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Que doit faire la France face à l'Allemagne ?
©Reuters

Bonnes feuilles

Le couple franco-allemand fait souvent office de vigie lors des tempêtes européennes. Bruno Alomar décline les différentes attitudes envisageables pour la France face à son voisin allemand. Extrait du livre de Bruno Alomar, "La réforme où l'insignifiance Dix ans pour sauver l'Union européenne" aux éditions de l'école de guerre, ligne de front (2/2).

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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Que doit faire la France ? Imiter l’Allemagne, contenir l’Allemagne, ignorer l’Allemagne, compléter l’Allemagne

L’on prête à Condoleezza Rice, à propos de l’attitude respective de la Russie, de l’Allemagne et de la France, tous trois opposants à la seconde guerre d’Irak, le conseil suivant au président américain George W. Bush : « Forget Russia, forgive Germany, punish France » (« Oublier la Russie, pardonner à l’Allemagne, punir la France »). En matière de couple franco-allemand, le quadryptique définissant la relation avec l’Allemagne pourrait être le suivant : « imiter l’Allemagne, contenir l’Allemagne, ignorer  l’Allemagne, compléter l’Allemagne ». Le fil rouge de cette posture est clair : c’est bien l’Allemagne qui a le plus à perdre d’un éventuel échec de la construction européenne ; il ne faut pas craindre de lui donner raison et de faire comme elle quand c’est l’intérêt de la France.

La France doit d’abord imiter l’Allemagne. Il est assez piquant, et pour tout dire navrant, que la France se soit autant crue dispensée de réformer son économie par souci de ne pas paraître donner raison à l’Allemagne. Comme l’Allemagne, la France doit réduire sa dépense publique, moderniser son système productif, réformer son marché du travail, renforcer son industrie. Comme l’Allemagne, elle doit regarder les institutions européennes au prisme de ses intérêts.

La France doit ensuite contenir l’Allemagne. Il est temps que la France sorte de la situation d’infériorité dans laquelle elle se place à l’égard de l’Allemagne. Elle ne doit rien lâcher à l’Allemagne quand il s’agit de se partager les grands postes dans les institutions. Elle doit, enfin, assumer de combattre l’Allemagne quand celle-ci prend des mesures unilatérales qui l’affectent, comme cela a été le cas dans le domaine énergétique et migratoire.

La France doit ignorer l’Allemagne. C’est là un point essentiel. Le Brexit doit rappeler à la France cette vérité d’évidence : le monde est plus vaste que l’Union européenne. Il est assez piquant d’ailleurs de constater à quel point les élites économiques françaises, notamment industrielles, regardent souvent au-delà des mers plutôt que de chercher coûte que coûte des alliances avec une Allemagne qui se vit comme une puissance géopolitique civile, mais dont les aspirations hégémoniques ne se contiennent pas dès qu’il s’agit d’industrie. La France a des responsabilités géopolitiques et militaires qui se déploient à l’échelle du monde. Elle doit prendre appui sur cette réalité pour tenir les deux bouts de la chaîne. D’un côté, participer pleinement à la construction européenne. D’un autre côté, ne pas s’y enfermer et faire comprendre à ses partenaires européens, notamment l’Allemagne, qu’elle seule regarde au-delà de l’Union européenne, et qu’ils n’ont nullement les responsabilités et la place qu’elle partage avec la seule puissance comparable : le Royaume-Uni.

Enfin, la France doit compléter l’Allemagne. Le destin de l’Union européenne ne se réduisant pas aux institutions européennes, un partage des tâches est possible et souhaitable. À la forme de pensée allemande (monétariste, mercantiliste, légaliste, rigoriste) de prévaloir au sein des institutions européennes. À la France la responsabilité d’être la seule puissance géopolitique, militaire, culturelle du continent européen. À la France et à l’Allemagne, nous l’avons dit, d’assumer ensemble le leadership de l’Union européenne.

Naturellement, un tel renversement copernicien de la posture française n’est possible qu’à plusieurs conditions que nous croyons avoir exposé : que la France se réforme ; que l’Union européenne retrouve sa nature profonde d’organisation internationale non souveraine, dont les compétences sont limitées aux questions économiques. Nous en ajouterons une troisième : un profond renouvellement des élites françaises.

Extrait de "La réforme où l'insignifiance Dix ans pour sauver l'Union européenne", de Bruno Alomar, aux éditions de l'école de guerre, ligne de front

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