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Quand l’accession à son propre désir n'est plus le centre de l’équation sexuelle mais bien le partage de celui-ci avec le désir de l’autre
©Pixabay

Bonnes feuilles

L'inquiétude de ne pas être "un homme, un vrai", existe chez beaucoup d'hommes. Mais la virilité n'est pas une performance à atteindre, tout homme est par nature un "homme puissant". A partir de son expérience intime, d'une enquête et des groupes de paroles d'hommes qu'il anime, Alain Héril, psychanalyste et sexothérapeute, explique comment accepter ses fragilités, dépasser la confrontation au père, la peur des femmes et la rivalité avec ses semblables.Extrait de "Dans la tête des hommes" d'Alain Héril, aux éditions Payot 2/2

Alain Héril

Alain Héril

Alain Héril est psychothérapeute et sexothérapeute depuis 25 ans.

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Jouir et faire jouir

« Comme la vie est pleine de douces surprises ! Quand je vois mon partenaire en pleine extase, je suis moi-même au septième ciel. C’est un enchantement des corps et de l’âme. » Philippe, 28 ans

Lorsque l’homme a compris qu’il lui était plus profitable de rencontrer l’autre et d’ainsi pouvoir se construire, se saisir, se développer et évoluer à l’occasion de cet autre, la relation à la jouissance sexuelle s’en trouve éclairée d’une autre flamme. Ce n’est plus l’accession à son propre plaisir qui devient le centre de l’équation sexuelle mais bien le partage de celui-ci avec le plaisir de l’autre. Ce changement dans l’organisation de la sexualité s’effectue précisément aux alentours de vingt-cinq ans. C’est le moment propice pour qu’un homme comprenne le sens relationnel de la sexualité.

C’est quitter une sexualité où deux solitudes se rencontrent pour entrer dans une danse à deux, plus pleine. Le mouvement dont je parle ici est celui qui permet au jeune homme d’accéder à la maturité sexuelle, ce qui veut dire un rapport au désir affirmé et conjugué à celui de l’autre. Cette étape est importante car elle préfigure une sexualité sans pathologie et entièrement tournée vers sa dimension ludique et naturelle donc dénuée de dysfonctionnements limitants. On pourrait rétorquer que beaucoup d’hommes ne font pas ce chemin et restent enfermés même au-delà de vingt-cinq ans dans un rapport à la sexualité qui ne prend pas en compte la présence de l’autre. Je le sais d’autant plus que ce sont ces hommes-là qui viennent consulter un sexothérapeute. Et ils viennent parce qu’ils sentent en eux cette possibilité d’une sexualité moins anxiogène mais qu’ils n’ont pas le mode d’emploi pour l’atteindre. C’est également la preuve que ce mouvement qui va de l’attention à soi, égocentrée, à une attention à l’autre est naturel et inscrit dans le développement psychoaffectif et sexuel d’un jeune homme de plus de vingt ans.

J’ai reçu en consultation Mendy, âgé de vingt sept ans. Il était la parfaite illustration de ce que je développe ici. Un garçon agréable, beau, ouvert mais terriblement centré sur lui-même. De toute évidence, il n’avait pas encore quitté l’adolescence et il venait consulter pour des difficultés d’érection. Il avait même pris du Viagra pour améliorer ses performances et cela sans résultat. Il venait consulter parce qu’il sentait bien qu’il passait à côté de quelque chose d’important, qu’il n’était pas « tout à fait lui-même » dans sa sexualité. Il collectionnait les relations amoureuses hommes et femmes confondus et il retrouvait toujours cette défaillance érectile. « Que faire ? » disait-il, dépité. Il lui fallut beaucoup de temps pour comprendre qu’en restant centré sur lui-même il aggravait son symptôme et qu’il lui fallait intégrer la présence de l’autre (c’est cela qui le stressait) dans la sexualité. Cet autre, mystérieux et étrange, il n’arrivait pas à le prendre en compte comme si tout rapport sexuel n’était qu’une masturbation symbolique en présence de quelqu’un. 

Mendy réussit à comprendre qu’accepter l’autre, c’était accepter d’être dérangé et que ses partenaires avaient des désirs propres, des envies, qu’ils avaient aussi des demandes à lui faire et qu’il lui fallait accepter ou refuser celles-ci, donc se positionner, prendre des décisions, se responsabiliser dans les relations. Son manque d’érection était le reflet de cette impossibilité à se définir à partir de l’autre sans avoir l’impression de se nier. Il réussit à le faire, il alla mieux. Il comprit ce que doivent saisir les hommes de son âge : après vingt ans, la sexualité est une aventure fragile. C’est celle du passage de l’affirmation narcissique à la prise en compte de l’altérité. C’est finalement commencer à comprendre le sens véritable de l’expression « faire l’amour ».

De vingt à trente ans, un homme se découvre et acquiert des connaissances sur lui-même et sur ses capacités à assumer ses désirs. C’est aussi une période de confrontation avec le principe de réalité. Celui-ci est, par essence même, résistant à tout principe de plaisir. Les deux fonctions s’opposent. Être un homme entre vingt et trente ans demande de trouver le juste équilibre entre ces deux fonctions. De rester dans l’idée que la vie est un jeu, tout en intégrant une dose de sérieux suffisante pour être considéré comme apte à prendre des décisions et à les assumer.

Extrait de "Dans la tête des hommes" d'Alain Héril, publié aux éditions Payot, 2016. Pour acheter ce livre cliquez ici

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