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Qui est le Harvey Weinstein de l’entrepreneuriat ?
©Reuters

Les entrepreneurs parlent aux Français

La nouvelle dictature du digital, conduit à écrire l’information comme on rédige un jugement. Un jugement avant le jugement.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Pour faire de l’audience, il faut surfer sur la vague médiatique du moment. En ce siècle d’information socialisée, les mots se vendent mieux que les idées. C’est d’ailleurs symptomatique de notre temps. Faute de vouloir prendre le temps d’approfondir, chacun se cantonne dans un voyage immobile, constitué de la répétition de petits morceaux de présent, superficiels. Une information insipide efface chaque minute, chaque jour, une information plus insipide encore. Une information dénuée de contenu et de réflexion. La vie à l’heure de l’information devient un menu géant dont on ne goûte jamais les plats.

Pour parachever le tout, et avoir la sensation de faire et donner l’illusion de comprendre, on peut même se laisser à la prendre en photo, puis, indispensable, à la transmettre. Je transmets donc j’existe. On se satisfait d’adresser une coquille sans contenu. Le geste de la transmission collective, sur les réseaux, est devenu plus important que l’exploration personnelle de l’information qu’elle contient.

Alors je fais comme tout le monde. Je prends un mot, car il attire, comme l’aimant, ceux qui se délectent de cette parodie d’information, cette inflation de mots sans contexte, même si au final, je n’ai, je l’avoue, aucun Weinstein entrepreneurial à vous mettre sous le selfie. Le Weinstein de l’entrepreneuriat  c’est la culture. Celle qui relègue la femme à un alibi pour conscience corporate, ou à un cas atypique à traiter de façon spécifique.

La nouvelle dictature du digital, conduit à écrire l’information comme on rédige un jugement. Un jugement avant le jugement. Les hommes sont jugés sur des rumeurs et cloués au pilori, avant même de savoir si la vérité est issue du relai par la masse des « crétins » qui se croient obligés de la relayer ou si le fait est avéré et prouvé. On appelle cela l’intelligence collective. !! Il est vrai, que dans la veine de la « fumée sans feu » et des « petits ruisseaux qui font la grande rivière », nombre des informations dont nous sommes abreuvés se révèlent véritables, mais rien ne le garantit dès le départ. L’homme juge sous le joug d’une culture, les mœurs du passé, comme si l’on pouvait juger le passé en fonction des critères du présent.

Levi-Strauss rappelait que le travail de l’anthropologue était fichu lorsqu’il commençait à juger l’objet de ses recherches. Juger le pygmée, ou l’aborigène de la brousse en fonction des yeux de l’occidental urbain condamne l’étude à passer de l’observation à la comparaison arrogante.

Et pourtant les réseaux et nous, si prompts à dénoncer la dictature et l’absence de démocratie à tout bout de champs, l’injustice, la famine et la guerre, avons fait de l’avis majoritaire sur internet un tribunal géant qui lève ou baisse le pouce en fonction du nombre de « Like ou pas like » de ceux qui ne font pourtant que relayer une information qu’ils ne maîtrisent pas. Weinstein ? Coupable. Kevin Spacey ? Coupable. Au point de retourner les images d’un film où il faisait une apparition comme toujours remarquable, pour un fait, non prouvé, datant de près de 20 ans, dont au final personne ne sait encore rien. Nous sombrons de la transparence à la dictature du fait divers, et sommes invités à la bien pensance, condamnés au politiquement correct, plus de « locker room talks », rien que des phrases insipides et dictées par la censure nouvelle, celle du comportement acceptable. Nadine de Rothschild et ses conseils désuets sur l’utilisation de l’argenterie, en deviendraient presque rassurants. Nous allons sombrer dans la dictature du convenable, de l’uniforme, et après avoir perdu notre sens commun, notre capacité à réfléchir par nous même, le sens du temps et de l’espace, nous allons sacrifier ce qui nous restait d’humanité. Une humanité qui ne sera belle que si elle reste imparfaite, imprévisible et diverse. Raison pour laquelle j’ai trouvé la réaction de Catherine Deneuve et de ses copines, rassurante et lucide.

Qui est le Weinstein de l’entreprise ? Pas de révélations fracassantes, mais un constat.

Notre culture, c’est cela, le Weinstein du quotidien des femmes salariées, comme celui des femmes entrepreneures. Une vision de la femme qui n’attribue pas de crédit à une femme qui oserait prendre son destin en main, être indépendante, ambitieuse, intéressée par la réussite, l’argent, parfois même au détriment de son couple ou de sa famille. Vous n’y pensez pas ! Et pourtant. Combien de fois un projet identique porté par un homme se concluait par un investissement, quand celui de son alter-ego féminin, restait accroché dans les vestiaires de l'investisseur. Pendu, haut et court, au porte-manteau de l’entrée. Pas crédible une femme…

La culture est aussi celle qui veut bien regarder des projets de femmes qui se contenteraient de tourner autour des thèmes sur lesquels on les estime légitimes. La cuisine, l’électro-ménager et encore, la mode, surtout les sacs et les chaussures. Mais un projet technologique, financier, vous n’y pensez pas. Combien de fois ai-je entendu dans des jurys de gens biens, la remarque sur le projet « typiquement » féminin, qui ne demande pas trop d’argent, n’a pas trop d’ambition et se cantonne à des sujets pour lesquels on accorde généreusement un début de compétence à la femme. Cette culture, c’est notre Harvey à nous. Et elle est vivace. Tenace. Crasse.

Alors les femmes ont dû constituer leurs réseaux, leurs réunions, dans ce qui devient parfois un ghetto féminin qui les éloigne de la réalité d’un monde où l’homme blanc de plus de 55 ans (dont la seule évolution notable récente est la disparition assez commune de la cravate) reste le pilier et le référent. Le pouvoir est âgé et appartient à une culture qui heureusement évolue, toujours trop lentement, mais sûrement.

Nous avons d’ailleurs décidé avec pleins d’amies et d’amis, dits « influents » sur internet, de faire du don de visibilité, l’un des leviers les plus efficaces de la créativité entrepreneuriale féminine. Génération 3W, vient d’être lancé, afin que tous ceux qui sont suivis largement sur les réseaux sociaux, puissent offrir leur visibilité à des projets de femmes qui souhaitent créer ou croître, ces  2 moments clés d’un projet. Une fois accepté, le projet féminin, est relayé par une communauté capable de toucher des centaines de milliers aujourd’hui, et des millions demain, afin de donner au projet plus de chances de succès. Une promotion canapé à l’envers. Tout le monde monte sur le canapé et profite de sa position pour l’offrir aux autres.

Alors désolé, non, je n’ai pas de Harvey à vous offrir ce lundi en pâture.  Harvey est en vous et moi, dans nos « à-priori » et nos fausses convictions, qui ont bâtit une image de la femme qui nous fait confondre l’habitude avec la vérité. Plutôt que de dénigrer, dénoncer nos porcs, agissons et construisons des ports, emplis de vaisseaux de croissance, portés par des femmes ou des hommes, peu importe, pourvu que la même chance soit accordée à chacune ou chacun.

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