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Quel potentiel pour la stratégie de la rupture initiée par Nicolas Dupont-Aignan ?
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Clash sur commande

Nicolas Dupont-Aignan était l'invité de l'émission C à Vous sur France 5. Pendant l'émission, il s'en est pris violemment à Patrick Cohen, le qualifiant de "serviteur du pouvoir". Ne voulant pas s'excuser, il a été prié de quitter le plateau. Derrière cette stratégie du coup d'éclat permanent, le président de DLF mise probablement sur autre chose pour attirer l’attention de la part non négligeable de Français qui ne vote plus et rejette violemment médias comme représentants politiques

David Nguyen

David Nguyen

David Nguyen est directeur conseil en communication au Département Opinion et Stratégies d'Entreprise de l'Ifop depuis 2017. Il a été conseiller en cabinet ministériel "discours et prospective" au ministère du Travail (2016-2017) et au ministère de l'Economie (2015-2016). David Nguyen a également occupé la fonction de consultant en communication chez Global Conseil (2012-2015). Il est diplômé de Sciences-Po Paris. 
 
Twitter : David Nguyen
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Atlantico : Lors de l'émission C à Vous, sur France 5, Nicolas Dupont-Aignan a été prié de quitter le plateau après avoir accusé un journaliste d'être "le serviteur du pouvoir" et de "cirer les pompes"d'Emmanuel Macron. Comment expliquer cette stratégie de la "rupture" de Nicolas Dupont-Aignan dans le contexte actuel ? Celle-ci peut-elle lui profiter ? 

David Nguyen : Selon un sondage réalisé par l’Ifop en 2017, 67% des Français estiment que la liberté d’expression est menacée dans les médias traditionnels. Ce sentiment est d’autant plus partagé lorsqu’on se sent proche de formations frontalement opposées au pouvoir actuel : 86% chez les Insoumis, 76% chez les sympathisants du Rassemblement national et 82% chez ceux de Debout la France (contre 44% chez les sympathisants LREM). Pour Nicolas Dupont-Aignan, dénoncer des journalistes qui seraient aux ordres du pouvoir macroniste, c’est donc entrer en résonnance avec un discours largement partagé au sein de l’opinion, en particulier parmi ses électeurs. En faisant cela, l’objectif est de s’affirmer dans la course au titre de principal opposant du « système médiatico-politique », tout en s’offrant de nombreuses reprises dans ces mêmes médias. C’est une méthode qui a fait ses preuves. Sans même citer Donald Trump qui en a fait une obsession, on peut penser à François Bayrou qui avait débuté sa campagne en 2006 en dénonçant en direct, face à Claire Chazal, les liens entre Nicolas Sarkozy et de grands patrons de presse. Cette sortie avait contribué à installer l’image d’un homme libre et à faire de lui le troisième homme du scrutin présidentiel. Reste à savoir si cette technique désormais généralisée bénéficiera directement à Nicolas Dupont-Aignan ou si elle a perdu son caractère transgressif et donc son efficacité électorale.

Alors que les intentions de vote pour Nicolas Dupont-Aignan avaient été mesurées à la hausse lors de ces derniers mois, les derniers chiffres présentés montrent un tassement. Comment expliquer ces variations ? 

Debout la France a profité des difficultés post-présidentielles des Républicains et du Rassemblement national. En démarrant sa campagne plus tôt, Nicolas Dupont-Aignan a réussi à attirer des électeurs qui avaient été déboussolés d’un côté par le catastrophique débat d’entre-deux tours de Marine le Pen, de l’autre par l’affaire des enregistrements de Laurent Wauquiez devant les étudiants de l’Ecole de management de Lyon. Dans ce contexte de double crise de crédibilité des leaders de droite, Debout la France est apparu comme un pôle de stabilité et a réussi à tirer son épingle du jeu pendant quelques mois. C’est désormais plus difficile : les têtes de liste LR et RN ont été désignées et la campagne commence vraiment. La concurrence est plus rude et cela se traduit dans les intentions de vote : en décembre 2018, la liste de Nicolas Dupont-Aignan captait 10% des électeurs de François Fillon et 9% de ceux de Marine Le Pen 2017. Selon les derniers chiffres de l’Ifop, ces taux tombent à 4% aujourd’hui au sein de ces deux électorats (pour une intention de vote auprès de l’ensemble des Français à 5,5%). https://www.ifop.com/elections-europeennes-2019/

Une telle stratégie de la rupture n'est-elle pas "bloquante" au regard des différents modes de scrutin en France ? 

S’ériger en champion antisystème n’est pas nécessairement bloquant, même pour un scrutin qui impose une logique de rassemblement comme l’élection présidentielle. Emmanuel Macron, lorsqu’il rejetait en bloc en 2017 l’ «ancien monde », les « élites qui ont échoué », les « vieux clivages » était un candidat antisystème et une partie des Français a adhéré à cette promesse de renouvellement. Le risque en revanche c’est peut-être de proposer une double rupture, sur la forme comme sur le fond. Emmanuel Macron promettait certes de faire de la politique autrement, mais défendait un programme centriste, si ce n’est consensuel, empruntant à gauche et à droite et permettant à tous les électeurs effrayés par le Front national de se déporter sur En Marche. Nicolas Dupont-Aignan propose lui une rupture plus globale et plus radicale.

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