenté. Chez lui, le héros et l’écrivain ne sont de toute évidence qu’une seule personne, mais pas au même moment. Si, dans un premier temps, nous suivons le héros, à la fin du roman, c’est l’écrivain qui apparaît. Grâce à une rupture, un changement profond éprouvé par le romancier, le héros devient l’écrivain. mais cette rupture n’est pas le fait du romancier. Il a l’impression qu’il n’est pas réellement responsable de l’événement qui l’a transformé en romancier ». 

Copyright René Girard : « La conversion de l’art » (Grasset) 20, 50 euros /toutes Librairies et « La Boutique »

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