Rencontre Merkel/Hollande : une préoccupation avant tout française...<!-- --> | Atlantico.fr
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Quelques heures après son investiture, François Hollande effectuera ce mardi son premier déplacement officiel en Allemagne, où il rencontrera la chancelière Angela Merkel.
Quelques heures après son investiture, François Hollande effectuera ce mardi son premier déplacement officiel en Allemagne, où il rencontrera la chancelière Angela Merkel.
©Reuters

Non évènement !

Quelques heures après son investiture, François Hollande effectuera ce mardi son premier déplacement officiel en Allemagne, où il rencontrera la chancelière Angela Merkel. Pour les Allemands, cet évènement n'est ni attendu ni en mesure de porter atteinte à la popularité de la politique de rigueur défendue par la chancelière.

Jacqueline Hénard

Jacqueline Hénard

Jacqueline Hénard est une journaliste et essayiste allemande. C'est aussi l'ancienne correspondante à Paris du journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung et de Die Zeit.

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Atlantico : Quelques heures après son investiture, François Hollande effectuera ce mardi son premier déplacement officiel en Allemagne, où il rencontrera la chancelière Angela Merkel. Quel regard les Allemands portent-ils sur cette première rencontre, et quelles sont leurs attentes ?  

Jacqueline Hénard :C’est quelque chose qui intéresse beaucoup moins les Allemands que les Français. Ce n’est en effet pas un événement clé pour l’Allemagne, sachant qu’Angela Merkel était en poste avant la rencontre, et restera en fonction après cette dernière. Ensuite, l’équilibre au sein du couple franco-allemand a beaucoup changé, de par les positions respectivement occupées par les deux dirigeants, sans oublier la nouvelle répartition des forces économiques en présence.

La vision française voudrait que la politique de la chancelière soit dictée par le monde financier et vouée à l’austérité. Vu d’Allemagne, les choses se présentent différemment… Angela Merkel est d’ailleurs personnellement très populaire.

La CDU d'Angela Merkel (le parti chrétien-démocrate) a toutefois enregistré son plus mauvais score historique (26,3% des voix contre 39,1% pour le SPD) lors d'un scrutin régional test organisé dimanche en Rhénanie du Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé d'Allemagne.

La défaite cinglante essuyée par la CDU en Rhénanie du Nord et Westphalie n’empêche pas un engouement populaire pour la chancelière, qui recueille plus de 60% d’opinions favorables, alors que son parti plafonne entre 30 et 35%. Le soutien à Angela Merkel ne se limite donc pas aux partisans de la CDU.

Les raisons de cette débâcle sont multiples, et la politique économique n’en est qu’une parmi d’autres. Il s’agit plus d’une sanction à l’encontre d’un parti au pouvoir que de la sanction de la politique conduite par Angela Merkel. Si Hannelore Kraft a gagné les élections pour le SPD (Parti social-démocrate), c’est avant tout car elle a fait une campagne délibérément régionale, proche des électeurs et de leurs attentes. Ils ont donc voté pour elle avant de voter pour le SPD. Ces résultats ne sont donc pas révélateurs d’une campagne au niveau fédéral.

Angela Merkel est d’ailleurs perçue comme calme, apte à négocier sur la scène européenne, puisqu'elle garde à l’esprit la nécessité de conduire des réformes structurelles en faveur de la croissance.

Reste une opposition marquée entre François Hollande et Angela Merkel sur les moyens du retour à la croissance. D'un côté, une France pour la relance, de l'autre une Allemagne pour l'équilibre budgétaire à tout prix. Le président français peut-il convaincre les Allemands ? 

La France n’a pas la main mise sur cette volonté de renouer avec la croissance, tout le monde veut y arriver. La question porte donc sur les moyens mis en œuvre pour renouer avec la croissance.

Les Allemands ont conduit un certain nombre de réformes structurelles (les réformes Hartz sous le mandat du chancelier Gerhard Schröder) qui se sont concrètement traduits par des efforts individuels, comme la baisse des salaires. La crise a frappé l’Allemagne comme les autres pays, mais il y a eu une stratégie collective pour en sortir, et les Allemands ne se sont pas prêts à sacrifier le fruit des efforts produits au risque de l'endettement.

Cette crainte est d'ailleurs traduite par tous les sondages, depuis une vingtaine d’année. Cette année encore, plus de 70% des Allemands sondés se sont prononcés comme inquiets vis à vis de l’endettement de leur pays, craignant une inflation galopante… Mais en contrepartie, le chômage ne fait plus partie des grandes inquiétudes.

Les Allemands sont donc méfiants vis à vis de la politique portée par le nouveau président français...

Les Allemands ne sont pas totalement butés. Mais ils soupçonnent François Hollande de vouloir financer la croissance par le biais de déficits budgétaires, oubliant par là-même les réformes structurelles qui devront être portées pour satisfaire à l’équilibre budgétaire.

En Allemagne, la retraite à 67 ans est aujourd’hui acquise et on négocie la retraite à 68 ans. Imaginez les considérations allemandes à l’égard d’un pays qui ose discuter le retour de la retraite à 60 ans. Cela paraît complètement aberrant.

Pour toutes ces raisons et d'autres encore, ils n'imaginent pas François Hollande dans le rôle de "sauveur" de la zone euro.

De son côté, le modèle socio-économique allemand essuie ses premiers revers. Négociations syndicales pour une hausse des salaires, récession évitée de justesse sur le premier trimestre 2012... Les Allemands ont-ils pris conscience que la bonne santé de leur économie dépendait également de celle de la zone euro ?

Certes, des négociations ont eu lieu et des hausses de salaires ont été accordées, de l’ordre de 6,5%. L’idée étant de procéder à une harmonisation du niveau des salaires entre les différents secteurs industriels.

Quant à la croissance, elle devrait repartir sur l'année 2012, aux alentours de 0,6%. 

Ensuite, c'est un argument très français de dire, « si les allemands exportent 60% de leur production au sein de la zone euro, ils seront bien obligés de faire des concessions… ». Mais les Allemands ne raisonnent pas ainsi. Certes, ils sont conscients que leurs exportation dépendent à 60% de la zone euro, mais ne sont pas non plus fermés aux autres marchés. Ils ont énormément profité de l’Europe sur le plan économique, et de l’introduction de l’euro, mais sont également prêts à aller chercher les marchés là où ils sont. Si la zone euro n’est plus en mesure de satisfaire à l’écoulement de la production allemande, cette dernière se tournera vers de nouveaux marchés.

Le risque de la logique actuelle, qui voudrait que les négociations reposent sur le fait que les Allemands sont dépendants économiquement de la zone euro, est l’accélération du déclin de l’économie européenne, ainsi qu’une entrée en solitaire de l’économie allemande sur le terrain de la mondialisation.

Je rappelle enfin que les Allemands n’en sont pas moins actifs sur la scène européenne : ils ont porté une multitude de projets qui étaient déjà sur la table, ils ont essayé de tendre la main aux Britanniques qui s’étaient eux-mêmes mis en marge de l’avancée européenne. Le partenaire français reste donc un collaborateur de choix pour faire avancer les négociations en faveur de plus d’Europe politique, et les Allemands ne l’oublient pas, malgré les différences. Le couple franco-allemand va devoir dans un premier temps se sonder pour définir de manière plus claire les positions de chacun sur la croissance et l’équilibre budgétaire. Ensuite seulement, les négociations pourront être engagées.

Propos recueillis par Franck Michel

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