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Racisme anti-blanc : le dangereux déni de réalité de cette justice qui ne voulait pas avoir à connaître l’existence des “Français dits de souche”
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Racisme avec un "s"

Si en janvier 2014 la cour d'appel de Paris retenait la circonstance aggravante de "racisme" dans une affaire où les insultes "sale Blanc" ou "sale Français" avaient été prononcées, un an après, la notion de "Français blancs" reste problématique. Le 19 mars, le tribunal correctionnel de Paris estimait que les "Français blancs dits de souche" ne constituaient pas un "groupe de personnes" au sens de la loi française, relaxant un rappeur et un sociologue attaqués pour racisme anti-blanc par une association.

Vincent Tournier

Vincent Tournier

Vincent Tournier est maître de conférence de science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

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En janvier 2014, la cour d'appel de Paris a  retenu la circonstance aggravante de « racisme » dans le cadre d'une affaire où des insultes telles que « sale Blanc » ou « sale Français » avaient été prononcées. Pourtant, un peu plus d'un an après, en mars 2015, les « Français blancs dits de souche » ne constituent pas un « groupe de personnes » au sens de la loi française, a estimé jeudi le tribunal correctionnel de Paris, qui a relaxé un rappeur et un sociologue attaqués pour racisme anti-blanc par une association.]

Atlantico : Cette décision révèle-t-elle l'incapacité de la société française à appréhender le phénomène du racisme anti-blanc ? 

Vincent Tournier : Ces décisions contradictoiresillustrent effectivement toute la difficulté de la situation actuelle : d’un côté, des élites qui sont mal à l’aise avec les catégories raciales, notamment lorsqu’il s’agit de penser les caractéristiques de la population majoritaire puisque, dans l’imaginaire républicain, la France ne se définit pas par un critère ethnique ou racial ; mais d’un autre côté, une réalité sociétale qui voit monter en force les revendications identitaires fondées notamment sur les critèresethnoraciaux. Or, ces identités s’accompagnent de tensions, voire de haines. C’est assez logique car les identités fonctionnent souvent sur une logique de confrontation. On découvre ainsique, contrairement à la mythologie naïve que nous a léguée le moment post-colonial, les préjugés et les haines raciales ne sont pas réservés aux Européens.

Un aperçu en avait été donné voici quelques années lorsque HouriaBouteldja, la militante du mouvement des Indigènes de la République, avait lancé sa fameuse formule du « souchien » pour désigner les Français de souche, tout en jouant sur l’expression injurieuse du « sous-chien ». Le tribunal d’instance puis la cour d’appel de Toulouse, contredisant les réquisitions du Parquet,avaient cependant décider de la blanchir de l’accusation d’injure raciale, considérant que la notion de Français de souche n’avait aucune réalité.C’est le même argumentaire qui est utilisé aujourd’hui. Or, il est étonnant à double titre : d’abord parce qu’il sous-entend que le racisme n’existe que lorsqu’il est question d’une race établie scientifiquement, ce qui revient à oublier que la législation parle de race « réelle ou supposée » ; ensuite parce qu’il néglige que le mouvement des Indigènes est littéralement obsédé par la question raciale. Il suffit d’aller liresa charte adoptée en 2010, où onn’a aucun scrupule à dénoncer froidement « le pouvoir blanc » et « l’Europe blanche ». Rappelons aussi qu’HouriaBouteljda a écrit une lettre ouverte à « Eric Zemmour l’israélite », lettre qui s’arrange évidemment pour éviter d’être ouvertement antisémite, mais qui en dit long sur l’idéologie sous-jacente.

Le mouvement des Indigènes n’est pas un cas isolé. On voit que d’autres mouvements se constituent autour d’une identité raciale, dont certains ont d’ailleurs été dissous par le gouvernement comme Tribu Ka. S’agit-il de mouvements marginaux ? Oui par leur radicalité, mais non par leur préoccupation. On a ainsi vu apparaître le CRAN et sa volonté d’instaurer un concours des « miss Noires », ou sa demande plus récente d’imposer un quota de 10% de minorités raciales dans les élections. Curieusement, ces demandes identitaires sont globalement bien reçues par certaines élites. En mai 2014, le magazine du Monde a ainsi consacré un dossier à la nouvelle « élite noire », ces associations de cadres qui s’assument en tant que Noirs. Que dirait-on pourtant si une « élite blanche » entendait s’afficher dans les médias et créer un concours des miss France Blanches ?

A ne pas nommer les choses risque-t-on de cristalliser des tensions et de mettre à mal la cohésion sociale ? 

Ce qui cristallise les tensions, c’est qu’il y a un double discours. D’un côté, on ne nomme pas les choses, comme le montre l’exemple des Français de souche ; mais de l’autre, on voit bien qu’une partie des élites est en réalité obnubilée par les questions de race puisqu’on ne cesse de dénoncer la sous-représentation de certaines minorités. Or, on ne peut dénoncer une sous-représentation que si l’on est en mesure d’identifier une majorité et une minorité, ce qui implique qu’il existe une « population de souche ».

Prenons un exemple intéressant : le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Cet organisme prend très au sérieux sa mission consistant à évaluer la « diversité » dans les médias audiovisuels. Depuis 2009, il a donc mis en place un suivi statistique. Chaque année, sur une durée de deux semaines, il comptabilise la fréquence d’apparition des personnes en fonction de quatre critères : l’origine sociale, le genre, le handicap et « l’origine perçue ». Les deux premiers critères ne posent pas trop de problèmes et donnent même des résultats intéressants : ils montrent notamment la sur-représentation massive des CSP supérieures dans les médias. Les deux critères suivants sont plus délicats, surtout le dernier. Qu’est-ce qu’une origine ? Si l’on part du principe que les Français de souche n’existent pas, comment savoir si les minorités sont sous-représentées ou sur-représentées ? Le CSA se contente d’une distinction sommaire : les « blancs » et les « non blancs ». Assez hypocritement, le CSA précise qu’il s’agit de la couleur « perçue », comme s’il était sérieusement possible d’avoir un doutesur ce point (en dehors des cas particuliers). On est là au cœur du problème : les Blancs sont de fait assimilés à la population de souche, ce qui n’est d’ailleurs pas du tout vérifié (on peut très bien être blanc et issu de l’immigration). Bref, les « Français de souche » ne sont pas censés exister, mais on sait quand même les compter pour dénoncer leur surreprésentation. On pourrait d’ailleurs ajouter que cette étude ne peut déboucher sur aucune conclusion. En effet, si les résultats indiquent que85% des intervenants dans les médias sont des « Blancs » (contre 15% pour les « non Blancs »), comme personne ne peut dire qu’elle est la proportion réelle de « non Blancs » dans la société, il est de fait impossible de dire si les « Blancs » sont sur-représentés ou non.

Ne pas reconnaître l'existence du racisme anti-blanc laisse-t-il au Front national le monopole du réel ? Quels sont les dangers d'un tel déni de réalité sur la scène politique ? 

Concernant le Front national, celui-ci peut profiter du sentiment d’abandon qu’éprouve une partie de la population, confrontée dans son quotidien au choc des cultures et des mœurs. Rappelons aussi que, comme l’ont montré Michèle Tribalat et Bernard Aubry, dans certaines communes, c’est la population majoritaire qui se trouve en minorité. Cela dit, le séparatisme territorial fait qu’une grande partie de la population est parvenue à éviter cette confrontation, notamment chez les cadres, en s’expatriant dans des quartiers protégés par le coût de l’immobilier. Pour elle, le racisme anti-blanc n’est qu’une construction militante qui n’a aucun fondement. De fait, tout un pan de la réalité lui échappe : par exemple, elle méconnaît les rivalités qui peuvent exister entre les minorités elles-mêmes, et qui obligent d’ailleurs les offices HLM à prendre de multiples précautions pour limiter les tensions.Quoiqu’il en soit, cette diversité des situations vécues est une des raisons qui expliquent le plafond de verre que rencontre le Front national dans les élections, comme on l’a vu dimanche dernier, où le FN s’est avéré incapable d’élargir sa base électorale du premier tour.Le politologue Pierre Martin l’avait très bien analysé dans une note en 1996 : le FN est et demeure une « force impuissante ». Ces élections n’ont fait que valider ce constat. Certes, le FN peut prospérer sur le malaise social et identitaire, mais il ne peut espérer aller au-delà de 25-30%. C’est certes beaucoup, mais cela reste insuffisant pour accéder au pouvoir. Donc, à moins d’un événement extraordinaire, il est condamné à faire de la figuration au premier tour.

Cela dit, la question des identités racialesn’en constitue pas moinsl’un des grands enjeux de demain, avec la religion. Jusqu’à présent, la société française a refusé d’officialiser les grilles de lecture raciale. Les statistiques dites « ethniques » sont interdites, et l’Etat se veut aveugle aux différences de races. Dans son programme, François Hollande avait même relancé l’idée de supprimer le mot « race » de la Constitution pour ne pas donner le sentiment d’accréditer une notion considérée comme infondée. Cette proposition n’est plus d’actualité, ce qui est finalement discutable car elle pourrait aujourd’hui se justifier par le fait qu’il est nécessaire d’affirmer symboliquement que, malgré les demandes (par exemple pour avoir des statistiques ethniques ou pour établir des quotas dans les élections), la République ne procédera jamais à la reconnaissance des identités raciales.

En tout cas, la volonté de ne pas accéder à ces demandes est louable car elleest conforme à l’idéal républicain qui conçoit la nation comme une communauté de citoyens unis par un même destin et soumis à la même loi. Le problème est évidemment que cet idéal est aujourd’hui remis en cause par la diversification croissante de la société. On peut le regretter, mais de fait, la race ou la religion deviennent des critères d’identité de plus en plus assumés et revendiqués par une partie de la population, population qui est d’autant plus influente qu’elle concerneplutôt des personnes éduqués et politisées. C’est donc un bouleversement profond qui se prépare. Il sera difficile d’échapper à un débat sur la manière dont l’Etat doit y répondre. Est-il par exemple judicieux de célébrer continuellement la diversité culturelle, au risque d’entretenir les dynamiques identitaires ? Faut-il continuer à valoriser les origines dans le cadre des politiques scolaires et culturelles ? On peut aussi relever que, de leur côté, les partir de gouvernement ont une attitude ambigüe. D’un côté ils affirment qu’ils sont attachés à l’idéal républicain, qui ne reconnaît que des citoyens ; mais de l’autre ils sont tentés de jouer sur la carte communautaire et identitaire, notamment au moment des élections. Pourquoi François Hollande a-t-il déclaré que « la République reconnaît tous les cultes », au mépris de la loi de 1905 qui affirme au contraire que la République ne reconnaît aucun culte ? Etait-ce un acte manqué ou un acte calculé ? Dans les deux cas, les laïcs ont du souci à se faire.

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