Que penser du lien établi par Michael Douglas entre sexe oral et cancer de la gorge : l’avis du spécialiste français du papillomavirus<!-- --> | Atlantico.fr
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Michael Douglas affirme que c'est le papillomavirus qui est à l'origine de son cancer de la gorge.
Michael Douglas affirme que c'est le papillomavirus qui est à l'origine de son cancer de la gorge.
©Reuters

Coupe-gorge

L'acteur Michael Douglas a déclaré dans une interview au quotidien britannique The Guardian que son cancer de la gorge aurait été causé par le papillomavirus, "qui vient du cunnilingus".

Joseph Monsonégo

Joseph Monsonégo

Joseph Monsonégo est gynécologue et chef du département de cyto-colposcopie de l’institut Alfred Fournier. Il est également spécialiste du papillomavirus.

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Atlantico : Michael Douglas affirme que c'est le papillomavirus qui est à l'origine de son cancer de la gorge (via une pratique du cunnilingus). Que faut-il penser de cette déclaration ? Oublie-t-il de prendre en compte d’autres facteurs ?

Joseph Monsonego : Les cancers de la cavité buccale, d’une manière générale, sont essentiellement issus de deux facteurs de risque : le tabac et l’alcool. C’est un cancer qui touche majoritairement les hommes (deux tiers des cas).

Depuis quelques années émerge une nouvelle entité de cancers de la cavité buccale, et notamment un type de cancer : celui de l’oropharynx, de la région amygdalienne. Ces cancers de l’oropharynx sont liés au papillomavirus (HPV). C’est-à-dire que c’est une nouvelle entité de cancer oropharyngé dans laquelle on retrouve le papillomavirus présent. Il s’agit essentiellement du papillomavirus de type 16, car pour tous les cancers oropharyngés HPV positifs, nous avons 90% d’HPV16. La fréquence de l’HPV dans le total des cancers de l’oropharynx varie selon les continents et les études. On a en moyenne une variation qui va de 30 à 60% de présence d’HPV dans les cancers oropharyngés.

Il y a donc un lien qui est en train d’être établi –à la fois sur le plan de l’épidémiologie, sur le plan de la carcinogénèse- entre cancer du larynx et HPV, et notamment l’HPV 16. Attention cependant, ce ne sont pas tous les cancers de l’oropharynx, mais seulement une partie d’entre elles, avec une particularité de meilleur pronostic de ses tumeurs.

Par ailleurs, lorsque l’on parle de cunnilingus responsable du cancer, on parle nécessairement de la notion de transmission du papillomavirus. Pour parler de transmission du papillomavirus, il faut évidemment rapporter sur ce que nous savons déjà pour le col de l’utérus où les papillomavirus sont responsables de 100% des cancers, ce qui n’est pas le cas pour l’oropharynx comme nous venons de le voir. De plus, sur le col de l’utérus, si le papillomavirus de type 16 est dominant, mais il n’est pas de 90%, mais est de 60% : d’autres types de virus qui sont également dans la carcinogénèse s’y trouvent.

Il y a sur le col de l’utérus une réceptivité, une sensibilité particulière. C’est une muqueuse soumise aux microtraumatismes où les virus pénètrent plus facilement. L’immunité locale est moins importante que pour la bouche qui est beaucoup moins soumise aux micro-traumatismes et mieux immunisée qu’au niveau génital.

Lorsque l’on a des rapports buccaux-génitaux on est donc exposé majoritairement à d’autres types de virus que le 16, ce qui veut dire que le cunnilingus dans les conditions traditionnelles n’expose pas toujours au risque majeur qui est celui lié au 16.

Pour résumer : oui l’exposition au HPV 16 est un facteur de risque, mais le cunnilingus n’est pas toujours responsable d’un facteur de risque de cancer de l’oropharynx car nous n’avons pas toutes les conditions réunies pour que ce cancer puisse se développer.

Il faut également savoir que toute exposition au type 16 n’engendre pas forcément un risque : on a encore la possibilité d’éliminer naturellement son virus.

Michael Douglas a raison de dire que le cunnilingus a un lien, probablement pour différentes raisons associées à l’exposition au 16 : une immunité locale défaillante ou un contexte qui lui est propre peuvent faire ensuite que cette tumeur est apparue. Mais il ne faut pas penser que tous les cunnilingus génèrent un risque.

Quel type de contexte peut alors accroître le risque ?

L'exposition au papillomavirus que ce soit au niveau génital ou oral, est liée au nombre de partenaires sexuels, et notamment à la sexualité orale. Ce n'est effectivement pas la même chose d’avoir des rapports buccaux-génitaux dans le cadre d’un couple stable que dans le cadre de couples instables ou à multiple partenaires. Le risque d’être exposé au virus augmente avec le nombre de partenaires.

Comment peut-on détecter que l'on est porteur du virus ?

En ce qui concerne le col de l’utérus, nous avons la possibilité de détecter les signes précoces des infections actives, c’est-à-dire celles qui vont générer des lésions précancéreuses, ou même la vaccination qui a pour rôle de neutraliser ces virus. Au niveau de la cavité buccale nous n’avons pas de possibilité actuelle de dépistage.

Et aujourd’hui la vaccination n’est pas en France recommandée chez le garçon. C’est pourtant l’homme qui est le plus souvent concerné par des cancers de l’oropharynx.

Combien d'autres hommes pourraient être dans son cas ?

Cela est assez difficile à évaluer. Si l’on devait distinguer une population à risque, ce serait une population qui aurait des partenaires multiples avec une sexualité orale, qu’elle soit homo ou hétéro.

Les ORL auront cependant dans un avenir que j’espère proche une possibilité de rechercher le virus par un dépistage systématique au sein de certaines populations à risque (ce n’est pas encore institué cependant).

Le papillomavirus est-il répandu ? Est-il systématiquement nocif ?

Le cancer de la cavité orale, et en particulier de la sphère oropharyngée, représente à peu près 6000 cas par an. Sur cette partie-là, 20 à 30% sont rapportés au papillomavirus. Parmi eux, deux tiers sont des hommes.

La bonne nouvelle c’est que très certainement dans un avenir proche les ORL auront la possibilité d’effectuer une détection précoce de ces sujets à risque par l’identification à partir d’un prélèvement d’exfoliation salivaire du type 16, et surtout d’un type 16 qui persiste dans le temps, qui pourrait être un facteur de risque –comme démontré pour ce qui est du col de l’utérus.

Surtout, comme on l’a démontré au niveau du col, la vaccination lorsqu’elle est proposée à des sujets jeunes qui n’ont pas encore eu de rapports sexuels a pour but de neutraliser les virus les plus agressifs et notamment le 16 au niveau de la cavité buccale. Elle pourra jouer une part très importante en termes de prévention. La vaccination d’un garçon entre 10 et 13 ans offre ainsi la possibilité de le protéger quasiment entièrement de ces tumeurs dans l’avenir.

La vaccination en France n’est pour l’instant que préconisée chez les jeunes filles, de préférence avant qu’elles n’aient eu la possibilité d’avoir des rapports. Aux États-Unis, en Australie ou au Canada, on a étendu cette vaccination systématiquement aux garçons, mais hélas pas en France.

Quels sont les autres types de virus transmissibles par les muqueuses ou maladies sexuellement transmissibles susceptibles de provoquer un cancer ?

Il y a deux cancers viro-induits démontrés : le papillomavirus qui est responsable de 100% des cancers du col, de 90% des cancers de l’anus, et en moyenne 30 à 40% des cancers oropharyngés. Le second c’est le virus de l’hépatite, notamment responsable du cancer du foie.

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