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Ratification de la COP21 : pourquoi la conjoncture économique pourrait rapidement limiter la portée de l'accord de Paris sur le climat
©Reuters

Transformer l’essai

Si l'accord de Paris a bien été ratifié par l'Assemblée nationale, c'est désormais aux collectivités locales et aux acteurs privés de faire respecter ces engagements. Une adaptation qui s'annonce délicate dans un contexte de resserrement des budgets et de croissance morose.

Henri Landes

Henri Landes

Henri Landes est Directeur général de la Fondation GoodPlanet. Il enseigne aussi la politique de l’environnement à SciencesPo Paris depuis 2013 et est le cofondateur de CliMates, un think et do tank sur le changement climatique. Il a également cofondé une start up, Croc, un traiteur bio, local et zéro déchet en Ile-de-France. Franco-américain, il s’intéresse à la comparaison entre la politique américaine et la politique française, notamment sur les questions écologiques. Il est le coauteur avec Thomas Porcher de l'ouvrage sur la COP21, Le déni climatique (novembre 2015) et auteur de Allô Houston, ouvrages respectivement sur la politique climatique internationale et sur la politique américaine. Diplômé de SciencesPo Paris en Affaires internationales et de l’Université de Californie, Davis, Henri Landes a grandi a New York et San Francisco avant de s’installer à Paris en 2009. Il est passionné par la biodiversité marine, et est par ailleurs ancien joueur de tennis de haut niveau.

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Atlantico : Ségolène Royal a appelé mardi 17 avril les membres de l'Union européenne à soumettre les engagements pris à Paris fin 2015 à leurs parlements respectifs. Concernant la France quelles sont les prochaines étapes, que reste-t-il à définir ?

Henri Landes : L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi pour la ratification de l’accord de Paris. C’est maintenant au tour du Sénat, l’examen est prévu le 8 juin. Si tout se passe bien, la France sera le premier pays industrialisé à le faire, et le premier pays de l’Union européenne. Nous pouvons nous en féliciter et c’est un signal très positif envoyé à la communauté internationale, notamment avant la COP22 au Maroc.

La France présidera la COP21 jusqu’à la COP22. Jusqu’à novembre, elle doit continuer à mobiliser les pays dans la signature et la ratification de l’accord (177 pays l’ont signé, seulement 16 pays l’ont ratifié).

La France peut aussi encourager les pays qui n’ont pas encore rendu leur contributions nationales (« Intended Nationally Determined Contributions ») à le faire le plus rapidement possible. Ce sont elles les vrais outils des négociations climatiques. Il est pertinent à terme d’y inclure plus que des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique. Par exemple, les INDC pourraient inclure dans l’avenir des objectifs sur la transition écologique de l’agriculture. C’est en ce faisant que nous accélèrerons le décloisonnement de la question climatique et que les décideurs percevrons davantage le nécessaire lien entre l’impératif climatique et les différents secteurs fonctionnement de l’économie.

La France doit continuer à valoriser l’action de la société civile, des collectivités locales et des entreprises dans le cadre de l’Agenda des solutions. Ce dernier était un grand facteur dans la réussite de la COP21.

Enfin, la France a sa propre transition écologique et énergétique à mener, autant pour montrer son exemplarité à la communauté internationale que pour redresser son économie et pour favoriser le progrès social. Une société plus écologique est une société plus résiliente sur le plan économique et plus juste sur le plan social.

Si c'est le gouvernement qui a signé ces accords, ce seront aux émetteurs de gaz à effets de serre de s'adapter à la réglementation. A quelles difficultés les acteurs publics locaux et la société civile seront-ils confrontés ?

Pour les collectivités locales, une première difficulté sont les moyens financiers et techniques à leur disposition pour opérer la transition écologique et énergétique. La France est un pays très centralisé aux niveaux des décisions politiques, des compétences techniques et des moyens financiers. La réalité est que parmi les grandes puissances économiques, ce sont les pays davantage décentralisés qui avancent plus vite. L’Allemagne, les Etats-Unis sont deux exemples. Certes, ils doivent respectivement régler des problèmes sur le charbon et sur les gaz de schiste, mais ils sont indépendamment de cela tous les deux champions du développement des énergies renouvelables. Dimanche dernier, l’Allemagne a atteint 100 % d’énergie renouvelable dans sa consommation.

La principale difficulté pour les entreprises aujourd'hui est l’absence d’un prix mondiale du carbone. S’il y avait un prix à plus de 150 euros la tonne de carbone émise au niveau mondial, les entreprises et les investisseurs seraient incités à privilégier les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique plus rapidement parce qu’ils auraient une garantie de retour sur leur investissement. Un prix mondial sur le carbone ferait aussi en sorte que certains acteurs et d’autres pays ne pourraient plus continuer à polluer en toute impunité. Nous supprimerions ainsi le phénomène du passager clandestin qui tire l’effort global de lutte contre le changement climatique vers le bas.

Perspectives économiques moroses, baisse des dotations aux collectivités locales... Par quels moyens l'Etat peut-il encadrer ces baisses d'émissions de gaz à effet de serre ? Dans un contexte économique difficile, existe-t-il des solutions pour les encourager dans ce sens, et le gouvernement vous donne-t-il l'impression de vouloir aller dans ce sens ?

Le Gouvernement donne des signaux contradictoires sur la transition énergétique. Récemment, Ségolène Royal a fait des annonces positives sur le financement des énergies renouvelables. Cependant, les décisions prises sur le nucléaire ne vont pas dans le même sens. Ce n’est même pas une question d’être pour ou contre le nucléaire, il s’agit de respecter les objectifs fixés dans la loi transition énergétique votée au parlement. Réduire le nucléaire de 75 % à 50 % dans la production électrique nécessiterait la fermeture d’une vingtaine de réacteurs d’ici 2025. Or, EDF a annoncé la fermeture de seulement deux réacteurs dans la décennie à venir. Investir des milliards dans le maintien de la majorité de nos centrales nucléaires freine la transition énergétique non seulement parce que ce sont des fonds qui ne sont pas consacrés aux énergies renouvelables ou à la rénovation énergétique des bâtiments et des réseaux de transport de l’énergie, mais aussi parce que cela maintiendrait le modèle énergétique dans un modèle centralisé qui ne libère pas le potentiel des énergies renouvelables produites et consommées localement. Or, ce dernier modèle permettrait justement aux collectivités de faire des économies et susciterait davantage d’acceptabilité sociale et de participation citoyenne dans les projets, notamment à travers des coopératives et du financement participatif.

Il y a pleins de solutions. En termes de technologie, elles sont toutes à portée de main. Par ailleurs, l’argent privé est beaucoup plus abondant qu’on ne le croit. Mais il faut encourager les projets qui dynamisent l’économie locale et l’économie réelle. Si les gens savent dans quoi ils investissent et que leur argent reste dans un circuit court et fermé, ils le font plus volontairement. La transition énergétique est une opportunité de récréer du lien social.

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