Quelle facture les classes moyennes doivent-elles attendre du discours de politique générale de Manuel Valls ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les classes moyennes vont-elles encore payer la facture ?
Les classes moyennes vont-elles encore payer la facture ?
©Reuters

L'addition s'il vous plaît !

"Aller encore plus loin" et "plus vite", la feuille de route de Manuel Valls est claire. Emploi, solidarité et pouvoir d'achat... Lors de son discours de politique générale, Manuel Valls devrait s'exprimer sur ces grands thèmes en faisant des propositions concrètes. Et c'est la classe moyenne qui risque encore d'en payer le prix.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Etant donné la déclaration de François Hollande au lendemain du 2ème tour des municipales et l'annonce du pacte de solidarité, mais aussi ses précédents engagements (les 50 milliards du pacte de responsabilité, les économies à trouver et le respect de l'engagement de 3% du déficit repoussé mais pas abandonné), que peut-on en déduire sur les orientations du nouveau Premier ministre ?

Philippe Crevel : Par l'annonce du pacte de solidarité, le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité faire un geste pour rassurer l'aile gauche du Parti socialiste et rattraper les classes modestes qui ont pu, lors des municipales, soit se réfugier dans l'abstention, soit voter pour les extrêmes. L'idée de ce pacte est de redonner du pouvoir d'achat et des revenus aux plus modestes. Pour se faire, il y a plusieurs pistes :

- Un allègement des cotisations salariales a notamment été évoqué, il pourrait concerner la suppression des 0.75% de cotisation d'assurance maladies, ce qui impacterait tout le monde.

- Une mesure plus ciblée sur les salaires modestes peut aussi être imaginée. Une modification de la prime pour l'emploi a notamment été évoquée dans le but de la recalibrer vers les revenus les plus modestes.

- Il serait également possible, mais c'est une mauvaise idée, de continuer l'action sur l’allègement des cotisations sur les bas salaires.

- Enfin, dans le cadre d'un jeu de bonneteau, le gouvernement pourrait réserver plus fortement certaines prestations familiales aux revenus modestes, avec en contrepartie la suppression ou la réduction de ces prestations pour les revenus les plus élevés, ce qui impacterait négativement les classes moyennes. 

Ainsi, à défaut de réformer réellement le système des cotisations sociales qui est à bout de souffle, il y aura du ciblage, du saupoudrage.

C'est un jeu de Bonneteau qui va s'organiser, soit à l'intérieur même des revenus modestes, soit en intégrant les classes moyennes qui seront évidemment pénalisées. Car l'équation budgétaire reste simple. Premièrement, la France est un point au-dessus de son objectif dans le cadre de son déficit public. Elle est à 4% au lieu de 3%. Nous avons déjà eu deux délais, nous n'en obtiendrons pas un troisième. Si le gouvernement obtient un répit ou un aménagement de son objectif, il devra montrer des gages importants de sa volonté de réformer.

Les classes moyennes ont déjà payé un lourd tribut à ces deux premières années de présidence Hollande. Quel sort devrait leur être réservé demain, notamment dans le cadre du pacte de solidarité ? En profiteront-elles ?

Dans un système où le déficit public est de 4% du PIB et où la dette représente 93% du PIB, il y aura des transferts de ressources d'une partie de la population à une autre. Globalement, comme les contribuables aisés ont le défaut d'être rares et mobiles, ceux qui restent à taxer se situent à l'intérieur de la classe moyenne car ses membres ont l'avantage d'être nombreux et peu mobiles. Les mesures qui impacteraient les classes moyennes risquent d'être les suivantes :

- Des mesures concernant les prestations familiales.

- Une mesure très difficile à mettre en œuvre mais qui est dans les tuyaux depuis des mois : l'augmentation de la CGS, qui pourrait être la contrepartie d'un allègement de charges sociales salariales. Sachant que la CSG a une assiette plus large que les cotisations sociales, cette mesure apparaît plus juste socialement. Ce seront cependant les cadres moyens et cadres supérieurs qui seront les plus impactés dans le sens où ils peuvent avoir des revenus autres que des revenus salariaux.

- Il y a avait aussi l'idée de rendre plus dégressifs certains avantages sociaux.  Ainsi, plus vos revenus seront importants, moins vous aurez d'avantages sociaux. C'est une tentation qui semble forte, elle permettrait de faire quelques économies sur le dos des classes moyennes.

Manuel Valls dénonçait le fait que les Français en avaient assez du trop plein d'impôts. Hormis la baisse des cotisations salariales qui ne devraient pas vraiment concerner les classes moyennes, quelles autres baisses pourraient leur être consenties concrètement ?

Les marges de manœuvre sont extrêmement faibles. On peut avoir des mesures ciblées sur le barème de l'impôt sur le revenu, en particulier sur les premières tranches. Je ne vois pas beaucoup d'autres marges de manœuvre pour réellement alléger la facture, si ce n'est des mesures symboliques.

Les classes moyennes pourraient-elles paradoxalement payer plus que le reste de la société avec les nouveaux engagements de l'exécutif ?

Il y a un risque évident, dans le sens où l'on sait très bien qu'il faudra faire 50 milliards d'euros d'économie assez rapidement pour revenir d'ici 2015 ou 2016 à un déficit public en dessous des 3% du PIB. De facto, nous assisterons soit à une nouvelle augmentation de la pression fiscale, soit à une diminution des prestations sociales sur une partie de la population. Prochainement, le niveau des prestations sociales distribuées aux classes moyennes pourrait être remis en cause. D'ailleurs, c'est un peu dans l'air du temps, puisque l'accord national interprofessionnel de l'Unedic signé par les partenaires sociaux réduit la couverture chômage des cadres, donc des classes moyennes.

Existe-t-il un risque économique à négliger le sort des classes moyennes ?

Les classes moyennes représentent le cœur de la consommation française, il y a donc un double risque à les négliger. Le premier risque résiderait dans la réduction du niveau de consommation et donc de la croissance. La consommation représente environ 60% du PIB. L'autre risque réside dans la démotivation des cadres en France. Si la pression fiscale augmente fortement et si le retour sur impôts apparaît de plus en plus faible, le sentiment de défiance des classes moyennes vis à vis du pouvoir ne fera qu'augmenter.

Quelles mesures pourraient s'adresser davantage aux classes moyennes ?

Ces dernières années avec le gel des barèmes, les classes moyennes ont supporté beaucoup et payé énormément, des augmentations d'impôts à la réduction des niches fiscales en passant par la réduction du plafond du quotient familial. Les familles avec des enfants ont été fortement impactées par cette dernière mesure.

Aujourd'hui, un geste pour les classes moyennes pourrait se matérialiser d'une part, par un allègement de l'impôt sur le revenu. D'autre part, il y a dans cette population de la classe moyenne, beaucoup de commerçants, d'artisans, de membres des professions libérales. Ils sont très impactés par des mesures à la fois réglementaires et fiscales qui pénalisent leurs entreprises. Un geste vis à vis de ces indépendants pourrait se matérialiser là par des assouplissements réglementaires.

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