Rencontre annuelle des musulmans de France : la droite peut-elle récupérer le vote musulman sur les questions sociétales ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un bureau de vote à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
Un bureau de vote à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
©Reuters

Barre à tribord !

La rencontre annuelle des musulmans de France se déroule jusqu'au 21 avril, avec pour thème central la famille. Insatisfaits par les mesures sociétales et économique du gouvernement actuel, ils tendent progressivement vers un ancrage à droite.

Haoues Seniguer

Haoues Seniguer

Haoues Seniguer est maître de conférences en science politique à l'Institut d'Études Politiques de Lyon (IEP)

Il est aussi chercheur au Triangle, UMR 5206, Action, Discours, Pensée politique et économique à Lyon et chercheur associé à l'Observatoire des Radicalismes et des Conflits Religieux en Afrique (ORCRA), Centre d'Études des Religions (CER), UFR des Civilisations,Religions, Arts et Communication (CRAC), Université Gaston-Berger, Saint-Louis du Sénégal.

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Atlantico : 85 %  des électeurs musulmans ont voté pour François Hollande au second tour de la présidentielle en 2012, puis le Parti socialiste a été lâché par les musulmans aux municipales. Sont-ils en train de se tourner vers la droite ?

Haoues Seniguer : Je crois qu’il faut prendre garde aux diagnostics un peu trop rapides. Le Parti socialiste a sans aucun doute perdu des points auprès de son électorat classique, composé en partie des musulmans des couches populaires. Mais cette tendance n’a pas été forcément observée dans l’ensemble des municipalités. Les élections locales, par définition, portent essentiellement sur des enjeux locaux et il est donc  fort probable que des musulmans, lesquels ne constituent pas un tout homogène, aient voté PS malgré la déception vis-à-vis du début de mandat de François Hollande.

Cette déception pourrait muer, en effet, en un ancrage à droite et à l’extrême droite de plus en plus prégnant. C’est déjà le cas chez nombre de musulmans qui basculent progressivement vers la droite sans forcément voter encore pour les droites parlementaires. Enfin, n’oublions jamais que l’expression « électorat musulman » est à manier avec précaution, car elle semble vouloir signifier, de manière indue, que les musulmans votent comme des musulmans alors même qu’ils peuvent très bien voter en tant que « salariés modestes », « ouvriers », « entrepreneurs »…mais aussi bien sûr parfois en tant qu’ « islamistes » !

Ce décrochage de l'électorat musulman peut-il s'expliquer à lui seul en raison des réformes sociétales menées par le PS ?

Ce décrochage peut s’expliquer de deux façons : d’une part, outre le scandale Cahuzac par exemple, l’incapacité manifeste du gouvernement à enrayer de façon significative  la courbe ascendante du chômage qui frappe de plein fouet les habitants des quartiers populaires, et notamment ceux issus de l’immigration. D’autre part, ce qui est le corollaire du premier point, le sentiment que le gouvernement socialiste insiste effectivement beaucoup trop  sur le volet sociétal et pas assez, avec des résultats suffisamment probants, sur le volet socio-économique. Le sociétal n’est, en définitive, pas nécessairement le moteur premier de la déception, dans la mesure où les musulmans qui ont voté pour François Hollande en 2012 savaient que la proposition concernant le mariage des couples de même sexe figurait dans son programme. 

Les votes à droite de la part des musulmans sont-ils une manière de sanctionner la gauche ou s'agit-il d'un vote d'adhésion ?

Le vote des musulmans pour des formations de droite, quelles qu’elles soient, peut aussi bien s’expliquer pour des raisons idéologiques, c’est-à-dire d’adhésion, que pour des raisons de défiance à l’égard d’une gauche qui  semble manifestement les décevoir dans la conduite des affaires du pays. La déception à l’arrivée, de la sorte, est souvent proportionnelle aux attentes de départ. Autrement dit, plus celles-ci sont grandes, plus l’absence à leurs yeux de résultats peut se traduire par l’abstention ou le ralliement des droites. Mais j’aurais tendance à croire, je peux néanmoins me tromper, que ces électeurs tendent beaucoup plus à se réfugier dans l’abstention.

Les musulmans militants pour la droite, voire l'extrême droite, sont-ils de plus en plus nombreux ? En quoi les séduit-elle ? Comment répond-elle aux attentes de cette tranche de la population ?

A l’occasion de la Manif pour Tous de 2013 et des Journées de Retrait de l’Ecole (JRE), initiées, en 2014, par Farida Belghoul, une proche de l’essayiste Alain Soral, on perçoit le basculement à l’extrême droite d’une partie des musulmans traditionnellement engagés dans le tissu social français, à l’instar de Camel Bechikh, membre de l’Union des Organisations des Musulmans de France (UOIF) et porte-parole de la Manif pour Tous, ou encore de Nabil Ennasri, président du Collectif des Musulmans de France, émule et thuriféraire de Tariq Ramadan et Yûsuf al-Qaradhâwî. Ce qui peut les séduire dans la parole de droite et/ou d’extrême droite, c'est le discours sur la famille ou les valeurs. Pour ces derniers, même s’ils se gardent bien de prononcer de telles paroles dans l’espace public, la gauche cultive et promeut le vice et la déviance. Mais cela est variable d’un acteur à l’autre. Camel Bechikh est par exemple un admirateur de Charles Maurras, d’Alain Soral et est par ailleurs fortement séduit par le discours identitariste d’une Marine le Pen. Nabil Ennasri, lui, refuse de donner ses voix au Front national.

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