Réforme des retraites : serait-il vraiment injuste de demander un effort sur le niveau des pensions ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La réforme des retraites est l'une des priorités d'Emmanuel Macron.
La réforme des retraites est l'une des priorités d'Emmanuel Macron.
©©GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Réforme des retraites

Le rapport annuel 2022 du Conseil d'orientations des retraites (COR) sur les "évolutions et les perspectives des retraites en France" a été publié jeudi 15 septembre

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Atlantico : Chaque année, la parution d’un nouveau rapport du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) provoque de nombreux remous dans la sphère politique. Que ressort du dernier rapport, publié le 15 septembre dernier, notamment sur la pertinence ou non d’une réforme des retraites ?

Marc de Basquiat : La lecture des rapports annuels du COR est toujours intéressante pour ceux qui travaillent sur ces questions. Sous la direction dynamique de Pierre-Louis Bras, l’équipe d’experts réalise un travail remarquable pour présenter de façon relativement claire des observations actualisées et des projections construites à partir d’hypothèses qu’on peut qualifier de raisonnables. Celles-ci sont identifiées de façon transparente dès le début du rapport qui intègre « les prévisions économiques élaborées par le Gouvernement dans le cadre du Programme de Stabilité 2022-2027 et les comptes définitifs de 2019, semi-définitif 2020 et provisoire 2021 publiés par l’INSEE ». 

Le COR précise qu’il « ne prétend pas présenter des prévisions économiques », mais que « son ambition est de présenter des scénarios suffisamment contrastés et raisonnables pour balayer un large éventail des possibles et éclairer ainsi le débat sur les évolutions futures du système de retraite français. (…) Aucun des scénarios n’est privilégié par le COR ».

Cette précision méthodologique est extrêmement importante : si des hypothèses plus ou moins optimistes induisent les graphiques du COR, ce sont bien celles choisies par le gouvernement. 

On le vérifie visuellement en comparant le même graphique figurant 4 années de suite dans le rapport du COR, montrant « le solde observé et projeté du système de retraite selon la convention comptable retenue ».

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En novembre 2019, à la veille du déclenchement de la vague COVID, le gouvernement voulait encore croire à la possibilité d’une réforme ambitieuse. Coïncidence ? Le rapport du COR présentait des perspectives affligeantes à horizon 2030 (cf. figure 2016, page 51).  

En novembre 2020 (puis en juin 2021), alors que la France déprimait après des confinements angoissants, le rapport du COR prolongeait jusqu’en 2070 des courbes assez réconfortantes (cf. figure 2.11, page 89).

En septembre 2022 enfin, les courbes s’affaissent quelque peu, écartant le mythe d’une difficulté financière temporaire de notre système de retraite (cf. figure 2.19, page 100). On remarque également que le graphique construit avec la convention EPR est désormais affiché avant celui de la convention EEC, ce qui renforce l’impression visuelle de dégradation.

Le COR précise que « le niveau du solde est très sensible au scénario économique retenu ; pour l’essentiel il s’agit du reflet de la sensibilité de la part des dépenses dans le PIB aux hypothèses de croissance de la productivité du travail ». 

Ainsi, une lecture un peu rigoureuse des rapports du COR incite à y voir une traduction graphique des hypothèses du gouvernement plutôt qu’une indiscutable « prévision scientifique », domaine où Nostradamus a – de notoriété publique – une meilleure expertise que les économistes dont ce n’est pas le métier. 

En France, le niveau de vie moyen des retraités est supérieur à celui de l’ensemble de la population depuis le milieu des années 1990. Au regard de l’évolution de la démographie, ne faudrait-il pas au-delà de la question de l’âge de départ à la retraite et du taux de prélèvement des actifs accepter de poser la question du niveau des pensions ?  

Un graphique du dernier rapport (page 75) doit être pris très au sérieux : il montre l’évolution démographique de la population retraitée, comparée à celle des actifs cotisants dans le système. 

Le resserrement continu des deux populations est un fait indiscutable, une menace dont les pays nous précédant dans l’hiver démographique (Japon, Italie, Allemagne, etc.) montrent les effets désastreux. On comprend bien que l’équilibre du système est menacé à moyen terme, sauf à adopter des mesures drastiques.

Ainsi que nous l’avons un peu détaillé dans un rapport publié avec le think tank Generation Libre en 2020, il existe en théorie quatre logiques d’équilibre d’un système de retraite. Depuis des décennies, les gouvernements successifs se sont toujours refusés à réduire les pensions versées et n’ont plus de latitude pour augmenter les cotisations des actifs, déjà très élevées en France. Ils sont polarisés sur une seule option : allonger la durée de cotisation et/ou retarder l’âge de départ à la retraite. Posé en ces termes simples, le débat est nécessairement conflictuel, les actifs refusant majoritairement ce qui est vécu comme une régression sociale par rapport à leurs aînés.

Constatant cette situation de blocage, voyez-vous d’autres options ?

Il me semble que ce blocage est causé par un problème de fond : le citoyen en activité n’est pas en mesure de comprendre l’équation économique qui lie le niveau de sa pension future avec ses cotisations passées et ses choix contemporains. Tous nos systèmes forment un échafaudage trop compliqué pour qu’il puisse saisir aisément le rapport entre sa situation personnelle et l’équation macro-économique du pays. Comment pourrait-on mobiliser sa responsabilité de citoyen ?

Pourtant, l’équation fondamentale d’un système par répartition est évidente. Au niveau macro-économique, il s’agit d’équilibrer chaque année la masse des cotisations avec la masse des pensions versées – les populations étant statistiquement dénombrées avec précision. Au niveau micro-économique, la logique première est d’équilibrer la masse de cotisations versées par chacun au cours de ses années d’activité avec son espérance de vie multipliée par le niveau de sa pension. 

Si notre système de retraite était simple au point de permettre à chacun d’en comprendre les paramètres, on peut espérer qu’une conscience collective émergerait pour guider chacun dans des choix responsables. A défaut, nous resterons dans une épreuve de force irrationnelle, à l’Assemblée et probablement dans la rue. 

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