Qu’est-ce qui cloche chez les Français ? Des enfants parmi les mieux élevés au monde mais des adultes qui ont 20% de chances en moins de se sentir “très heureux” que les habitants des autres pays développés<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Pamela Druckerman, auteur du best-seller "Bébé made in France", montre que les Français sont assez pessimistes.
Pamela Druckerman, auteur du best-seller "Bébé made in France", montre que les Français sont assez pessimistes.
©

Biberonnés au malheur

Mieux éduqués mais plus malheureux que les peuples des autres pays, c'est le triste destin que nous analyse l'écrivain et essayiste Pamela Druckerman dans un article de Vanity Fair.

Pamela Druckermann

Pamela Druckermann

Pamela Druckerman est une journaliste et écrivain américaine vivant à Paris.

Voir la bio »

Altantico : Après votre best-seller, Bébé made in France, vous signez un article dans Vanity Fair intitulé « L’éducation bonjour tristesse ». Dans celui-ci, vous expliquez que bien que les petits Français comptent parmi les enfants les mieux éduqués au monde, ils deviennent des adultes ayant 20% de chances en moins de se sentir "très heureux" que les habitants des autres pays développés. Pour quelles raisons selon vous ? Est-ce lié à notre culture ?

Pamela Druckerman : Mon article se basait sur des études montrant que les Français plaçaient moins d’espoir dans l’avenir que les personnes en Afghanistan ou en Iraq. Apparemment, le simple fait d’être français réduit vos chances d’être « très heureux » de 20%, par rapport à d’autres nationalités aux niveaux de revenus similaires.

J’admire beaucoup de choses dans la culture française – tout particulièrement la parentalité. Elle est pleine d’idées de bon sens que de nombreux autres peuples ont oubliées. Vous, Français, êtes très doués pour vous en tenir aux formules qui fonctionnent bien.

Mais vous êtes aussi très doués pour vous en tenir à ce qui ne fonctionne pas. Il existe un pessimisme réflexif ambiant ici. En tant qu’Américaine vivant à Paris, je suis souvent frappée par les choses dont les Français se plaignent – comme le fait qu’il n’y a pas assez de places en crèche. J’ai toujours envie de leur dire : « Au moins vous avez des crèches ! Vous avez aussi des subventions pour les autres services de garde, et des maternelles gratuites et universelles. Aux Etats-Unis, sauf si vous êtes très pauvre, l’éducation publique ne commence généralement pas avant l’âge de cinq ans pour les enfants. Les parents de jeunes enfants sont complètement livrés à eux-mêmes.

Je ne dis pas que les Français devraient simplement regarder ce qui se passe aux Etats-Unis pour se rassurer. Bien sûr, il existe des motifs de plainte légitimes en France. Mais peut-être que la réalité n’est pas tout à fait aussi noire que vous ne le pensez.

La pression sociale est-elle plus grande en France qu’aux Etats-Unis ?

Non, je pense simplement que chaque pays possède ses propres récits sur la manière dont la vie se déroule. J’ai été frappée par cela en lisant des livres pour enfants français et américains. Dans les livres américains, typiquement, il y a un problème, le problème est réglé, et chacun apprend et grandit. Tandis que dans les livres français, le problème est résolu, puis revient. Le narratif français est sans doute plus réaliste. Mais il est aussi plus déprimant.

En quoi cet inconscient collectif pessimiste handicape-t-il la France ?

Peut-être que le pessimisme a des bienfaits économiques. Mais de façon anecdotique, je peux dire que j’entends sans arrêt la même histoire : une jeune personne en France a une idée pour développer un nouveau projet ou une entreprise, elle la présente à son entourage, et tout le monde lui explique pourquoi cela n’est tout simplement pas possible à réaliser.

Aux Etats-Unis, c’est le contraire. Un de mes amis français était frappé par les stands de limonade que les enfants américains installent devant leurs maisons en été, pour vendre des boissons fraîches à un dollar à n’importe quelle personne passant par là. (D’ailleurs en réalité cela doit être plus cher qu’un dollar désormais). C’est une première expérience d'entrepreneuriat. Les parents espèrent qu’après la limonade, leur enfant créera demain le prochain Microsoft. 

Dans cet article, vous expliquez que dans les contes américains, « le héros atteint son but après avoir surmonté tous les obstacles ». A contrario, cette vision du monde n’est-elle pas un peu naïve et un moyen d’endormir les citoyens en les berçant d'illusions?

Bien sûr qu’elle est naïve. C’est devenu de plus en plus difficile de faire partie de la classe moyenne aux Etats-Unis, et qui plus est de devenir le nouveau Bill Gates. Mais si nous avons tendance à être exagérément optimistes et positifs, ces qualités ne sont pas pour autant idiotes. Bien dosées, elles peuvent être un moteur. Je pense que les Français, ou peut-être les Parisiens, s’épuisent parfois à faire mine de tout savoir par avance. Lorsque quelqu’un arrive et injecte une petite dose de joie naïve, ils sont en fait soulagés.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !