Recensement 2014 : les surprenantes réalités géographiques locales qui se cachent derrière les moyennes nationales<!-- --> | Atlantico.fr
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Une poupée alsacienne.
Une poupée alsacienne.
©Reuters

Douce France (hétéroclite)

Les chiffres de l'Insee montre un accroissement de la population française, et un recul de la fécondité. Des moyennes qui ont certes un sens, mais qui brouillent la vision des disparités locales flagrantes. Alors que certaines régions connaissent un dynamisme démographique intense, d'autres, parfois surprenantes, stagnent.

Gérard-François Dumont

Gérard-François Dumont

Gérard-François Dumont est géographe, économiste et démographe, professeur à l'université à Paris IV-Sorbonne, président de la revue Population & Avenir, auteur notamment de Populations et Territoires de France en 2030 (L’Harmattan), et de Géopolitique de l’Europe (Armand Colin).

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Atlantico : Si les chiffres de l'Insee montrent, à l'échelle nationale, une hausse de la population de la France, mais aussi un recul de l'âge de la maternité et une baisse des naissances, ces tendances sont-elles uniformes sur le territoire ? Y a-t-il des régions qui vont nettement à contre-courant ?

Gérard-François Dumont : Les évolutions démographiques présentent selon les régions des écarts considérables dans le taux de natalité, le solde naturel, c’est-à-dire la différence entre les naissances et les décès, et le solde migratoire. Deux régions, la Corse et le Languedoc-Roussillon, ont un taux de croissance de leur population supérieur à 1%, légèrement plus du double de la moyenne nationale. Rhône-Alpes, au troisième rang des accroissements démographiques, se situe juste en dessous de 1%. A l'inverse, quatre régions sont dans une situation de stagnation démographique : la Bourgogne, la Lorraine, Champagne-Ardenne et le Limousin.

Les taux d’accroissement démographique les plus élevés sont majoritairement situés sur des régions du littoral, à l'exception de Provence-Alpes-Côte d'Azur qui a maintenant un taux d'accroissement inférieur à la moyenne nationale. Un autre élément notable est le taux d'accroissement démographique de l'Ile-de-France, seulement égal à la moyenne nationale, ce qui indique clairement la faible attractivité de la grande métropole française. Ces données montrent d'ailleurs l'erreur courante aujourd'hui dans la doctrine nationale[1], celle qui a conduit à voter une loi sur les « métropoles » selon laquelle dès qu'un territoire possèderait une métropole, il serait attirant. C'est faux en France comme à l’étranger[2]. Effectivement, le solde migratoire de l'Ile-de-France est largement négatif. L’importante immigration internationale que connaît cette région est largement compensée par des départs de l’Île-de-France vers les autres régions françaises, les pays du Nord plus attractifs (Royaume-Uni, Amérique du Nord…) ou des pays émergents. L’accroissement démographique de la région capitale repose donc exclusivement sur son solde naturel élevé. Ce dernier vient notamment des départements périphériques à Paris, dont la Seine-Saint-Denis, où résident des populations jeunes et dont une partie, issue de l'immigration, a une fécondité supérieure à la moyenne nationale.

Notons enfin qu'en Outre-mer, la Martinique a désormais un taux d'accroissement négatif et la Guadeloupe ne connaît qu'une très faible croissance. En revanche, la Guyane est toujours en tête des départements français (Mayotte non compris) avec une croissance quatre fois supérieure à la moyenne nationale.

L'enfant arrive de plus en plus tard pour des raisons "économiques" pas toujours bien définies. Le recul de l'âge des naissances est-il plutôt un problème de manque d'emplois, touchant plutôt les zones en déclin, ou au contraire de féminisation massive des emplois qualifiés, touchant les zones les plus dynamiques ?

Le recul général et régulier de l’âge à la maternité est lié au fait que les couples, de façon générale, choisissent d'avoir des enfants quand les études sont terminées, et qu'ils pensent être bien installés dans l'emploi. Une première raison est donc, tout simplement, l'allongement de la durée de la formation initiale. Même si nous n'avons pas de chiffres précis, nous voyons également une corrélation avec un autre recul, celui de l'âge de la mise en couple.

Y a-t-il globalement un accroissement, ou une réduction des différences territoriales ? La France est-elle de plus en plus homogène ou de plus en plus hétérogène géographiquement ?

La situation démographique est de plus en plus hétérogène selon les territoires. Tout un faisceau de facteurs explique les différences qui ont tendance à s'accentuer. Il y a déjà des facteurs culturels qui peuvent expliquer les différences de fécondité selon les territoires, mais aussi des attitudes de prévention sanitaire qui jouent sur l'espérance de vie – on le voit avec la nette différence Nord/Sud. A cela se rajoute l'effet des migrations, qu'elles soient internes (amenant à privilégier soit des régions dynamiques comme Rhône-Alpes, soit le littoral) ou internationales, bénéficiant alors plutôt aux grandes métropoles, puisque l'Ile-de-France capte par exemple 40% de l’immigration internationale en France. Enfin, il ne faut pas omettre les différences d’attractivité qui sont notamment fonction des gouvernances territoriales[3].

A long terme, les zones sinistrées s'annoncent-elles les mêmes que ces dernière décennies ? Que peut-on en déduire des chiffres publiés par l'Insee ?

Pour l'instant, nous sommes – en simplifiant –dans une logique de migrations internes du Nord vers le Sud. Cela pourrait évoluer pour deux raisons. D'une part, le développement de meilleures gouvernances territoriales pourrait redonner de l'attractivité aux territoires du Nord et de Nord-Est qui ont le plus souffert de la désindustrialisation. D'autre part, les aménités territoriales pourraient se modifier, notamment sous l'effet des changements climatiques. En effet, si la moitié sud de la France, comme il est projeté par le Groupe sur le climat (GIEC), doit connaître à l'avenir des canicules de plus en plus nombreuses, les zones plus septentrionales pourraient alors être privilégiées pour certaines migrations internes.


[1] Dumont, Gérard-François, « Territoires et potentialités de développement », Relief, 2013.

[2] Dumont, Gérard-François, « L’urbanisation : un processus global, une réalité locale », Population & Avenir, n° 715, novembre-décembre 2013.

[3] Dumont, Gérard-François, Diagnostic et gouvernance des territoires, Paris, Armand Colin, 2012.

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